Comprendre le contexte de la grande grève des mineurs
En 1941, si l’Occupation se traduit déjà par de substantiels bénéfices pour les capitalistes, elle entraine une misère grandissante pour le peuple. Le coût de la vie augmente et les salaires sont bloqués. Le pillage nazi prive la population de denrées alimentaire, de vêtements, de chauffage, etc… Toutes les libertés démocratiques et syndicales sont supprimées tandis que le racisme et l’antisémitisme sont inscrits dans la Loi.
Rappelons ici que le PCF a été dissous par les autorités de la IIIe République le 26 septembre 1939 et les communistes sont interdits d’activité politique et syndicale, pourchassés et arrêtés. La police utilise des listes nominatives qui seront par la suite transmises à l’occupant allemande après la proclamation de l’Etat français par le gouvernement pro-nazi de Philippe Pétain qui dissoudra également la CGT le 9 novembre 1940.
Pour la classe ouvrière, la lutte contre le fascisme a en réalité commencé depuis longtemps. Les combats de février 1934, le Front populaire, l’action contre la non-intervention et Munich sont autant d’épisodes de cette lutte. Pour les militants ouvriers, la lutte clandestine a commencé dès 1939 et se poursuivra après l’invasion et l’Occupation de la France.
La lutte nationale de la classe ouvrière et des masses populaires présente une variété de formes. Dès juillet 1940, les premiers comités populaires et les comités de chômeurs s’organisent ainsi sous la direction clandestine de Benoit Frachon pour suppléer aux carences des syndicats, pour lutter contre Vichy et les occupants.
Cette activité illégale est doublée de l’utilisation des syndicats réactionnaires légaux pour les entrainer dans la lutte revendicative et la résistance aux directives gouvernementales. Par ailleurs, les comités de lutte contre la déportation des ouvriers organisent de puissantes manifestations de protestations.
Enfin, de multiples sabotages effectués par les formations de francs-tireurs et partisans ainsi que des grèves patriotiques de masse, telles la grève de 120 000 mineurs dans le Nord et le Pas-de-Calais en mai 1941. Les luttes revendicatives coïncident avec les luttes nationales. Par exemple à l’origine de la grève des mineurs il y a très nettement les deux mobiles : d’une part un mouvement revendicatif (contre le travail supplémentaire, pour une augmentation des salaires et une amélioration du ravitaillement) et un mouvement contre les traitres de Vichy.
La grève des mineurs du Nord et le Pas de Calais
Loin d’être purement spontanés, ces mouvements de contestation sont organisés par des militants syndicalistes convaincus que seule la lutte paye et que la résistance à l’occupant doit s’exprimer sur le terrain de la lutte des classes.
Dans les deux départements du Nord et du Pas-de-Calais, comme dans le reste du territoire occupé, les familles ouvrières subissent la misère. Pendant l’été 1940, plus de 250 000 ouvriers et ouvrières ont été mis au chômage tandis que nombreuses familles ont des proches prisonniers ou déportés en Allemagne ou encore déplacés par l’Exode.
Après la dissolution des organisations ouvrières, le mouvement syndical est considérablement affaibli. Pourtant, une restructuration de ces structures vivantes et combattantes de la classe ouvrière est immédiatement mis en œuvre. Elle gagnera patiemment en force, influence et hégémonie.
C’est dans ce contexte que débute le 3 septembre 1940 la contestation. Il s’agit d’abord de défendre la sécurité des mineurs : deux jeunes, des « galibots » ont en effet trouvé la mort suite à un coup de grisou.
Lors de leurs obsèques, Michel Brûlé mineur à la Compagnie des mines de Dourges, syndicaliste et résistant communiste, dénonce les mauvaises conditions de travail. La situation est explosive comme l’atteste de nombreux rapports de la police allemande qui évoquent une « situation critique » à Montigny.
Quelques mois plus tard, l’allongement de la journée de travail sans compensation de salaire décidée par les compagnies, met le feu aux poudres. Les débrayages se multiplient dans tous le bassin minier et les ordres de réquisitions du préfet comme ceux de l’Occupant restent lettre morte.
Le 21 janvier, Michel Brûlé lance au puits de Dahomey un appel à la grève. En mai 1941, c’est sur la question du mode de paiement, défavorable aux abatteurs, que le mouvement reprend. Les mineurs arrêtent le travail et rédigent un cahier de revendications qui est soumis au patronat et diffusé aux autres puits. La grève s’étend alors à l’ensemble du bassin minier. L’extension rapide de la grève est la conséquence de l’action déterminante de résistants membre du Parti communiste comme Nestor Calonne, Victor Foulon, ou Léon Delfosse.
La grève des mineurs continue alors de s’étendre et les mots d’ordres deviennent de plus en plus hostiles envers l’occupant. En juin, les femmes des mineurs manifestent à Bully, Billy-Montigny, ou Sallaumines, scandant : « Nos maris ne sont pas des esclaves. Nous lutterons jusqu’à la victoire ! » ou encore « Pas d’carbon pour les boches ! ».
Les forces de l’ordre sont bousculés et ne parviennent pas à contenir la colère ouvrière. Malgré les mesures de répressions décidée par les autorités (suppression des rations alimentaires des grévistes, suspension de la paie, et arrestations) le mouvement s’amplifie : il y a 100 000 grévistes le 7 juin 1941, les mines sont paralysées.
L’occupant décide alors de mettre l’ensemble du bassin minier en état de siège. L’armée allemande se déploie dans les rues, les lieux de rassemblements (café, tabac, cinémas,…) sont fermés, les femmes ont interdiction de se rendre aux puits, les rassemblements sont proscrits.
270 mineurs sont arrêtés et envoyés dans les camps, 130 d’entre eux n’en reviendront pas. Si la répression est implacable, les mineurs obtiennent cependant des avancées significatives : augmentation des salaires et des allocations, distribution de produits alimentaire, d’hygiène, et de vêtements.
A la suite de cette grande lutte de classe et de masse, de très nombreux mineurs prendront exemple sur Michel Brûlé et entreront en résistance, menant des actions de sabotage et de lutte armée.
Pour conclure, la grève des mineurs de 1941 a été la première résistance collective face à l’occupant. Cet épisode aura un grand impact sur les mentalités, contribuant à casser le défaitisme, à rallumer la flamme de l’espoir et à accélérer la prise de conscience que les intérêts de classe, et des mineurs et de l’ensemble des travailleurs, sont inconciliables avec l’occupation et la collaboration.