Retraites : pourquoi ils passent en force

Le Premier ministre Edouard Philippe a annoncé le samedi 29 février l’utilisation du 49.3 et un premier passage en force du projet de loi des retraites, sans vote des députés. Si la presse a parlé « d’effet de surprise », des rassemblements ont toutefois immédiatement eu lieu dans la soirée partout sur le territoire.

En réalité, le gouvernement distillait déjà depuis plusieurs semaines la possibilité, de plus en probable, d’une utilisation de l’article 49.3 de la Constitution pour abréger des débats parlementaires.

Maitre des horloges, le pouvoir a la maitrise du tempo de la mobilisation sociale

Malgré une opinion publique largement opposée au projet de réforme de retraites, l’avis négatif du Conseil d’Etat, et surtout une grève dure, notamment dans les transports ferroviaires et parisiens, le gouvernement a fait le compte, et décidé qu’il était temps d’accélérer le rythme.

Nos gouvernants, ne sont ni aveugles, ni stupides. Ils savent que le mouvement social peine à amplifier la mobilisation et l’étendre au privé et aux secteurs structurants de l’économie. Ils voient bien que l’état du mouvement syndical et populaire ne permet pas (encore) une riposte à la hauteur des enjeux.

N’oublions pas également que la stratégie brutale et autoritaire de « maintien de l’ordre », a permis – temporairement – de casser physiquement les manifestants les plus déterminés et instiller une peur sourde d’être blessé à vie chez celles et ceux qui refusent de se laisser faire. Sans parler des provocations policières, les nasses, la violence sécuritaire dont l’objectif est de faire peur, pour désemplir préventivement et progressivement les manifestations.

Un gouvernement kamikaze à deux semaines des municipales ?

Nombreuses ont été les personnalités politiques à réagir en s’interrogeant sur l’impact du 49.3 sur les élections municipales des 15 et 22 mars. Mais, « la Raclée En Mars » promise aura-t-elle lieu ? Sans doute, mais surtout au profit de la droite (dite « modérée » comme « extrême »), et d’un statu quo politique qui n’arrangera pas les forces progressistes au sens très large.

En réalité, ce débat n’a pas lieu d’être. La raison est triple, d’une part LREM n’a pas grand-chose à gagner ou à perdre lors de ces élections municipales. D’autre part, ce gouvernement et son réseau estiment ne pas avoir besoin d’élus locaux pour gouverner le pays. Enfin, il y a fort à parier que LREM préfèrera payer sa réforme dans les urnes plutôt que d’affronter la reprise d’une grève dure.

De toute manière, il y a fort à parier que Macron et la plupart de ses marcheurs trouveront dans le privé, en cas de non-réélection, des carrières à la hauteur des services rendus au patronat.

Travaille, consomme et ferme ta gueule : la Macronie est une « démocratie » autoritaire

Au-delà des retraites, le passage en force avec le 49.3 est également une manière supplémentaire pour Macron d’envoyer un message à l’ensemble des acteurs sociaux : nous faisons ce que nous voulons, et nous ferons ce que nous voudrons.

Pourtant, le Président, son gouvernement, son Parlement, n’auront jamais été autant illégitimes. Porté au pouvoir en 2017 par une fraction ultra-minoritaire de l’électorat, moins de 20% du corps électoral, Macron veut mener à bout ce pourquoi il a été choisi, puis élu : l’application d’un véritable programme de société.

Leur projet de société libérale et individualiste, autoritaire et anti-sociale, rappelle à la fois le Second empire et la 3e République des « capitaines » d’industrie et de la finance, qui n’hésitaient pas à tirer à balle réelle sur les manifestants, à licencier massivement les grévistes et les meneurs ouvriers.

Ce qu’ils veulent, c’est que la flamme sociale s’éteigne en France, comme elle s’est (provisoirement) éteinte dans les autres grandes puissances économiques (Allemagne, Royaume-Uni…) que ce soit dans la rue, dans les entreprises, dans les services publics et au sein des administrations. Toutefois, à désespérer le peuple et la classe ouvrière, le pouvoir récoltera ce qu’il aura semé. A nous de rendre possibles les conditions d’un tel dépassement.

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