Loi « Immigration », Emmanuel Le Pen brise les droits des travailleurs
Après avoir écrasé les contestations sociales, militarisé la police, massacré les conquêtes sociales, réduit nos libertés, réhabilité Pétain et Maurras, Macron impose en décembre 2023 la loi la plus raciste depuis Vichy.
Annoncée en pleine bataille des retraites pour diviser notre camp, la loi « Immigration » a ainsi été adoptée par le Parlement le mardi 19 décembre. Au-delà de son parcours législatif chaotique, le pouvoir macroniste montre qu’il est prêt à toutes les alliances possibles, y compris avec le Rassemblement national, pour imposer ses mesures régressives.
La Macronie joue le rôle d’accélérateur de la fascisation du débat politique et de la société française. Quoiqu’en disent les membres du gouvernement et de la majorité présidentielle, une seule chose est certaine : sans les 88 voix du RN, la loi « Immigration » n’aurait pas atteint la majorité absolue à l’Assemblée nationale. Nous assistons en cette fin d’année 2023 à une nouvelle avancée des thèses les plus racistes de l’extrême-droite française : double peine, déchéance de nationalité, remise en cause du droit du sol. La loi ouvre aussi la possibilité d’enfermer des mineurs en Centres de rétention à partir de 16 ans, de généraliser le fichage des empreintes sans consentement, d’inscrire dans la loi la préférence nationale, ou encore de restreindre l’accès des étudiants non européens à l’enseignement supérieur.
Certains tombent des nues face à l’alliance Macron-Le Pen. Pourtant, ce basculement n’est pas une nouveauté. Les députés LREM et RN se sont retrouvés sur de nombreux sujets au sein de l’hémicycle – notamment le refus d’une augmentation générale des salaires – et plus récemment la « marche du 12 novembre » qui a permis à un parti historiquement raciste et antisémite… de défiler contre l’antisémitisme : Marine Le Pen « a été beaucoup plus républicaine que d’autres », dixit une ministre. La « normalisation » du Rassemblement national est organisée et finalisée par ceux-là même qui prétendaient les combattre et ont agité le chiffon du « barrage », et en 2017, et en 2022.
Si pendant très longtemps, l’opinion considérait à juste titre le Front National comme un parti raciste, aujourd’hui, ses idées et son programme sont appliquées par un gouvernement dit « centriste » mais en réalité « radicalisé » par la crise capitaliste. Le prétendu vote «barrage» – qui devait « obliger » Macron – n’aura finalement été qu’un mensonge supplémentaire.
Englués dans une crise économique systémique, le patronat et ses pantins au gouvernement font face à des contradictions insolubles dans une « démocratie » (SIC). Les travailleurs et les travailleuses se soulèvent contre le coût de la vie, qu’à cela ne tienne : on matraque, on éborgne, on mutile. La majorité des travailleurs et des travailleuses ne veulent pas de la réforme des retraites, qu’à cela ne tienne : on attaque les piquets de grève, on réquisitionne les grévistes, on réprime les syndicalistes. Le fascisme – en tant que dictature ouverte du capital – n’est pas un horizon lointain, il est déjà partiellement mise en œuvre concrètement par un régime aux abois, qui ne parvient plus à gouverner selon des règles qu’il a lui-même édicté.
Dans une lettre ouverte au président Macron, des organisations syndicales, associatives et partisanes (dont la CGT) déclarent vouloir « construire ensemble des initiatives dans les jours et les semaines qui viennent. ». Il est évident qu’au-delà de l’indignation générale « face à cette attaque majeure contre notre République et sa Constitution » qui est notée dans cette lettre, il va falloir organiser la riposte face à une loi qui porte une attaque sans précédent contre les droits des travailleurs et travailleuses immigrées donc contre notre camp.
Les droits des travailleurs et travailleuses immigrées attaqués. Alors que le gouvernement prétendait faciliter les régularisations dans les secteurs dits « en tension », la loi « Immigration » ne crée aucun nouveau droit et va au contraire renforcer le pouvoir discrétionnaire des Préfets dans l’instruction des demandes de régularisation : évaluation de la maîtrise de la langue, vérification de la « tension » des métiers, contrôle des casiers judiciaires de tous les membres d’une famille dans le cadre d’un regroupement familial, etc. Autrement dit, le préfet pourra refuser un titre de séjour pour des motifs qui n’existaient pas à présent et c’est précisément le but de la loi.
Il ne s’agit pas d’empêcher une immigration avec laquelle le patronat se gave, mais de créer des « sans-papiers », c’est-à-dire de permettre une privation généralisée des étrangers de tout accès à une protection juridique ou sociale et demain sanitaire. Aussi, si l’un des objectifs prétendus de la loi était par exemple de simplifier les démarches de régularisation, de nombreuses mesures imposent de nouvelles contraintes en augmentant le nombre de documents à fournir : preuve de ressources suffisantes dans le cadre du regroupement familial et surtout la fin de la présomption de validité des actes officiels (naissances, mariages…). Concrètement, cela signifie que ces documents, indispensables dans le cadre de demande de titres de séjours, devront être validés par les autorités des pays d’origine des demandeurs. C’est également dans cette logique que la loi réduit considérablement les droits des étrangers, notamment en instaurant des conditions de présence en France (5 ans) ou de travail (30 fiches de paie) pour avoir accès aux allocations familiales ou aux aides au logement. Enfin, si la suppression de l’Aide médicale d’État (AME), réclamée par la droite et l’extrême droite, ne figure pas dans le texte final, Élisabeth Borne s’est engagée à la réformer dès le début de l’année prochaine.
Pour justifier cette régression, le gouvernement habille son discours avec les relents racistes du RN qui assimilent immigration et délinquance. Les mesures d’expulsions des étrangers sont ainsi renforcées : la délivrance d’une OQTF après une condamnation pour des faits passibles de cinq ans de prison, même si la condamnation est inférieure. Il en est de même pour des faits de menace « à l’ordre public » ou « aux valeurs de la république », des termes aux contours flous qui pourraient présager des dérives importantes, notamment dans le cadre d’une lutte syndicale, à l’image de celle qui est menée par les travailleuses et travailleurs d’Emmaüs.
Les politiciens aux ordres de la bourgeoisie se sont déchaînés pour obtenir cette loi qui est avant tout destinée à renforcer l’exploitation des travailleuses et travailleurs étrangers et à diviser notre camp. Nous devons garder à l’esprit que personne – dans notre camp – ne tirera un quelconque profit de la surexploitation d’une ou d’un autre travailleur. Au contraire, le nivellement par le bas a pour principe de tirer, et les conditions de vie et de travail, et les salaires, vers le moins disant.
Face à la volonté du patronat et du gouvernement de diviser notre camp social, renforçons notre unité : « On bosse ici ! On vit ici ! On reste ici ! ». Dans sa plateforme revendicative, la CGT pose pour les travailleurs migrants un titre de séjour salarié de plein droit sur preuve du lien de subordination avec un employeur. La CGT revendique également l’égalité de traitement entre salariés pour la délivrance du titre de séjour par le travail ainsi que la délivrance d’un récépissé avec autorisation de travail lors du dépôt de dossier.
La plateforme revendicative fait également du droit au travail légal pour les demandeurs d’asile un point central, de même que la suppression des dispositions du décret de 2021 en cas de changement d’employeur pour les travailleurs migrants disposant d’un titre de séjour “salarié”. De plus, la CGT revendique l’obligation pour les OPCO de garantir une formation Français/Langues étrangères à tous les travailleurs migrants admis au titre de séjour par le travail. La CGT revendique aussi l’égalité de traitement pour les travailleurs sous statut d’ « autoentrepreneur » et a prise en compte des inégalités que vivent les femmes salariées migrantes. Enfin, la CGT revendique le renforcement des effectifs en préfectures et le maintien des accueils physiques en préfecture.
La grève surprise, organisée et massive des travailleurs sans papiers en région parisienne, depuis le 17 octobre dernier, où plus de 650 salariés sans papiers, dont 500 salariés intérimaires, sont entrés en grève en Île de France et établis 35 piquets de grève sur l’ensemble de la région, est exemplaire. Coordonné par les unions départementales CGT d’Île de France, le mouvement de grève a impacté 38 entreprises, dont une dizaine dans la Val-de-Marne. La preuve, une fois encore, que là où il y a une volonté, il y a un chemin.