De la brutalité de l’impérialisme

« Prendre le contrôle de la bande de Gaza » pour en faire la « Côte d’Azur du Moyen-Orient » : de la brutalité de l’impérialisme

Si Donald Trump nous avait habitués à ses outrances, son début de 2e mandat parvient à sidérer encore ceux qui voient ses déclarations, notamment de politique étrangère, comme des « délires ».

Après ses propos sur le Groenland, le Canada, le Mexique, le canal de Panama, l’Afrique du Sud, la Chine ou même l’Europe, le président fraîchement réélu s’en prend à la bande de Gaza et à ses habitants de façon extrêmement brutale.

Ce mardi 4 février et aux côtés de Netanyahu, premier dirigeant reçu dans le bureau ovale, Trump dévoile un projet choquant et décomplexé qui dit tout de l’impérialisme du président milliardaire.

La Riviera du Moyen-Orient, un projet colonial du XXIe siècle

Constatant avec son homologue israélien et dans le plus grand cynisme, que Gaza n’était plus qu’un champ de ruines, Trump a énoncé les grands contours de son projet pour l’enclave palestinienne : « les États-Unis vont prendre le contrôle de la bande de Gaza et nous allons faire du bon boulot ». Le territoire palestinien serait transformé en « Côte d’Azur du Moyen-Orient » par ce « propriétaire à long terme », rien de moins. Si Netanyahu avait vraisemblablement été informé de la volonté de son allié de prendre le contrôle de Gaza, lui-même paraît surpris par l’ampleur du projet. Mais très vite, le dirigeant israélien d’extrême-droite jubile devant cette « décision » que Trump n’a « pas prise à la légère » et juge qu’elle « pourrait changer l’histoire ».

C’est bien en magnat de l’immobilier que Donald Trump entend gouverner la plus grande puissance militaire d’un monde à dominer davantage. On ne sait comment il concrétiserait ce projet de colonisation pour changer Gaza en station balnéaire mais certains clips vidéos promotionnels circulaient déjà sur ce thème en Israël : des cartes postales montrant une plage paradisiaque, les saveurs culinaires régionales servies par un personnel palestinien heureux et souriant dans des hôtels de luxe pour touristes occidentaux essentiellement.

Bienvenue, non pas dans une dystopie, mais dans le monde réel qu’un président des Etats-Unis peut considérer comme un cadastre à actualiser, la terre des peuples comme une propriété foncière dont il peut disposer à sa guise. Sa vision de Gaza en comptoir touristique incarne la forme d’impérialisme la plus aboutie qui mène nécessairement à la guerre.

Après avoir été massacrée et affamée, la population de Gaza serait « nettoyée »

Car pour mettre en œuvre son projet, Trump entend déporter la population palestinienne vers « l’Egypte, la Jordanie ou ailleurs ». Au mépris du droit international et de l’Histoire du peuple palestinien, ancrée de manière séculaire à une terre dont on voudrait l’en expulser à nouveau, le président des Etats-Unis veut « faire le ménage » dans la bande de Gaza.

Il ne s’agit ni plus ni moins de nettoyage ethnique et de déportation, promis à un peuple dépossédé, massacré et opprimé depuis près de 80 ans. Avec un bilan provisoire de 50 000 morts à Gaza, – le bilan réel s’approcherait davantage des 250 000 morts – la population palestinienne serait définitivement privée de son droit à l’autodétermination, puis déportée vers des destinations déterminées unilatéralement dans de nouvelles et insupportables injustices et souffrances, avec davantage de chaos encore dans la région.

Un bouleversement régional pour une poudrière ou l’abandon de la cause palestinienne

Si Trump prétend que certains « adorent l’idée », en-dehors d’Israël tous les acteurs du Proche-Orient ont condamné ce plan dangereux. Le Caire et Amman se sont immédiatement opposés à l’accueil de millions de Palestiniens – le royaume jordanien compte déjà 2 millions de réfugiés sur son sol –, mais Washington entend poursuivre les discussions avec l’Egypte qui traverse une crise économique la rendant plus dépendante encore de l’aide étatsunienne, et le roi Abdallah II de Jordanie que Trump rencontrera prochainement.

Et même si avec son homologue israélien et grâce aux Accords d’Abraham, Trump se montre optimiste sur un rapprochement entre Israël et l’Arabie saoudite, Riyad a rapidement fait savoir qu’il « poursuivra sans répit ses efforts pour l’établissement d’un Etat palestinien », condition incontournable de la normalisation de ses relations avec l’Etat hébreu.

Sorti de sa position non-interventionniste affichée lors de son premier mandat, ces élans d’agression coloniale provoqueront un conflit ou permettront au président des Etats- Unis d’inféoder les pays du Proche-Orient et du Golfe à ses visées expansionnistes, tout en assurant la domination d’Israël, sa tête de pont dans la région auquel il apporte cette semaine un soutien colossal. Dans ce cas de figure, c’est la cause palestinienne tout entière qui serait balayée.

Un cessez-le-feu menacé et un peuple palestinien déterminé à résister

Dans l’immédiat, ces déclarations menacent le cessez-le-feu entre Israël et le Hamas entré en vigueur il y a trois semaines, et ayant permis à ce jour, cinq échanges « otages-prisonniers » et une 2e phase des accords prévue pour mars.

Maitre du terrain à Gaza malgré la guerre d’extermination imposé par Israël à l’ensemble des Gazaouis, le Hamas parle d’une « position raciste » alignée sur « l’extrême-droite israélienne » pour « l’élimination de notre cause ». Izzat el-Reshiq, haut responsable du Hamas, affirme que « les forces vives et les factions de la résistance, (…) feront échec à tous les plans visant à déporter le peuple palestinien et à l’expulser de sa terre », avant d’inviter les pays musulmans à se réunir rapidement autour de cette question.

Outre les réactions, de l’Algérie à l’Indonésie, l’ONU, les diplomaties européennes, russe, chinoise ou brésilienne n’ont pas tardé à condamner, elles aussi, les velléités de Donald Trump. Avec toute l’hypocrisie des vendeurs d’armes, nombre de dirigeants d’Europe de l’Ouest, soutiens indéfectibles de la nation sioniste, ont rappelé le droit international et réaffirmé la solution à deux Etats. Mais au-delà des postures, il faut rappeler que l’outrance, l’arrogance, le mépris des droits humains jusqu’à la déshumanisation d’un peuple entier, ne peuvent servir à placer le curseur pour les futures négociations dans la région.

Depuis l’accord de cessez-le-feu et malgré un territoire détruit à 60 % et bien plus dans le nord, les Gazaouis reviennent, déterminés à reconstruire leurs quartiers et leurs vies, enracinées en terre de Palestine. Ils offrent ainsi la meilleure réponse à un Trump qui se demande « pourquoi voudraient-ils revenir là-bas ? » avant de leur promettre « ailleurs (…) de belles villes avec de belles maisons, pour qu’ils puissent vivre et ne pas mourir ». L’indécence du président n’a d’égale que la mégalomanie du promoteur immobilier d’un côté et la dignité palestinienne de l’autre.

Le Lord of War du bureau ovale est prêt à sacrifier un peuple sur l’autel du profit et d’un impérialisme exacerbé par de nouveaux projets expansionnistes. Le secrétaire général de l’OLP, Hussein Sheikh, tweete : « Ici nous sommes nés, ici nous avons vécu et ici nous resterons ». Puisse la solidarité internationaliste des peuples rendre justice aux Palestiniens !