Retraites et régression sociale : comment inverser le rapport de force ?

Le Premier ministre a dégainé le 49.3 samedi dernier pour abréger les débats parlementaires sur la réforme des retraites. Est-ce ainsi que la bataille des retraites sera perdue ? Par KO technique alors que le peuple et la classe ouvrière rejettent massivement la régression sociale ?

Le choix de l’intersyndicale d’appeler à une seule journée de grève et de mobilisation, le 31 mars prochain, a été jugé par beaucoup comme une décision irresponsable. Malgré la menace de l’utilisation imminente du 49.3, cette journée avait été fixée 40 jours après la dernière journée de mobilisation du 20 février.

Toutefois, les rassemblements organisés par les UL et UD CGT le soir même de l’utilisation du 49.3 par le gouvernement ont montré qu’il y avait encore beaucoup de détermination dans le mouvement social. L’appel de la CGT à une journée de grève et de mobilisation le 3 mars, normal et logique, a également offert une première possibilité de riposte coordonnée.

En finir avec nos illusions sur la force du mouvement social organisé

Le mouvement social contre la réforme des retraites, malgré l’intensité déployée dans la lutte par certaines professions, n’a pas été rejoint dans la grève par des pans entiers de travailleurs qui partagent pourtant largement le rejet du projet du gouvernement.

Ce constat d’échec, notamment dans les anciens bastions industriels de la CGT, traduit un état d’impréparation organisationnelle et de désarmement idéologique de notre syndicat. La CGT n’est plus la même qu’il y a 50 ans et ni la participation aux conférences de financement ni les appels incantatoires à la grève générale n’y changeront grand-chose.

C’est bien par le travail à la base, entreprise par entreprise, secteur par secteur, services par services que nous (re)commencerons le travail long mais nécessaire, notamment dans le privé, pour organiser la colère, créer et développer des structures CGT, notamment en direction des millions de précaires et d’intérimaires non-syndiqués, et faire gagner en puissance nos mots d’ordre et revendications.

La CGT dispose par ailleurs d’un extraordinaire maillage territorial avec les Unions locales CGT et les Unions départementales CGT. Avec une volonté politique, ces structures, quasi-uniques dans le monde, peuvent redevenir le fer de lance de la contestation sociale, comme elles le sont déjà par endroits, comme dans les Bouches-du-Rhône, le Val de Marne, la Haute-Garonne, etc..

Fédérer les colères contre la régression sociale

Prenons acte que le conflit des retraites a muté avec le 49.3. La décision du gouvernement d’abréger les débats parlementaires grâce à cette arme constitutionnelle a rendu possible et nécessaire le questionnement et la remise en cause publique de la légitimité du régime.

L’élargissement des sujets de contestation doit ainsi être mis à l’ordre du jour. La CGT, qui porte un projet de transformation de la société, peut et doit être en première ligne de cette nouvelle phase.

Face au déni de démocratie et au rouleau compresseur macronien, les actes individuels et « héroïques » ne comptent pas. Seule une mobilisation collective, telle qu’on a pu l’entrevoir au mois de décembre, et offensive, s’articulant autour de la grève, pourra rendre le pays ingouvernable, et faire reculer Macron sur le projet des retraites comme sur les autres projets.

Relever la tête les mardi 3, samedi 14 et mardi 31 mars prochains

Récemment, des syndicats CGT se sont ainsi positionnés pour participer à la journée du samedi 14 mars impulsée par des Gilets jaunes progressistes. Le choix de participer clairement en tant que CGT apparait comme judicieux et porteur de convergence avec des travailleurs conscients, et pourtant non-syndiqués.

Cette date du 14 mars, à la veille d’élections municipales où se profile un « faux » virage à droite du pays, peut marquer une étape salutaire dans l’extension des revendications et dans la fédération des colères contre la régression sociale. Et permettre des perspectives de luttes intermédiaires, sans attendre la date lointaine du 31 mars.

Entretemps, la journée de grève du 3 mars et les mobilisations du 5 au 8 mars, peuvent être l’occasion de mettre en avant la nécessité d’un redéploiement syndical et d’une véritable confédéralisation des luttes.

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