[Magazine n°1 / Batailles des idées] Temps de travail : défendons nos RTT, luttons pour les 32h !

La contradiction essentielle Capital/Travail, qui est la base de la lutte de classe, c’est la lutte pour la répartition des fruits du travail entre capitalistes et travailleurs

UNE REVENDICATION DE BASE, STRUCTURANTE DU MOUVEMENT OUVRIER

Ce combat s’est immédiatement matérialisé sous la forme de revendications ouvrières d’un meilleur salaire et de la réduction du temps de travail. La mère de ces batailles a donc aussi été de mettre un terme à la rémunération « à la pièce », qui poussait à la mise en concurrence féroce entre ouvriers, à des inégalités de rémunérations, à la mise en danger des travailleurs par eux-mêmes pour courir après la productivité.

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Pour le mouvement ouvrier, la baisse du temps de temps de travail est AUSSI un enjeu de répartition des richesses, en effet si on baisse nos heures de travail, tout en maintenant nos salaires, alors notre salaire augmente mathématiquement quant à son taux horaire !

Par ailleurs, la baisse du temps de travail donne au revendicatif ouvrier un sens nouveau : celui du droit au repos, aux loisirs, à la culture, bref au « temps libre » qui est une idée neuve, pierre angulaire du « progrès social » pour les exploités.

Ce progrès social correspond en réalité à un choix de société qui ne peut qu’être issu des luttes. Spontanément, si les capitalistes veulent mettre le progrès technique continu au service de la maximalisation des profits, la classe ouvrière organisée du XIXème siècle va exiger dans ses luttes que ces avancées techniques et technologiques soient dédiées à l’amélioration des conditions de travail et de la baisse du temps de travail, pour enfin obtenir « le droit à la paresse », et au repos comme l’écrivait Paul Lafargue, pionnier de la Fédération Nationale des Syndicats, qui fut un des courants fondateurs de notre CGT.

Depuis sa création, jusqu’à la guerre de 1914, la CGT va ainsi faire campagne pour la journée des 8 heures. C’est aussi pour la journée de 8 heures que les ouvriers de l’usine McCormick de Chicago étaient en grève, le 1er Mai 1886. Cette grève se généralisa dans la foulée à la ville entière et sera brutalement réprimée le 4 Mai 1886.

N’oublions pas que c’est pour honorer ces morts et martyrs ouvriers et poursuivre leurs combats que le mouvement ouvrier international a décidé d’appeler les ouvriers à la grève et à manifester chaque premier Mai pour revendiquer les 8 heures.

UN CHAPELET REVENDICATIF DE LUTTES ET DE CONQUÊTES SOCIALES

S’appuyant sur des luttes et des victoires locales, la CGT n’a eu de cesse durant sa longue histoire que de porter cette revendication des 8 heures pour tous, de la réduction générale du temps de travail.

C’est à la sortie de la première guerre mondiale, avec le renouveau des luttes dans tout le pays, la crainte de la « contagion bolchevique » venue de Russie et d’un 1er Mai 1918 qui s’annonçait comme un jour de grève générale sans précédent dans le pays, que le gouvernement « lâche » sur la journée des 8 heures sans baisse de salaire.

Plus tard, en 1936, après des semaines de grève générale et l’occupation par les ouvriers de plus de 10 000 usines, le patronat signe les accords Matignon qui instituent la semaine de 40h.

Les 8 heures comme les 40h seront balayées par l’effort de guerre et l’Occupation nazie et la Collaboration. Il faudra de nombreuses luttes après-guerre pour les reprendre et les consolider.

Si les 39h et les 35H sont le fruit de lois des gouvernements Mauroy et Jospin, ces mesures correspondent à une reprise des revendications de la CGT. Toutefois, et bien que gravées dans la loi, ces mesures vont faire l’objet d’une remise en cause permanente par le patronat. Ceci prouve en réalité que les lois ne sont que le résultat du rapport de force entre le capital et le travail, et ne suffisent pas pour imposer le progrès social dans la réalité.

En effet, on voit très nettement que dans les entreprises où les syndicats de lutte sont forts, les 35h ont été un progrès social (qui s’est naturellement traduit par des embauches massives) ; à l’inverse dans de nombreuses boîtes les 35h n’ont été synonymes que de blocage des salaires et d’augmentation de la productivité (baisse des temps de pauses, dégradations des conditions de travail, polyvalences forcées, déqualifications des tâches, annualisation, RTT impossibles à récupérer comme à l’Hôpital…).

FACE A L’OFFENSIVE PATRONALE SUR LES 35H : DEFENDONS NOS RTT ET FAISONS CAMPAGNE POUR GAGNER LES 32H POUR TOUS !

Tout au long des années 2000, à la faveur de la crise, le patronat a ainsi exercé un chantage permanent pour récupérer ce « profit volé » des 35h.

Rappelons-nous par exemple des campagnes de chantage ininterrompues dans la métallurgie et le caoutchouc (Continental, Bosh, Smart, Novemball…) au cours desquelles les patrons répétaient inlassablement : « Renoncez aux 35h ou je délocalise ! »…. Soulignons par ailleurs que ces maitres chanteurs patronaux ont bien souvent délocalisé, même lorsque les ouvriers acceptaient de renoncer à leurs conquis !

N’oublions pas également les lois Sarkozy d’assouplissement, le « travailler plus pour gagner plus », l’annualisation, les « forfaits jours », la défiscalisation des heures supplémentaires pour revenir aux 40 heures par des moyens détournés, ce qui a bloqué les embauches dans de nombreuses boîtes, et des référendums d’entreprise qui ont facilité le chantage patronal !

Pendant la crise sanitaire et le confinement, le gouvernement Macron a enfoncé un nouveau coin dans les 35h en signant des ordonnances qui permettent d’imposer les RTT de force pour économiser du chômage partiel. Le chantage à la « solidarité nationale » a battu son plein et la mise en scène d’une « guerre » par Macron a sonné le retour d’une rhétorique de « sacrifices » et « d’efforts de guerre » !

Aujourd’hui, à la sortie de la crise sanitaire, les grands patrons et leurs gouvernements aux ordres en France comme ailleurs, agitent le spectre d’une nouvelle crise économique, justifiant des reculs sociaux pour « sauver l’économie ». Nos RTT sont clairement dans la ligne de mire !

L’enjeu est toujours une guerre de classe : il n’y a pas de véritable « crise économique », mais pour préserver ses dividendes, le Capital DOIT faire baisser la part du Travail, donc faire baisser le prix de la marchandise travail. Pour cela : faire travailler davantage les salariés, tout en maintenant le blocage des salaires, c’est faire baisser nos salaires à l’heure !

Défendre nos RTT, c’est donc défendre la valeur de notre travail : c’est défendre nos salaires !

Le progrès social est possible et nécessaire ! La journée de 8 heures a été arrachée dans un pays ruiné par la 1ère guerre mondiale et dont le nord-Est industriel avait été particulièrement dévasté.

De même, les conquis de 1936 et notamment la semaine de 40h ont été obtenues dans un pays frappé de plein fouet par la crise de 1929 : qu’on ne nous dise pas que les 32h pour tous ne sont pas possibles dans la 6ème puissance économique du monde !

S’engager dans une bataille confédérale pour les 32h pour TOUS, c’est lutter pour augmenter notre part dans la répartition des profits créés exclusivement par NOTRE travail, c’est lutter pour arracher plus de temps libre, et cela aura comme conséquence la reprise des embauches et la baisse du chômage !

Lire aussi : Bataille des idées : « Le conseil d’usine », Antonio Gramsci, juin 1920