A l’appel des syndicats et des mouvements sociaux, une puissante grève des travailleurs vient renforcer la contestation sociale inédite au Chili. La répression a déjà causé la mort de 18 personnes. Les manifestants réclament le départ du président et surtout la fin du modèle antisocial hérité de la dictature Pinochet.
¡Chile no se rinde!¡Chile no se rinde! 📢📢 Aquí estamos todas y todos en #UnidadSocial hablando fuerte y claro 👇👂[Activa el audio] #ChileSomosTodos #ChileViolatesHumanRights pic.twitter.com/GkLjM3GxaV
— CUT Chile (@Cutchile) 23 octobre 2019
« VIVE LA GREVE ! Nous le disons fort et clair : assez des hausses de prix et des abus ! », a déclaré la Centrale unitaire des travailleurs (CUT), principale confédération syndicale du pays le 22 octobre. Des dizaines de milliers de manifestants ont défilé à Santiago et dans d’autres villes du Chili à l’occasion des deux grandes journées de grève générale des mercredi 23 et jeudi 24 octobre convoquées par les organisations syndicales et les mouvements sociaux du pays.
La crise sociale qui agite le pays depuis près d’une semaine ne semble pas prendre fin malgré la violence sécuritaire d’un gouvernement qui n’a pas hésité à établir l’Etat d’urgence, le couvre-feu à 22h, le cadrillage des zones urbaines par quelques 20 000 militaires, une première depuis la fin de la dictature du général Augusto Pinochet (1973-1990).
Les scènes de blindés patrouillant les rues de Santiago ont très vite fait le tour du monde. De même que les images de manifestants tués ou blessés par balle. Au 24 octobre, les heurts avaient causé la mort de 18 morts. Selon l’Institut national des droits humains (INDH), 269 personnes ont été blessés et plus 1 900 arrestations ont eu lieu.
Après avoir provoqué les manifestants dimanche dernier, le président Sebastian Piñera a tenté de rétropédaler face à la poursuite de la contestation en proposant des mesurettes sociales… tout en annonçant mercredi le rappel de réservistes de l’armée afin d’assurer un soutien aux soldats déployés dans les rues du pays. Une manipulation rendue caduque par le refus en bloc des syndicats et des partis politiques de l’opposition de participer à des négociations avec un pouvoir largement discrédité.
Les raisons de l’explosion sociale au Chili
Contenue depuis des années, la colère sociale a explosé au Chili en ce mois d’octobre. La hausse de 30 pesos du prix du ticket de métro – vitale pour une population chilienne très urbaine et concentrée dans la capitale du pays – a provoqué l’étincelle qui a mis le feu aux poudres.
Cette hausse est venue en réalité s’ajouter à d’autres augmentations récentes des coûts des services de base, comme celle des tarifs d’électricité (+10,5% début octobre) ou celles des médicaments, qui restent les plus chers de la région. Rappelons que le système de santé, privatisé, ne couvre que 60% des frais médicaux.
Ce qui est au cœur de la contestation, c’est la dénonciation d’une société fondée exclusivement depuis la dictature Pinochet sur les lois du marché et l’injustice naturelle d’un système économique favorisant avant tout le capital. Très vite, le slogan « ce n’est pas 30 pesos, ce sont plutôt 30 ans » a largement été repris dans toutes les manifestations.
Le Chili de Pinochet, un pays-modèle pour Macron ?
Présenté par les médias comme un modèle de stabilité politique et économique en Amérique latine, le Chili est pourtant le pays qui connaît les plus importantes inégalités en Amérique du Sud.
Durant la dictature Pinochet, le Chili a été le laboratoire expérimental des néoconservateurs et néolibéraux américains. Sous l’égide de Milton Friedman et de ses « Chicago boys », le pays a été littéralement mis en vente : les services basiques ont été privatisés savoir la santé, l’eau, l’éducation, la sécurité sociale. Les alternances gouvernementales gauche-droit n’ont jamais remis en cause ce pacte anti-social imposé par la force.
Aujourd’hui, la majorité écrasante des Chiliens se retrouvent étranglés financièrement par le système d’endettement généralisé qui soutient le pouvoir d’achat. En octobre 2019, la banque centrale précisait que 74% des revenus des foyers sont consacrés en moyenne au remboursement des dettes.
L’éducation supérieure au Chili est par ailleurs la plus chère au monde, avec des mensualités de 350 euros en moyenne pour une licence de cinq ans d’études (y compris les universités publiques).
Enfin, ce n’est pas un hasard si l’on trouve la question des retraites au cœur des revendications des manifestants. Mis en place sous la dictature, un régime par capitalisation totalement individualisé pour les salariés est en vigueur pour les retraites. Avec ce système, les pensions des retraités sont pour la plupart inférieures au salaire minimum (environ 370 euros), tandis que les fonds de pension accumulent de bénéfices gigantesques.
Dans ces conditions, comment ne pas établir un parallèle entre le « modèle » chilien et le projet de Macron concernant la destruction de notre système de sécurité sociale et toutes les lois de régressions sociales et de privatisations de nos biens communs ?
La lutte du peuple chilien est légitime. A nous de soutenir sans réserve cette mobilisation et de nous en inspirer pour nos propres combats dans notre pays.
1 thought on “Grèves générales et mobilisations sociales au Chili pour un changement de société”
Comments are closed.