Une « Journée de lutte internationale contre l’exploitation capitaliste » a été impulsée pour la première fois ce samedi 7 mars par la Fédération CGT Commerce et Service. Nous avons pu joindre Amar Lagha, secrétaire général de cette fédération CGT, au téléphone.
Une « Journée de lutte internationale contre l’exploitation capitaliste », une initiative historique, a eu lieu de manière coordonnée en France dans quatre grandes villes (Paris, Marseille, Lyon, Toulouse) ainsi que dans une quinzaine de pays, en Tunisie, Corée du Sud, Monaco, Russie, Chypre, Grèce, Portugal, Italie, Égypte, Palestine, Kazakhstan, Serbie, Ouzbékistan, Inde.
Affiliée à la Fédération Syndicale Mondiale, la CGT Commerce ajoutait dans un communiqué : « Suite à une invitation de la fédération, plusieurs pays s’unissent ce jour-là pour protester contre les injustices sociales qui sont monnaie courante dans le secteur du commerce et de la grande distribution, contre une mondialisation avide et cupide qui démolit toute humanité pour le.la travailleur.se. ».
« La Fédération CGT Commerce et Service a décidé de montrer sa détermination sans faille et sans frontière dans la défense des droits des salarié.e.s. […] elle élève sa voix pour une globalisation syndicale du mouvement des travailleur.se.s. », précisait la Fédération CGT.
Entretien avec Amar Lagha, secrétaire général de la Fédération CGT Commerce et Service
Pourquoi avoir impulsé cette « Journée internationale de lutte contre l’exploitation capitaliste » du 7 mars ?
On a impulsé depuis quelques mois cette journée de lutte du 7 mars, en prenant appui sur le réseau de la Fédération Syndicale Mondiale, à laquelle nous sommes affiliés.
Notre démarche c’est d’estimer que dans la grande distribution on a les mêmes patrons. Bompard, le PDG de Carrefour, c’est aussi le PDG des camarades qui sont en Afrique du Sud, en Grèce etc.. On a les mêmes patrons même si les politiques varient selon les pays. On a organisé un séminaire fin 2019 pour dire que face à cette organisation mondiale, on doit nous aussi apporter une réponse globale et montrer au patronat que nous sommes présents partout.
L’UNI (UNI-global Union) c’est une organisation affiliée à la Confédération Européenne des Syndicats (CES) et à la Confédération Syndicale Internationale (CSI). Pendant des années ils ont signé des accords avec les grands groupes. Mais ce dialogue social, c’est une mascarade. Tu ne peux pas déclencher des grèves tant que tu n’as pas discuté avec l’UNI. De même, mais c’est ça la réalité du « syndicalisme » européen, c’est le groupe Carrefour qui programme et sponsorise les congrès de l’UNI. En ce qui nous concerne, parce que nous sommes aussi adhérents de l’UNI, nous avons dénoncé cette situation scandaleuse.
Aujourd’hui, avec d’autres organisations, on peut faire bouger les lignes. On estime que la France est un pilier [pour les groupes de la grande distribution]. Un exemple : on a pu mettre la pression sur ce que faisait le groupe Auchan en Pologne grâce à l’activité des camarades en France. On a dit à Auchan qu’on allait s’attaquer à leur image de marque si la situation des travailleuses polonaises continuait de se dégrader. Il faut savoir que les travailleuses du groupe Auchan en Pologne n’avaient pas le droit à des temps de pause. Pour les faire céder, on avait dit au patron qu’on irait dans chaque magasin avec des couches pour dénoncer le traitement indigne réservé aux salariées d’Auchan en Pologne.
C’est ça la convergence des luttes qu’on veut construire : mêmes patrons, mêmes revendications.
Quels premiers bilans ?
On peut déjà se satisfaire d’avoir osé organiser cette journée internationale de lutte. Pour cette toute première édition, on a concentré nos forces, il y a eu des débrayages, des manifestations, une communication.
En France, les initiatives dans les différentes villes ont rassemblé 100, 180, 200 personnes. On a eu les camarades turcs qui ont fait une belle action, les camarades grecs qui ont tracté toute la journée, on sait qu’en Égypte aussi ça a bougé, on attend encore d’autres retours. Chaque pays a choisi son mode d’action.
Nous, le message qu’on voulait envoyer aux grands groupes, Carrefour, Auchan, Liddle et cie, c’est qu’aujourd’hui on est coordonné. Et qu’on est vigilant sur ce qu’il se passe en France bien sûr, mais aussi à Chypre, en Grèce, au Sri Lanka, en Afrique du Sud. Ces camarades savent aussi qu’ils peuvent compter sur la CGT en France.
Quelles sont les principales difficultés auxquelles vous êtes confrontés dans vos secteur ?
Il y a plusieurs difficultés. Ne serait-ce qu’au niveau des élections CSE, on a un patronat qui fait le choix de mettre la CFDT partout où c’est possible. Il y a des listes qui sont directement déposées par l’employeur. On a des patrons qui choisissent leurs interlocuteurs.
On a aussi des employeurs qui font le choix de franchiser leurs établissements dès que la CGT existe ou se renforce, comme dans les Carrefours Market qui sont des bastions CGT.
Malgré la répression syndicale et les manœuvres mesquines, on a progressé partout et je pense qu’après ce cycle électoral on restera la première organisation dans le commerce et dans les services. On pense que les salariés aujourd’hui se rendent vraiment compte des conséquences de la loi El Khomri.
Quels liens entre les revendications féministes et la question du travail dans le Commerce et Service ?
Bien sûr, il y a l’égalité salariale, le temps partiel imposé aux femmes. On parle du Commerce parce que c’est visible, mais dans les métiers de service, dont la restauration collective, aujourd’hui c’est un scandale. Par exemple, il y a des femmes qui travaillent dans les cantines et qui sont à temps partiel imposé et qui se retrouvent intermittentes : les 4 mois de congés dans l’année ne sont pas payés, elles n’ont pas le droit au chômage. C’est ce qu’on appelle les intermittentes de la misère, et la réforme des retraites va bousiller ces travailleurs.
Notre priorité, c’est que le temps partiel ne soit plus imposé aux femmes.
Au niveau de la mobilisation contre la réforme des retraites, comment construisez-vous la journée de grève du 31 mars ?
On a décidé d’appeler tous nos DST pour faire un point. On a des endroits stratégiques, la restauration collective, les plateformes… on parle avec eux pour convaincre les salariés. On embraye le débat avec les travailleurs et on espère que ça bougera le 31 mars.