Petits arrangements entre amis : à Nantes, le Parti Socialiste prête la Maison des Syndicats au Rassemblement national

Il y a quelques jours, la mairie PS de Nantes prêtait une salle de la Maison des Syndicats au Rassemblement national. Cet acte, ignoble, pose deux questions : les Bourses du Travail sont-elles des lieux “comme les autres” ? Et, qu’en est-il des liaisons dangereuses entre PS et RN ?

A Nantes, la mairie PS s’est une nouvelle fois illustrée par son art de la provocation antisyndicale en autorisant le Rassemblement national à utiliser le mardi 3 mars, dans le cadre de la campagne électorale, une salle municipale située dans la Maison des Syndicats.

Autrefois, les syndicats étaient hébergés dans une Bourse du Travail avant de devoir déménager dans une « Maison des Syndicats ». Propriété de la Mairie, cette « Maison des syndicats » est désormais gérée par les services municipaux qui ont toute latitude pour y programmer des évènements.

Comment prétendre que la décision de la mairie socialiste d’offrir la Maison des Syndicats, parmi l’ensemble des salles municipales disponibles, pour « accueillir » la candidate du RN, Eléonore Rével, n’est pas un choix anodin et innocent ? Rappelons que parmi les intervenants de la soirée se trouvaient également Nicolas Bay, député européen et membre du Bureau exécutif du RN ainsi que le militant néo nazi Wilfried Van Liempd.

Pour dénoncer « la présence de l’extrême droite à Nantes », des manifestants se sont rassemblés le soir-même devant la Maison des Syndicats, donc à l’extérieur de ce lieu dédié à l’activité ouvrière. Un affrontement avec le service d’ordre du RN a eu lieu, les militants fascistes n’hésitant pas à frapper les militants à coup de matraques télescopiques.  L’électricité du bâtiment a par ailleurs été coupée durant la soirée, la candidate du RN a annoncé qu’elle porterait plainte contre la CGT.

A propos de la remise en cause des Bourses du Travail comme lieu de démocratie sociale

En permettant au RN d’accéder à la Maison des Syndicats, le PS crache une nouvelle fois sur l’histoire du mouvement ouvrier.

De facto, cet épisode permet de poser cette question : une Maison des Syndicats est-t-elle un « lieu comme un autre » ? Pourquoi la légitimité politique serait-elle plus importante que la légitimité sociale ? Que dirait-on si on transformait une mairie, l’Assemblée nationale, le Sénat en salle de meeting pour un parti politique ou une liste électorale ?

En réalité, la « Bourse du Travail » en tant qu’objet politique appartient historiquement et idéologiquement au mouvement ouvrier organisé. Et c’est la raison pour laquelle le PS n’hésite pas à louer des salles de la Maison des Syndicats à Nantes. Pour brouiller les pistes, casser les clivages de classe, entretenir la confusion.

N’oublions pas que les Bourses du travail ont été pionnières dans la mise en place d’une véritable auto-organisation des ouvriers pour leur émancipation. D’ailleurs, de nombreux syndicalistes sont conscients de l’importance fondamentales de ces infrastructures qui maillent le territoire national.

Largement sous-utilisées, ou sous-estimées, les Bourses du Travail mais aussi et surtout les Unions Locales et les Unions Départementales sont des atouts pour reconquérir de larges pans du monde du travail déconnecté (pour l’instant) de toute forme de syndicalisme.

Et c’est bien la raison pour laquelle il ne faut rien lâcher, et ne pas laisser passer ces manœuvres inacceptables qui prouvent en miroir le niveau de collusion existant entre les directions sociales-démocrates du PS et fascistes du Rassemblement national.

PS-FN : les liaisons dangereuses

Certains l’oublient, mais sans François Mitterrand et le PS, le Front national tel qu’on le connait aujourd’hui, n’existerait pas. En réalité, cela fait déjà plusieurs décennies que la stratégie du FN-épouvantail tourne à plein régime.

La manœuvre, bien que grossière et connue, de mise en avant systématique d’un parti dit « hors système » alors que faisant intégralement partie dudit système, a fonctionné et fonctionne encore. Cela a entrainé un verrouillage du jeu politique et la casse du clivage de classe au profit d’un faux clivage droite-gauche, soi-disant articulé autour de « valeurs » morales et sociétales.

L’épouvantail FN est ainsi systématiquement, et sciemment, utilisé par les Hollande, Sarkozy, Macron, Jadot et consorts, pour détourner la colère populaire dans des voies sans issues. Une colère qui dérive d’ailleurs en grande partie des politiques d’austérité, anti-sociales et antipopulaires menées… par les mêmes politiques qui viennent faire appel au « barrage face à l’immonde » à 20h01 le soir du premier tour de chaque élection présidentielle…

La réalité est pourtant là, les mêmes élites qui prônent la « fin de l’Histoire », et les bienfaits d’une société désindustrialisé et d’une mondialisation qui ne peut qu’être « heureuse », s’accommodent et encouragent l’existence d’un parti bourgeois raciste en capacité de tromper un électorat populaire. Et qui pourrait bien leur servir de refuge politique en cas de nécessité.

De la même manière, ces élites ne se soucient pas des contradictions de leurs propres discours. D’un côté, ils et elles associent volontiers le « radicalisme » et « l’archaïsme » de la CGT au discours du FN, ou associent le communisme au nazisme avant de s’étonner, voire de s’indigner que la CGT puisse expulser des adhérents FN hors de ses rangs…

Rappelons d’ailleurs qu’il suffit de constater l’ampleur des dérives antidémocratiques des 5 dernières années pour se rendre compte que le libéralisme économique des Macron ou Hollande va de pair avec un autoritarisme politique et une stratégie ultrasécuritaire et répressive du maintien de l’ordre qui n’ont rien à envier aux programmes de Marine Le Pen.

Devant cette situation qui dure depuis tant d’années et dont on perçoit bien les conséquences, la construction d’une alternative sérieuse à ces deux faces (libéralisme et fascisme) de la même monnaie capitaliste passe nécessairement par la reconstruction d’un syndicalisme mettant en avant un clivage, une rupture, une opposition de classe.

Lire aussi : Retraites et régression sociale : comment inverser le rapport de force ?