L’EUROPE EN GREVE CONTRE L’AUSTERITE, LE GENOCIDE ET L’ECONOMIE DE GUERRE
En Europe, les derniers mois de l’année 2025 ont été marqués par la résurgence de puissants mouvements sociaux, notamment en France, Belgique, Bulgarie, Italie, Grèce. Plus encore, ces mobilisations se sont ancrées, par la grève, dans les lieux de travail avec, à chaque fois, des syndicalistes de classe à la bataille pour amplifier encore l’organisation des colères.
En Italie, de très puissantes manifestations, et des journées de grève générale à répétition, en solidarité avec Gaza et le peuple de Palestine et contre le génocide et la marche à la guerre, ont rythmée l’automne 2025. Plus d’un million et demi d’Italiens ont ainsi manifesté, et fait grève, dans le public comme dans le privé, et en particulier dans les industries de la logistique (ports, aéroports, plateformes et hubs, notamment les 22 septembre, 3 octobre, 28 et 29 novembre.
Ce mouvement, qui s’est cristallisé à partir des grèves des dockers italiens contre les livraisons d’armes en direction d’Israël et au moment de l’arraisonnement terroriste et illégal de la flottille pour Gaza, s’amplifie depuis des mois et ne tombe pas du ciel. C’est bien le syndicalisme de classe en action, manifesté ici par l’Union Syndicale de Base (USB), puissant syndicat affilié à la Fédération Syndicale Mondiale, qui (débarrassée de l’institutionnalisme et du sionisme) constitue la principale cheville ouvrière (et radicale) en Italie de la lutte contre le génocide.
En Belgique, les travailleurs et les travailleuses, avec les syndicats, affrontent résolument la mise en place de réformes austéritaires brutales du gouvernement. Des puissantes vagues sociales et syndicales déferlent ainsi en Belgique ces dernières années.
Depuis plus d’un an, les syndicats impulsent un mouvement massif d’opposition sociale. Cette mobilisation avait déjà provoqué une première révision du plan d’économies du gouvernement qui réclame désormais, depuis fin octobre 2025, 10 milliards de coupes dans les dépenses sociales au lieu des 20 milliards initialement présentées en décembre 2024.
En réponse, fin novembre 2025, le pays a été paralysé fin novembre par trois journées consécutives de grève générale, un mois jour pour jour après une manifestation massive qui a réuni plus de 100 000 personnes à Bruxelles le 24 octobre.
En Bulgarie, l’annonce du projet de budget 2026, austéritaire et pro-guerre comme ailleurs, a suscité, dans une réaction puissante et immédiate, une mobilisation massive et inédite depuis plusieurs décennies. Des défilés dans tout le pays et une manifestation monstre et offensive à Belgrade avec plus de 100 000 manifestants, une solidarité offensive face aux forces sécuritaires.
Initiée le 26 novembre et infusée par une colère permanente contre la corruption dans le pays le plus pauvre d’Europe, le mouvement social a déjà fait reculer le gouvernement (en cohabitation politique avec le président bulgare) qui a annoncé plusieurs amendements dans le projet de texte, notamment le retrait du projet d’augmentation des cotisations sociales.
Avec l’entrée de la Bulgarie dans la zone euro, le 1er janvier 2026, de nombreux Bulgares craignent notamment une perte immense de pouvoir d’achat et un exode supplémentaire des Bulgares vers l’étranger. La Bulgarie est en effet le pays du monde qui a subi l’émigration la plus massive à la suite de la contre-révolution dans les anciens pays socialistes, perdant 22 % de sa population entre 1990 et 2020.
En Grèce, une nouvelle grève générale à l’appel du PAME a eu lieu le 14 octobre 2025 et a paralysé une grande partie du pays, avec des perturbations majeures dans les transports (ferries, trains, taxis, vols aériens), les services publics, les écoles et les hôpitaux. Cette grève générale s’inscrit dans la mobilisation contre un projet de loi gouvernemental (sous le ministre du Travail Niki Kerameus) autorisant des journées de travail pouvant aller jusqu’à 13 heures pour un même employeur, sous couvert de « flexibilité volontaire » et de rémunération supplémentaire.
La mobilisation prolonge également l’opposition générale au gouvernement grec, notamment vis-à-vis du « crime de Tempe », un récent accident ferroviaire majeur qui a causé la mort de dizaines de personnes et choqué la population. De très massives manifestations ont ainsi eu lieu depuis l’accident, notamment cette année.
En France, la « rentrée sociale » a également été marquée, durant le mois de septembre et jusqu’à début octobre, par une forte conflictualité et combativité du monde du travail. Popularisée et amplifiée par la diffusion du mot d’ordre viral #OnBloqueTout, la lutte contre le budget 2026, présenté le 15 juillet par le précédent Premier ministre, François Bayrou.
Si la mobilisation, importante et se manifestant par plus de 2000 appels CGT à la grève, a été, de fait, sabordée par les directions syndicales confédérales, le mouvement a néanmoins permis de faire non seulement reculer le gouvernement sur certaines des mesures qu’il préconisait, comme la suppression de deux jours fériés, mais a aussi fait tomber François Bayrou.
Néanmoins, et comme en Belgique, les « reculs » des gouvernements sont des leurres pour gagner du temps et imposer, malgré tout, des coupes massives dans les dépenses publics, la sanctification des biens et avoirs des ultrariches et des capitalistes, le maintien, quoi qu’il en coute, des aides publiques aux entreprises, et le financement du réarmement par la baisse des prestations sociales et une dégradation brutale de nos conditions de vie et de travail.
Dans ces combats, les travailleurs et leurs organisations syndicales ne peuvent compter sur un appui logistique, ni même moral, des « institutions » du syndicalisme européen et international, à savoir en particulier de la Confédération Syndicale Internationale et de la Confédération Européenne des Syndicats, bras armé du lobbying de l’Union européenne.
On peine ainsi à comprendre l’intérêt de ces structures, gavées d’argent public et financés par de juteux accords avec le patronat et l’Etat, et incapables – car hors sol et déconnectées – de contribuer au renforcement des luttes nationales à l’échelle européenne et d’impulser une bataille commune.
Spécialistes du dialogue social, ces structures sont en réalité contre-productives car elles instillent le fatalisme dans le cœur des travailleurs et des travailleuses.
A contrario, la présence de plus en plus forte de la Fédération Syndicale Mondiale en Europe semble donner une impulsion générale, ou du moins une confiance plus affirmée, comme c’est le cas notamment en Grèce et en Italie, mais aussi en Turquie et à Chypre…
Présente en Europe au travers des syndicats qui lui sont affiliés, la FSM contribue ainsi à l’élévation du rapport de force et à la coordination des différentes luttes avec son Bureau Europe et ses unions syndicales professionnelles internationales.
Une illustration éclairante : l’organisation en septembre d’une rencontre de haut niveau à Gênes impulsée par l’UIS Transport de la FSM pour réfléchir et organiser le prolongement des luttes et grèves héroïques organisées par les dockers (pour la plupart syndiqués dans des organisations affiliées à la FSM) de différents pays méditerranéens cet été contre le génocide en Palestine et les livraisons/transferts d’armes à destination d’Israël.
Austérité, économie de guerre, assistanat des entreprises par les aides publiques : il faut démanteler ce système de prédation
En Italie et en Belgique, les mouvements sociaux, et notamment avec la grève comme arme de lutte, portent clairement le refus de la guerre, et de l’économie de guerre. Les coupes dans les dépenses sociales, couplées à un effort de réarmement, doivent être publiquement décriées pour ce qu’elles sont : une nouvelle attaque contre la classe ouvrière, en écho avec la poursuite de la « rigueur » budgétaire (pour garantir l’assistanat du patronat par les aides publiques) partout en Europe. Comment
Décidée avec l’OTAN et l’Union européennes, l’augmentation vertigineuse des dépenses militaires, pays par pays, se fait donc en Belgique comme en France ou en Italie ou ailleurs – c’est le propre de l’économie de guerre – au détriment des populations les plus pauvres et les plus vulnérables. Et au détriment – toujours – des droits collectifs et libertés individuelles.
Comme nous l’avons écrit dans un article qui dénonce le rétablissement d’une forme de service national militaire, « le bourrage de crâne, assortie de dépenses faramineuses en armes, équipements et infrastructures militaires, s’accompagne donc d’une volonté de mise au pas du pays, et notamment de sa jeunesse. Comment pourrait-il en être autrement ?
La réalité c’est aussi que le Pouvoir [dans chaque pays d’Europe et du monde] craint une mobilisation massive contre la guerre et l’austérité. Car ces choix politiques sont liés : pour pouvoir garantir les profits des capitalistes au travers des aides publiques aux entreprises (le tiers du budget de l’Etat est capté/pillé chaque années par les grands groupes et leurs actionnaire), et mener la guerre, d’abord commerciale puis militaire, l’Etat capitaliste a besoin de ronger les dépenses sociales jusqu’à la moelle.
Tout est donc lié : l’intérêt des travailleurs et des travailleuses est de bloquer les budgets austéritaires et l’économie de guerre et ce faisant, enrayer la marche à la guerre. A ce titre, les grèves générales à répétition en Belgique et en Italie, montrent la voie à suivre, celle d’un combat global qui ne sépare pas artificiellement les différents aspects des causes et conséquences du système capitaliste, régime barbare d’exploitation, de crises et de guerres permanentes. »

