Les patrons veulent liquider la France ouvrière et industrielle

Re-désindustrialisation : les patrons veulent liquider la France ouvrière et industrielle

Médias et politiques ne peuvent plus cacher la réalité du désastre industriel XXL. Au bas mot + de 300 000 emplois sont menacés de destruction.

La France a perdu entre 1995 et 2015, la moitié de ses usines et le tiers de son emploi industriel. Cette saignée dans l’industrie et ce massacre de l’emploi ne tombe pas du ciel mais résulte du choix collectif des élites françaises et du patronat, en complicité avec les autorités, de délocaliser la production et l’activité industrielle.

L’industrie ne représente plus que 10,3 % du total des emplois et ne contribue plus qu’à 13,4 % de l’activité productive du pays, soit le plus bas niveau d’Europe (à peine 10,9 % pour l’industrie manufacturière dont sont exclus l’énergie, l’eau et les déchets). Le poids de l’industrie dans le produit intérieur brut (PIB) en volume recule aussi depuis 2001. Proche de 11 % au début des années 2000, il s’est stabilisé autour de 9,8 % depuis la pandémie de Covid-19.

La tentative d’élimination de la classe ouvrière du pays, portée un temps par le concept « d’industrie sans usines » a eu pour conséquence directe la division par deux du nombre d’emplois dans les branches industrielles professionnelles depuis 1980, c’est-à-dire la suppression de pas moins de 2,2 millions d’emplois directs.  Ces évolutions sont la conséquence d’une part de l’augmentation de la productivité et de l’exploitation dans les usines et du choix des grands groupes de sous-traiter la production ou de délocaliser les usines.

Rappelons au passage que les groupes internationaux français concentrent 62 % de l’ensemble de leurs effectifs industriels en dehors du territoire national.

Re-désindustrialisation en perspectives

Aujourd’hui, la réindustrialisation et la relocalisation sont des nouveaux prétextes pour justifier les aides publiques, supprimer des impôts, notamment de production, augmenter la flexibilité du travail, faciliter les licenciements…

Gavés d’argent public (le tiers du budget de l’Etat part chaque année directement dans les poches des actionnaires des grands groupes), les patrons poursuivent pourtant les fermetures des usines et les destructions d’emplois. Aucun secteur industriel n’est épargné. Quelques exemples :

> Le groupe américain Exxon (Esso en France) a annoncé la mise à l’arrêt de son vapocraqueur de Port-Jérôme-sur-Seine, en Normandie, et a décidé de vendre sa raffinerie de Fos-sur-Mer. Dans les industries chimiques, toutes les branches professionnelles, du pétrole au caoutchouc en passant par la plasturgie et la chimie, sont en alerte après les annonces de fermetures d’Exxon, Vencorex, Solvay…

> Pour la troisième fois en dix ans, le sidérurgiste Ascometal est entré en redressement judiciaire ; les restructurations en gestation dans le secteur automobile font craindre des milliers de suppression d’emplois dans les grands groupes mais aussi chez les sous-traitants et les équipementiers, dans l’industrie métallurgique, martyrisée par les fermetures récentes des fonderies, comme dans les industries chimiques (Michelin, Plastic Omnium…).

Depuis 7 ans, le secteur automobile a vu disparaître 50 000 emplois, affirmait le président du regroupement patronal de la filière, la Plateforme automobile, Luc Chatel sur France Info en octobre dernier. D’ici à 2030, 70 000 emplois sur 300 000 sont menacés chez les fournisseurs de l’automobile.

Le Clepa, qui réunit au niveau européen les sociétés fournisseurs des constructeurs automobiles, estime que 40 000 emplois sur 330 000 sont menacés. En Europe, entre 2020 et 2023, le secteur a perdu 86 000 emplois et 32 000 suppressions supplémentaires ont été annoncées au premier semestre 2024.

> Stellantis, MA France, Valéo, Fonderie de Bretagne, Renault Alpine, Autoliv, Bosch Mondeville, Dumarey : entre septembre 2023 et septembre 2024, ce sont déjà des milliers d’emplois dans la métallurgie qui ont été supprimés ou sont menacés et une trentaine de sites industriels déjà liquidés. L’équipementier automobile Novares (industries chimiques) a également annoncé début septembre la fermeture de l’usine d’Ostwald proche de Strasbourg, menaçant 126 travailleurs de licenciement.

Il faut se rappeler qu’entre 2006 et 2021, 114 000 emplois ont été supprimés dans le secteur, soit un passage de 289 000 à 175 000 salariés. Un autre chiffre donne le tournis : au début des années 2000, une voiture sur 2 vendue sur le marché français était assemblée dans notre pays. En 2020, c’était 1 sur 5.

> Le groupe Michelin a annoncé la fermeture de deux usines situées à Cholet et à Vannes. Plus de 1 600 salariés sont ainsi menacés de licenciement et plus de 6000 emplois induits (privé comme public) sont concernés. Rappelons en premier lieu que le leader mondial du pneumatique a enregistré un bénéfice record de 3,6 milliards d’euros en 2023.. Autant dire que le groupe a les moyens de maintenir l’emploi, augmenter les salaires et même d’embaucher !

Cela fait pourtant des mois que l’inquiétude monte dans le puissant groupe industriel français. Malgré les dénégations vigoureuses (et donc mensongère) des directions de Michelin, les salariés comme les syndicats avaient tous constaté la mise en sous-capacité des usines françaises ; la multinationale a en réalité organisé un transfert progressif de ses capacités de productions en dehors de l’hexagone. Sur le site de Vannes, la production a chuté de 40 % entre 2021 et 2025, une tendance similaire étant observée à Cholet entre 2019 et 2025.

> L’annonce de la fermeture de l’usine de Vencorex sur la plateforme chimique de Pont-de-Claix présage d’une catastrophe industrielle majeure avec, en réalité, la mise en danger de mort de cette plateforme chimique tout entière ainsi que de celle, voisine, de Jarrie et des différents sites dont ceux de Vencorex, Arkema, Framatom, Suez, Solvay… Plus de 8 000 emplois directs sont concernés.

La fédération patronale des industries chimiques, France Chimie, a laissé entendre la suppression programmée de 15 000 emplois dans ce secteur. Au bas mot, plus de 100 000 emplois (directs, indirects, induits) sont menacés. La situation emblématique des deux plateformes de Pont de Claix et Jarrie, menacés de fermeture est emblématique de cette casse sociale et de cette destruction de l’activité industrielle.

A noter, au passage, le parallèle de situations entre la France et l’Allemagne : ThyssenKrupp, géant de la sidérurgie, va réduire de 20 % sa production sur son site historique de Duisbourg ; Volkswagen, numéro deux mondial des constructeurs automobile, a annoncé vouloir fermer des usines en Allemagne, avec des milliers de licenciements secs à la clé ; les mastodontes de la chimie, Bayer ou encore BASF, ont décidé une «réduction significative» de leurs effectifs en Allemagne d’ici fin 2025.

Une politique patronale de destruction maquillée en « restructurations » et payée par le contribuable

A quoi auront donc servi les PIA, CICE, ICR, Plans de relances, France 2023 et autres aides publiques ? A rien, si ce n’est gonfler les profits des grands groupes. On le voit, les centaines de milliards d’euros déversées chaque année sans contreparties ni contrôles, au nom de la politique de l’offre, se révèlent comme un des plus grands braquages des caisses de l’Etat par des voyous en col blanc, très organisés et aux commandes de l’économie et donc des choix politiques des autorités légales.

Pire, cette masse énorme d’argent public sert en réalité de confortable couverture financière pour des groupes prêts à tout pour garantir les profits des actionnaires, y compris logiquement continuer cette politique de « restructuration », concentration et liquidation d’une partie jugée encore trop importante de l’emploi industriel (et donc délocalisable à l’étranger).

Par exemple, l’accélération du patronat de l’automobile comme de la chimie dans leurs stratégies de restructuration des secteurs doit être prise à la hauteur de l’attaque menée directement contre toutes les industries. Le cas des industries chimiques est particulièrement à surveiller : en effet, comme le rappelle une brochure de la FNIC CGT, ces industries « procurent directement les millions de produits nécessaires à la vie de tous les jours. Elles sont également et avant tout, indispensables au fonctionnement des autres industries. […] La casse de l’emploi dans l’industrie, ce sont aussi des effets dominos en cascade, sur les secteurs des services aux entreprises, les emplois induits, le tertiaire et le commerce. C’est la fragilisation de l’ensemble des territoires au niveau national. »

« Le prétexte est de répondre à l’urgence environnementale, mais en réalité, il s’agit d’habiller des restructurations majeures pour mieux détruire le socle économique et social de notre société. Un certain nombre d’annonces ont déjà été faites, comme à Yara à Montoir de Bretagne, Adisseo à Commentry, Exxon à Notre-Dame-de-Gravenchon, Vencorex à Pont-de-Claix, Yves Rocher, Air Liquide, Sanofi, Smurfit Kappa, etc… », ajoute le document.

Les secteurs industriels, « aujourd’hui entièrement entre les mains du secteur privé, ne sont développés qu’au regard de l’unique critère de rentabilité comme, par exemple, le médicament. Il est logique que ces grands secteurs structurants soient placés sous contrôle public afin de planifier leur développement en fonction des besoins de la population, et non dans le but d’augmenter le cours des actions en Bourse. »

Ouvriers, salariés, « sauvons-nous nous-mêmes »

Ouvrier, technicien ou cadre, intérimaire comme travailleur des donneurs d’ordre, équipementiers ou sous-traitants, les capitalistes de l’automobile comme des autres secteurs industriels ont déclaré la guerre aux salariés.

« Il y a de quoi être en colère ». Si le choc du Covid avait forcé les politiciens et les patrons à modifier leurs éléments de langage, la réalité demeure inchangée. Le patronat ne veut pas payer la réindustrialisation, empoches les milliards d’aides publiques et…. continue sa politique de désindustrialisation. On marche sur la tête ? Pas du tout, le secteur privé fait ce qu’il sait faire de mieux : vivre de l’assistanat public, chercher par tous les moyens la baisse de ses coûts, en premier lieu bien entendu les salaires, la protection sociale et les conditions et statuts de travail des travailleurs. 

Une conclusion s’impose donc : seuls les ouvriers et ouvrières, unis avec leurs syndicats CGT, sont en mesure d’imposer, par leur place dans la production et par le rapport de force avec l’Etat et le patronat, la fin de la saignée des fermetures d’usines, et d’organiser – sous leur contrôle – la création d’emplois industriels et le développement des secteurs et branches industrielles. Il s’agit là d’une impératif vital, tant pour l’industrie que pour les services et l’agriculture, mais aussi et avant tout pour la réponse aux besoins indispensables de la société toute entière.

Face à la jungle capitaliste, sa loi du profit et de la concurrence, aucun gouvernement ne nous sauvera des fermetures d’usines. Soyons convaincu que personne ne nous sauvera à part nous-même. Rappelons partout que la force des travailleurs, c’est la grève ; les luttes doivent être unifiées afin de permettre une action collective de toutes les usines, ensemble et en même temps. C’est bien ce saut qualitatif qui est aujourd’hui nécessaire : des grèves partout en défense et en solidarité de l’emploi par la classe ouvrière elle-même.

La nationalisation, avec expropriation totale, et sous contrôle des travailleurs, est une revendication clé et porte un objectif très concret. Portons ensemble, face au patronat, des luttes offensives qui refusent les fermetures d’usines et les licenciements. Des solutions très immédiates se posent d’emblée : pour financer le maintien de l’emploi et de l’activité, ce sont les caisses des patrons et actionnaires de Valéo, Exxon, Renault, Yara, Stellantis, Michelin, Solvay, Arkema, Total… qu’il faut (largement) ponctionner.