Italie : coronavirus, santé publique et lutte des classes, la position de l’Union syndicale de base (USB)

Alors que des mesures drastiques ont été prises en Italie du nord face à la “crise” du coronavirus, le syndicat de classe italien USB rétablit le vrai débat sur la question de l’état du service public de santé en Italie. Les syndicalistes doivent également faire face à une remise en cause du droit de grève au nom de la gestion sanitaire.

Dix-huit personnes supplémentaires sont mortes du coronavirus en Italie entre le dimanche 1er mars et le lundi 2 mars, portant le nombre de victimes à 52 dans le pays. Il s’agissait à chaque fois de personnes âgées ou déjà atteintes de pathologies graves, selon le chef de la Protection civile italienne.

L’Italie est le pays le plus touché en Europe, le nord du pays, en particulier la Lombardie (région de Milan) est le plus concerné par l’épidémie. Sur le total des personnes porteuses du virus, la moitié seulement (908) ont été hospitalisées, et sur ce total 166 ont dû être placées en thérapie intensive.

Alors que le gouvernement français a pris certaines mesures concernant la crise du coronavirus, notamment l’interdiction des rassemblements de plus de 5000 personnes dans des lieux dits « confinés », nous avons tout intérêt à nous intéresser aux leçons tirées par les syndicalistes de classe en Italie.

Que disent nos camarades de l’USB sur la crise du coronavirus ?

« Nous devons reconstruire le service [public] national de santé » : dans un communiqué, l’Union syndicale de base (USB), syndicat italien de masse et de classe et affilié à la Fédération syndicale mondiale (FSM), a réagi à la crise du coronavirus en Italie.

Dans un premier temps, le syndicat relève : « En une semaine, toutes les contradictions au sein du service de santé ont explosé à cause de la manière dont a été organisé et géré [le système de santé] dans notre pays au cours des vingt dernières années. »

« Les pierres angulaires sur lesquelles repose le système de santé actuel, que nous définissons encore à tort comme « national », sont le corporatisme, le régionalisme, le privé et ont entraîné des pénuries de personnel, l’insécurité, la fermeture d’hôpitaux, avec pour conséquence un manque de lits et des coupes budgétaires estimées à 37 milliards d’euros par les autorités. », », précise encore le syndicat.

L’USB dénonce ensuite le rappel de « personnel médical et infirmier à la retraite », ainsi que « la “collaboration” avec le système privé de santé ».  « Nous ne voudrions pas que l’urgence Covid-19 soit une opportunité utilisée pour augmenter le profit des services privées de soins de santé ! », ajoute le communiqué.

D’après le syndicat, « il conviendra d’examiner sérieusement si ce système pervers mis en place par des gouvernements de toute couleur est durable du point de vue de la protection de la santé publique. »

Pour l’USB, le gouvernement italien utilise la crise du coronavirus pour museler l’opposition sociale

Selon l’USB, la crise du coronavirus a démontré aux yeux de tous : « l’inutilité totale du système privé de santé face aux urgences, et ce malgré un financement énorme qui n’a pas été attribué au système public de santé. »

« La décentralisation régionale de la santé publique, pour encourager sa privatisation, a empêché une direction nationale de réponse au phénomène des coronavirus et a créé de la confusion et des retards dans le secours apporté. », ajoute encore l’USB.

Pour le syndicat, l’ensemble des décisions prises par décrets par le gouvernement italien de « gauche » représente un réel danger.

Selon l’USB, ces mesures ont en effet :

« – bloqué et empêché les grèves, les manifestations, les rassemblements, même les réunions et toute autre forme d’initiative politique et syndicale,
– militarisé pleinement le territoire en recourant à l’armée pour assurer le respect des décrets,

– fermé des écoles et des universités partout dans le nord de l’Italie,
– imposé le travail à domicile à des milliers de travailleurs dans les zones les plus exposées à la contagion […] réduisant la possibilité de protéger les droits des travailleurs hors du lieu de travail […]
–  accéléré les procédures de licenciements collectifs, comme à Alitalia et d’autres sociétés stratégiques […]
– bloqué les importations de marchandises en provenance de Chine, obligeant ainsi de nombreuses entreprises à fermer temporairement en raison du manque d’approvisionnement en matériaux et condamnant des millions de travailleurs au chômage technique
. »

La grève du 9 mars en Italie rendue impossible par les décrets gouvernementaux            

Il convient de prendre très au sérieux le constat dressé par l’USB. A titre d’exemple, le syndicat a été contraint d’annuler la grève générale nationale prévue pour le lundi 9 mars. Dans un communiqué l’USB a affirmé devoir prendre cette décision « uniquement dans le but de protéger les travailleurs menacés par des sanctions ».

L’USB a dénoncé « le climat d’irrégularité qui règne dans le pays […] sous prétexte du coronavirus, et envisage désormais une intervention législative pour restaurer le droit indispensable de grève en Italie. »

A l’heure où le gouvernement français met en place des « mesures » contre l’épidémie, nous aurions tout intérêt, à l’image de nos camarades italiens, à pointer du doigt les manipulations médiatiques et sécuritaires autour de la gestion de la « crise » du coronavirus.

De même, nous aurions tout à gagner à poser les questions qui fâchent, non seulement sur l’état de déliquescence permanente de notre système de santé publique, une dégradation organisée depuis des années par nos gouvernants, mais aussi sur la fermeture des hôpitaux et des agences de santé dans les villes et campagnes de notre pays, l’attaque contre la Sécurité sociale, la volonté de privatiser les caisses de l’Assurance maladie, etc..

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