De quelle CGT avons-nous besoin ?
En avril 2021, alors que la gestion autoritaire et absurde de la pandémie de Covid 19 s’éternisait et en réaction aux dérives et à l’inactivité de notre Confédération CGT, une tribune intitulé « Pour une CGT à la hauteur des enjeux de la période » était publiée par Unité CGT avec les signatures de plus de 2000 syndicalistes CGT, de différents territoires et secteurs professionnels.
On pouvait y lire : « Dans cette escalade régressive, gouvernement et patronat, par médias dominants interposés, veulent instaurer une union sacrée, un véritable climat de peur, de résignation et cherchent à dissuader toutes celles et ceux qui résistent aux plans politique et syndical.
Si beaucoup, jusque dans nos rangs, doutent de la capacité du peuple à changer la société, un changement est pourtant en cours, mais à l’inverse de ce dont nous avons besoin ! Dans le même temps, l’idée que la situation n’est plus tolérable progresse dans les esprits.
Face à cette attaque globale du capitalisme, le monde du travail en légitime défense doit organiser une riposte d’un niveau inédit. La CGT est pour cela une force irremplaçable et, forte de ses principes, elle doit assumer ses responsabilités dans ce moment historique.
Une société fondée sur et pour la satisfaction des besoins du plus grand nombre est possible, l’argent existe pour la mettre en place, il ne s’agit que de choix politique et du rapport de force pour l’imposer. La France est une puissance économique majeure en Europe et dans le monde. Nous avons largement les moyens de nous dégager des logiques mortifères du capital, mises en œuvre dans notre pays sous couvert d’intégration à l’Union européenne.
Nous devons assumer ce qui a toujours été la ligne de conduite de la CGT en organisant partout la défense des intérêts matériels et moraux des salariés et mener la lutte pour changer de société.
La gravité de la situation nationale, les menaces qui pèsent au plan international contre la paix appellent le syndicalisme de classe à retrouver ses couleurs et à la réaffirmation auprès des salariés d’une ligne claire de rupture avec le système économique capitaliste. Les luttes syndicales doivent être pensées, coordonnées et organisées y compris au plan international, ce que ne permettent pas les orientations et le fonctionnement de la Confédération européenne des Syndicats.
Pour organiser de grandes mobilisations populaires et le combat frontal contre le capitalisme, la CGT doit avoir un projet revendicatif cohérent, lisible et atteignable.
Pour cela, la CGT doit incarner l’alternative et l’espoir au plan syndical d’une société construite pour répondre aux intérêts de ceux qui créent les richesses. Ce projet interprofessionnel de société nécessite d’être reformulé clairement pour que l’ensemble des salariés et de la population puisse se l’approprier ».
4 ans après la parution de cette tribune, et deux ans après le 53e congrès de la CGT et la révolution de palais à la tête de la Confédération CGT avec la recomposition de l’équipe de direction, rien n’a changé.
Il nous faut donc reprendre les bases : de quelle CGT avons-nous besoin ?
Penser pouvoir répondre à cette question peut paraître présomptueux, alors disons-le explicitement : il ne s’agit en aucun cas de donner une réponse définitive ou même complète à cette question. Il s’agit plutôt de tenter de donner la réponse à la question suivante : de quelle CGT avons-nous besoin pour répondre à ce que nous considérons, à Unité CGT, être les enjeux du moment ?
Nous ne prétendons pas détenir une vérité omnisciente sur les attentes et les aspirations de chaque travailleur en France et dans le monde mais nous pouvons néanmoins constater au cours des dernières années voire même des derniers mois l’accélération du pourrissement (et une agressivité démultipliée) du capitalisme, avec comme perspective finale une austérité permanente, la surveillance de masse, une déflagration guerrière générale. C’est donc bien rapports aux enjeux de la période que nous souhaitons apporter une contribution à cette nécessité que nous ressentons tous de revitaliser notre syndicalisme CGT ! En d’autres termes, nous souhaitons plus interpeller les camarades que les confondre, poser les questions et nourrir le débat plutôt que de donner des réponses !
Pour Unité CGT, un des enjeux principaux du moment, avec les luttes contre la guerre, l’austérité, la liquidation de la France ouvrière, est de faire collectivement front contre la répression patronale qui s’abat d’une manière inédite (depuis ces dernières années) sur les syndiqués CGT. Au travers de la répression contre les syndicats les plus combatifs, le patronat rêve de faire rentrer la CGT dans le rang des organisations syndicales « responsables et constructives ». Dans le même sens, l’absence de réelle mobilisation confédérale contre cette répression envoie lui aussi un signal, extrêmement négatif, à l’ensemble des travailleurs du pays.
Sans passion ni caricature, nous pensons donc qu’il est nécessaire de (ré)interroger notre rapport à la violence. Pourquoi devrions-nous nous excuser de défendre d’être aux côtés des travailleurs qui arrachent des chemises à des patrons qui veulent les licencier ? Pourquoi devrions-nous nous excuser d’être aux côtés de la jeunesse populaire qui déverse sa colère quand l’un des nôtres se fait assassiner ? Pourquoi devrions-nous nous excuser d’être aux côtés d’un peuple en armes qui lutte pour sa survie ?
Aussi, défendre une vision institutionnalisée du syndicalisme, participer aux supercheries patronales du « conclave » sur les retraites revient à accompagner cette violence patronale qui s’abat sur les militants et militantes. Adopter son langage aussi : non, il n’y a pas de « dialogue social » dans des discussions verrouillées, non il n’y a pas de « plan de sauvegarde de l’emploi » quand les plans visent à licencier des milliers de travailleuses et travailleurs, non, nous ne devons pas être des « partenaires sociaux » d’un système qui nous broie !
Il nous faut regagner une cohérence idéologique pour redonner confiance aux travailleurs et partir à la conquête d’un syndicalisme combatif ! Tant que vous nous tapez dessus : nous ne siégerons plus, nous ne participerons plus aux négociations, nous ne respecterons plus « les règles du jeu » que vous transgressez les premiers !
Nous avons besoin d’une CGT moderne, qui a les yeux et les oreilles bien ouverts sur la société et sur ce que disent les travailleurs. Quand la CGT s’exprime, parle-t-elle à l’ensemble de la classe ? Est-elle compréhensible par tous et toutes ? Nous constatons un éloignement de ce qui a constitué le cœur historique du syndicalisme CGT- le syndicalisme ouvrier. Un exemple : lire l’expression « optimisme béat des happy manager » dans une intervention de la CGT est en décalage complet avec le vécu des ouvriers et ouvrières de notre pays qui sont confrontés non pas à l’« optimisme béat » mais à l’agressivité féroce de leurs managers ou supérieurs hiérarchiques. Si le système capitaliste utilise la caporalisation dans les entreprises et fait retomber en cascade les pressions sur l’essentiel des travailleurs, y compris sur les cadres (exigences de résultats, augmentation du volume horaire travaillé, empiètement sur la vie privée aggravé par le télétravail etc.), en bout de chaîne, il y a les masses d’exécutants qui subissent l’ensemble de ces pressions. Pourtant, ces salariés sont les véritables créateurs de richesses et sont les mieux placés pour organiser leur travail.
Pour Unité CGT, être une organisation syndicale moderne ce n’est pas vouloir aller siéger dans les salons et être organisés dans les sièges des grands groupes mais bien d’être là où les nôtres souffrent le plus : dans les ateliers et les champs comme dans les quartiers et les campagnes. C’est d’être l’organisation des prolétaires aujourd’hui largement précarisés en intérim ou en CDD. Nous le disons haut et fort : être une organisation moderne c’est être la France ouvrière ! C’est être l’organisation qui combat le patronat et pas qui s’acoquine avec certains qui brandissent des pancartes contre la vie chère en faisant appel à eux pour lutter contre l’extrême-droite !
Nous avons plus que jamais besoin d’une CGT qui fait de la démocratie une question revendicative et d’organisation prioritaire ! C’est un fait incontestable : le capital ne sert à rien, seul le travail produit les richesses. Dès lors, pourquoi accepter le système capitaliste ? Nous dévons être l’organisation qui arme aussi ses militants et militantes dans une perspective de transformation radicale de la société. La CGT, ses militants, élus et mandatés ont construit et géré pendant des décennies la Sécurité sociale. Prendre nos affaires en main, décider collectivement de notre présent et de notre futur : la CGT doit aussi apparaitre non pas comme un corps intermédiaire mais comme la base d’une démocratie nouvelle !
Pour cela, il est primordiale que ses militants et militantes l’expérimentent déjà en son sein. Les principes démocratiques fondamentaux de notre organisation ne peuvent pas être attaqués sous prétexte d’efficacité organisationnelle. Seules l’éducation ouvrière et la culture du débat nous permettront d’élever les consciences et de transformer radicalement les hommes et femmes qui composent la CGT afin de diffuser la nécessaire lutte des classes.