Comprendre la guerre en Ukraine

COMPRENDRE LA GUERRE EN UKRAINE

Nous publions dans ce numéro Papier d’Unité CGT un article publié sur notre site internet en février 2023. Nous y avons ajouté un dernier paragraphe afin de l’actualiser.

L’intervention militaire de la Russie en Ukraine déclenchée le 24 février 2022 a bouleversé l’ordre international. Trente ans après la contre-révolution en Union soviétique, le renversement du socialisme et les guerres de Yougoslavie, une autre guerre impérialiste interétatique a éclaté sur le sol européen.

Toutefois, si la presse occidentale s’est fait l’écho des revendications du régime de Kiev et couvre, de manière partiale et biaisée le conflit, il convient de rappeler la vérité suivante : la guerre en Ukraine n’a pas commencé en février 2022. En réalité, cela fait plus de 9 ans qu’une guerre, de haute puis basse intensité, fait rage dans l’est de l’Ukraine, dans le silence médiatique total de l’Occident.         

Retour sur les événements en Ukraine depuis 2014         

En février 2014, après des semaines de tensions et d’affrontements violents provoqués par les partisans d’un rapprochement de l’Ukraine avec l’UE et l’OTAN et relayés par les médias occidentaux, le mouvement dit « d’EuroMaidan » accélère le cours des événements.           

Des mairies sont prises d’assaut par des groupes armés, dont la plupart formeront plus tard les principaux bataillons ouvertement fascistes et néonazis. Le président, pourtant légitimement élu, est destitué devant la crainte d’une guerre civile et un gouvernement provisoire est constitué.

Ce coup de force fait suite à des années d’affrontement larvée et déjà marqué par la pseudo-« révolution » orange de 2008 qui avait porté au pouvoir un autre politicien soutien d’un rapprochement de l’Ukraine avec l’Occident. Quelques années plus tard, la décision du président Yanoukovitch (présenté à tort comme pro-russe) fin 2013 de ne pas signer l’accord (néolibéral) de libre-échange avec l’Union Européenne est alors prise comme prétexte par le camp pro-occidental pour remettre en cause les institutions du pays et prendre le pouvoir.    

Mais, ce coup d’Etat a en réalité rompu l’équilibre fragile de l’Ukraine, une nation géopolitiquement déchirée entre l’Ouest et l’Est russophone, dont les ressources minières et agricoles attisent les convoitises, tant russes qu’occidentales. D’ailleurs, parmi les premières mesures décidées par le gouvernement provisoire, ou junte de Kiev, se trouvent la signature d’un accord avec le FMI (contre la promesse de finaliser la privatisation des industries, notamment du secteur minier) et la ratification du traité de libre-échange avec l’UE, pourtant désastreux pour l’économie ukrainienne et la population déjà fortement éprouvée par la dissolution de l’Union soviétique et ses conséquences socio-politico-économiques.         

Le soulèvement des populations russes en Crimée et russophones en Ukraine orientale, notamment face à la présence de ministres fascistes à des postes clé, la destruction de statues de Lénine, et des décrets discriminatoires envers les russophones, le rapprochement (illégitime) avec l’OTAN, l’UE et le FMI, vient comme réponse en mars, avril et mai 2014 à ce bouleversement de la situation. Chacun aura d’ailleurs noté la différence du traitement médiatique accordé aux uns et aux autres par les médias occidentaux.       

L’intervention directe de Moscou entraine alors le rattachement de la Crimée à la Russie, tandis que l’Ukraine orientale est brutalement mise au pas par les nouveaux maitres de Kiev, à l’exception notable du Donbass, notamment des villes de Donetsk et Lougansk. Des centaines de milliers de réfugiés ukrainiens affluent, dans le silence médiatique occidental, en Russie. Le Donbass, bastion industriel et russophone, est particulièrement convoité par le nouveau gouvernement ukrainien, aux services d’autres oligarques et partenaires avec le FMI et l’UE dans le dépeçage/pillage des ressources et industries ukrainiennes, pour la plupart situé dans l’Est du pays.     

Si le mouvement anti-maidan est brutalement réprimé, notamment à Kharkov et surtout Odessa, où une centaine de syndicalistes et antifascistes sont massacrés à coup de haches et de battes de baseball le 2 mai dans la maison des syndicats incendiés par les fascistes, les républiques populaires de Donetsk et Lougansk tiennent une partie du territoire du Donbass et parviennent à repousser l’armée ukrainienne et ses supplétifs nazis.        

Face à cette contre-offensive, le nouveau président ukrainien Poroshenko, un oligarque du chocolat, décide à contre-cœur de signer les accords de Minsk qui obligent formellement Kiev à organiser un référendum d’autodétermination dans les républiques séparatistes. De même que le rapprochement avec l’OTAN et l’UE, c’est bien la décision des autorités ukrainienne de ne jamais chercher à faire appliquer ces accords qui est responsable de la poursuite de la guerre en Ukraine.              

14 000 Ukrainiens du Donbass assassinés par l’armée ukrainienne            

La guerre dans le Donbass a fait plus de 14 000 morts. Des centaines d’infrastructures vitales ont été bombardées et détruites par l’armée ukrainienne qui a commis des crimes de guerre. La population vit sous perfusion d’une économie locale de survie et de l’aide humanitaire et alimentaire russe.            

Où étaient les médias et l’opinion publique pendant ces 8 longues années ? Comment nous vendre une « démocratie ukrainienne » tant gangstérisée et gangrénée par des éléments ultranationalistes en roue libre et sous perfusion de l’Occident ?   

Pire, les rares journalistes qui cherchent à apporter à l’opinion publique d’autres éléments d’informations et d’analyses se retrouvent censurer, qu’il s’agisse du documentaire « Ukraine, les masques de la révolution » ou des vidéos de la journaliste Anne-Laure Bonnel qui, documentant la guerre menée à Donetsk par l’armée ukrainienne, a été immédiatement censurée et trainée dans la boue par la presse et les politiciens.           

En définitive, méfions-nous de ceux qui, taisent les bombardements illégaux en Palestine ou au Yémen menée par les alliés israéliens et saoudiens, cachent la vérité sur la guerre en Ukraine et au Donbass, et font l’éloge de putschistes tant que ces derniers servent leurs intérêts.         

Nous l’avons déjà écrit, nous le répétons : ceux qui, au pouvoir en Ukraine, ont agi contre les intérêts du peuple ukrainien en lui imposant depuis 11 ans, – par un coup d’Etat, la répression terroriste, la guerre dans le Donbass, le soutien à des forces néonazies – un rapprochement avec l’OTAN et l’UE, sont tout aussi coupables que Vladimir Poutine ou l’OTAN, dans le déclenchement de la guerre et les déplacements forcés de population.      

Nous ne ferons pas le choix de la guerre avec la Russie. La paix en Ukraine passe par la dénazification du pays, le retrait des troupes, le reflux de l’OTAN hors d’Europe.    

En marche vers un conflit généralisé ?   

Nous entrons dans une période d’accélération de l’Histoire et de décomposition/recomposition des contradictions entre impérialismes. Le « retournement » des Etats-Unis, en tout cas la volonté de « mettre à zero » certains compteurs et de remodeler certaines alliances ou relations bilatérales entre Etats, est une nouvelle donne dans la situation internationale, au même titre que la volonté de l’Union européenne et de ses Etats-membres d’engager un réarmement massif et un changement de paradigme tout en poursuivant ses efforts pour garder les peuples sous sa coupe et emprise.           

Les récents évènements en Roumanie, en Moldavie, en Géorgie s’inscrivent dans cette logique et démontrent une fois de plus que le bloc impérialiste atlantiste se moque de la volonté populaire.              

Tous ces faits, de la Géorgie à la Transnistrie, de la Syrie à la Palestine, du Venezuela à la Bolivie,  qui marquent notre actualité expriment la lutte entre un nouveau monde qui arrive progressivement à maturité et l’ancien monde qui ne veut pas partir. La crise de surproduction et de suraccumulation et la contradiction entre la production toujours plus socialisée et l’accaparement privé par les grands groupes monopolistiques conduisent à la généralisation des conflits.

Le risque de « guerre mondiale » est réel, bien au-delà d’un conflit entre l’Ukraine et la Russie. D’un côté, l’Ukraine est pleinement soutenue matériellement et pleinement intégrée politiquement au bloc atlantiste dirigée par Washington dont l’objectif reste la déstabilisation et le démantèlement des états nationaux, comme la Syrie, jugés hostiles. De l’autre, la Russie n’est pas aussi isolée que le prétendent les médias occidentaux comme l’ont démontré à la fois les nombreuses absentions ou oppositions à la résolution de l’ONU de février 2023, le Sommet des BRICS+ d’octobre 2024 ou encore la marginalisation des pays du G7 lors de la dernière réunion des pays du G20.              

Guerre impérialiste ou Paix révolutionnaire !      

Plusieurs centaines de milliers de soldats russes et ukrainiens sont morts. Le conflit empoisonne le continent tout entier tandis que les bruits de bottes résonnent de plus en plus à travers les postures, discours, menaces et interdictions. Nous disions en 2022, « non à la guerre impérialiste, pas un soldat, pas un euro, pas une arme » pour nourrir la guerre permanente. Cette position est plus que jamais valable aujourd’hui.  

Internationalistes, nous refusons d’être associés ou de participer au carnage impérialiste qui ne bénéficie qu’aux puissants. Les syndicalistes CGT, qui portent la double besogne, allient le refus immédiat de la guerre et des privations avec le rejet d’un système économique mondial qui inclut, de manière systémique, le risque d’une guerre généralisée, comme cela s’est déjà produit à plusieurs reprises dans le passé. Le Capital a besoin de la guerre pour se « ressourcer », il faut donc désarmer les capitalistes. Le combat pour la Paix est inséparable de la lutte pour la justice sociale et une société débarrassée de l’exploitation de l’Homme par l’Homme.