Deux plateformes chimiques et 8 000 emplois menacés en Isère, la CGT en ordre de bataille
« Vencorex sera l’épicentre de la lutte » pour l’emploi et contre la désindustrialisation : la CGT appelle à la lutte et à un rassemblement sur les sites de Pont de Claix en Isère le 1er octobre, journée de grève nationale interprofessionnelle.
L’entreprise Vencorex a annoncé début septembre sa mise en redressement judiciaire par le tribunal de commerce de Lyon. Etranglé par sa recherche insatiable de profit immédiat et écrasé par une surproduction asiatique, Vencorex cumulerait plus de 200 millions d’euros de dettes auprès de son actionnaire principal, le groupe pétrochimique thaïlandais PTT Global Chemical lui-même détenu à 47% par l’Etat thaïlandais.
Le groupe, issu du démantèlement de Rhône Poulenc, emploie près de 500 personnes en France, principalement dans l’Isère mais aussi dans le Rhône, et est spécialisé dans la production de chlore, soude, hydrogène, monomères et isocyanates, des éléments chimiques nécessaires à la fabrication de peintures et de vernis à destination de différents secteurs industriels (automobile, construction, batiment, électronique…).
Deux plateformes chimiques en danger de mise à mort, 8 000 emplois sont concernés
En Isère, le site de Vencorex est la principale usine de la plateforme chimique de Pont-de-Claix, qui regroupe également d’autres entreprises comme Air Liquide, Segens, Framatom, Suez, Solvay… et impacte et irrigue également la plateforme chimique de Jarrie, située à proximité de Pont-de-Claix.
Pour la CGT, qui alerte depuis juillet sur la situation, l’enjeu, déjà dramatique pour les 500 salariés du groupe, va « au-delà de Vencorex ». Avec la liquidation programmée du site par le patron de Vencorex, c’est en réalité l’ensemble de l’activité de deux plateformes chimiques (Pont de Claix et Jarrie) du bassin industriel grenoblois qui se retrouvent en danger immédiat.
« Nous estimons que 2 000 emplois sont directement en danger, auxquels s’ajoutent 6 000 emplois indirects menacés, pour une sombre perspective de 8 000 emplois détruits. » explique ainsi la Fédération nationale des industries chimiques CGT qui précise : « [qu’] un véritable tsunami de misère s’abattra sur la région, les travailleurs et leurs familles, nécessitant une réponse collective. »
Il faut souligner ici l’interdépendance très forte des différents secteurs des industries chimiques, parfaitement illustrée et par la seule plateforme de Pont de Claix et par l’interaction vitale entre ces deux plateformes chimiques.
> L’incinérateur de déchets spéciaux de Suez Pont de Claix et le site de Solvay fournissent leurs vapeurs à la plateforme chimique et du chauffage à une partie de l’agglomération grenobloise. Air Liquide Pont de Claix fournit de l’Oxyde de Carbone à Vencorex. La fin de Vencorex scellerait la fin du modèle de cette plateforme chimique… et menacerait aussi par un second effet domino, la plateforme chimique de Jarrie.
> En effet, la production de chlore, de soude et d’eau oxygénée, que fabrique le groupe Arkema situé à Jarrie (340 salariés) dépend de l’approvisionnement en sels… produits par Vencorex. Tandis que l’établissement de Framatome, qui produit du zirconium, élément essentiel et stratégique de la chaîne combustible nucléaire française, se fournit en chlore auprès… d’Arkema Jarrie.
Seul fournisseur européen, Arkema Jarrie produit aussi du perchlorate d’Ariane, élément essentiel et stratégique rentrant dans la fabrication du carburant des fusées.
La défaillance du groupe Vencorex n’est donc pas seulement un sujet local, mais pose bien le sujet de la désindustrialisation (et de la perte de l’autonomie et de la souveraineté industrielle) à l’échelle régionale et même nationale. A la perspective de destruction massive d’emplois et leurs impacts terribles sur les territoires désindustrialisés et privés de bassin d’emploi, s’ajoutent donc une mise à mal globale des industries chimiques, dans un contexte plus large de destruction programmée par le patronat d’activités et d’emplois industriels dans de nombreux secteurs.
La désindustrialisation se poursuit en effet dans notre pays et semble même s’accélérer ces derniers mois, notamment au travers des choix du patronat de délocaliser les activités industrielles. Selon le baromètre Trendeo, les cessations d’activité ont ainsi progressé plus vite que les ouvertures d’usine entre janvier et juin.
Ajoutons ici que l’argument « environnemental » qui sous-tend les arguments malhonnêtes des patrons-pollueurs ne résiste pas à l’analyse des faits. Ce qui est aujourd’hui produit dans notre pays sera demain importé de pays étrangers où les normes sociales et environnementales sont largement en deçà des normes appliquées en France. Le patronat se moque du monde, comme il méprise la vie et l’environnement, ici comme ailleurs.
Les groupes capitalistes, rapaces et prédateurs, assistés et biberonnés par l’aide publique, sont les seuls responsables des fermetures d’usines et d’entreprises et de la dégradation de l’environnement. La lutte des salariés pour l’emploi, avec leurs syndicats CGT, est le levier par lequel ces derniers contraindront l’Etat et ces entreprises à mettre un terme à la boucherie sociale.
Il convient de rappeler que les puissants groupes industriels présents sur les deux plateformes chimiques sont des mastodontes du secteur et ont bénéficié d’importantes subventions publiques. Si des élus locaux ont interpellé l’Etat, seule la lutte, collective et unitaire, des salariés des plateformes de Pont de Claix et de Jarrie permettra de sauver les emplois, de sauvegarder et développer l’activité industrielle sur ces deux plateformes, imposer un repreneur dans des conditions sociales optimales.
Comme le souligne dans un communiqué la FNIC CGT, « les syndicats CGT de la plateforme chimique de Pont de Claix ont décidé d’entrer en lutte pour le maintien de leurs emplois. Le 1er octobre, Appel national à la grève, est la date idéale pour organiser l’ensemble des travailleurs pour la bataille de l’emploi, dans l’Isère. »
« Il s’agit pour nous tous de montrer aux patrons des industries de Pont de Claix, mais aussi à l’ensemble du patronat, que la FNIC CGT se mobilise aux quatre coins de la France et dans toutes les usines pour lutter, auprès de nos Camarades, jusqu’à la victoire. », ajoute la FNIC qui explique : « Trop d’usines ferment, trop des nôtres périssent socialement. Trop c’est trop ! Soyons mobilisés, engagés et dans la lutte tous ensemble pour stopper l’hémorragie dans les emplois industriels ! ».