Dans une lettre ouverte adressée aux préfets de la région Rhône-Alpes-Auvergne et au patronat de la Chimie, des syndicalistes de la Fédération CGT des Industries Chimiques ont haussé le ton face à la volonté des patrons et de l’Etat de maintenir coûte que coûte la production industrielle.
« À l’heure où le confinement reste nécessaire, les sites industriels notamment de la chimie tournent, pour certains à plein régime en effectif minimum, mettant en danger les travailleurs, mais aussi toute la population ! », dénonce ainsi Michael Corgier, référent régional FNIC-CGT.
Le syndicaliste pointe du doigt l’ambigüité évidente (et volontaire) des discours gouvernementaux et patronaux : « Comment d’un côté demander à la population de ne pas sortir et d’un autre envoyer au travail avec comme seul argument la santé financière de l’entreprise ! Que fait-on de celle des travailleurs et de leurs familles ? ».
Cette ambigüité patronale et gouvernementale masque mal une contradiction majeure : comment exiger le confinement de la population (pour en réalité éviter l’explosion de notre système de soin à l’agonie depuis des décennies) et dans le même temps, inciter puis forcer les ouvriers à continuer à travailler ? Pour les capitalistes, le pays doit continuer à produire, et pas seulement pour le minimum nécessaire, mais pour continuer à capter d’énormes profits et maintenir les parts de marché.
En opposition à ces considérations capitalistes, la CGT Chimie liste des revendications qui placent la santé du travailleur au centre du jeu, au cœur de la société :
« – L’arrêt immédiat et la mise en sécurité immédiate de toutes les industries non essentielles et utiles à la nation, dont le fonctionnement ne fait qu’amplifier le risque de contamination et le risque de catastrophe industrielle majeure !
– Le maintien à 100% des salaires pendant la période de crise, pris en charge par les employeurs et non la collectivité nationale qui devra rembourser par ses impôts les centaines de milliards déjà annoncés d’aide aux employeurs.
– L’interdiction de sanction envers les travailleurs.
– Le dépistage systématique du COVID-19, pour tous les salariés qui travaillent dans les industries retenues comme essentielles. »
Entretien avec Michaël Corgier, dirigeant fédéral de la CGT Chimie
Peux-tu te présenter brièvement ?
Michaël Corgier, référent régional Rhône-Alpes pour la Fédération nationale des Industries Chimiques CGT. Je suis aussi membre de la direction fédérale de la FNIC-CGT.
Pourquoi avoir écrit une lettre ouverte aux préfets de Rhône Alpes Auvergne et à France Chimie ?
Nous avons voulu les rappeler à leurs responsabilités quant au maintien du fonctionnement de nos industries, qui tournent au maximum avec des effectifs réduits au minimum. L’objectif était également d’alerter le public sur la dangerosité de nos sites classé SEVESO, souvent classés seuil haut, ainsi que sur le risque d’accident industriel puisque les équipes sont fatiguées autant physiquement que psychologiquement. L’Etat et le patronat ont, et auront des comptes à rendre.
Enfin, nous avons aussi voulu hausser le ton sur la question de la prise en charge non seulement des travailleurs, mais aussi de la population qui habite autour des sites industriels. Les hôpitaux sont déjà surchargés, ce sera pire en cas d’accident industriels.
Nous le répétons : la santé des travailleurs est l’enjeu principal. Malgré toutes ses précautions, le salarié risque à tout moment d’être contaminé ou de contaminer ses proches et ses collègues. Nous le disons dans notre communiqué, il faut mettre en sécurité les installations industrielles avant qu’il n’y ait une multiplication des cas de contamination dans les équipes.
Quel est le rôle du patronat de la Chimie dans le maintien de la production en contradiction flagrante avec toutes les annonces appelant à durcir le confinement ?
Il n’y a aucune volonté du patronat de la chimie d’arrêter de produire. En ce moment les usines tournent au maximum mais avec une masse salariale réduite et la mise au chômage partiel de près de la moitié des effectifs ! Pour le patronat, cette situation c’est du gagnant-gagnant avec toutes les aides d’Etat et autres exonérations dont ils se gavaient déjà avant la crise et qui vont se multiplier pour soi-disant répondre à la pandémie.
Pour le pouvoir, la santé financière des entreprises prime sur la santé des travailleurs. D’un côté le gouvernement nous interdit de voir nos familles, mais tolère et encourage les salariés à travailler les uns sur les autres… On marche sur la tête. Ce n’est pas aux travailleurs de payer la crise économique au nom de l’urgence sanitaire. Ces sont les patrons qui doivent payer.
Quel est l’état d’esprit des travailleurs de la Chimie face au coronavirus et la volonté du patronat de maintenir à tout prix la production ?
C’est l’inquiétude complète, les travailleurs vont au travail la boule au ventre. Ils n’ont pas la tête à travailler, ils pensent au danger qu’ils prennent pour eux mais aussi pour leurs familles. Et l’inquiétude grandit au fil des jours avec des collègues ou leurs proches qui tombent malades. Cette tension est palpable et pesante. Les travailleurs ne comprennent pas pourquoi ils devraient se mettre danger pour fabriquer des produits non-essentiels.
La FNIC CGT préconise l’arrêt immédiat et la mise en sécurité immédiate de toutes les industries non essentielles et utiles à la nation, pourquoi ces mesures sont-elles indispensables ?
Ces mesures sont indispensables pour la sécurité et la santé des travailleurs mais aussi de la population en cas d’accident industriel. Si on nous demande de nous confiner au maximum, alors pourquoi le patronat et le gouvernement continuent-ils à prendre tant de risques sanitaires en maintenant l’ouverture totale ou partielle des industries non-essentielles.