En France, un paysage politique sinistré

En France, un paysage politique sinistré

« Démocratie » illibérale à la française   

Notre pays connait une grave crise politique latente, en gestation depuis des années. Les coups de menton autoritaire d’Emmanuel Macron et la gestion brutale de la société par « l’extrême-centre » resserrent chaque jour un peu plus le nœud coulant qui étrangle notre peuple et l’ensemble des travailleurs du pays.

En juin et juillet dernier, la dissolution « surprise » de l’Assemblée nationale a ainsi accouché d’une représentation nationale sans majorité parlementaire et divisée en trois blocs, ouvert la voie à une crise de régime et accéléré la décomposition de la 5e république.           

Le président ayant la main sur la nomination du Premier ministre, la Macronie et la droite n’entendent pas lâcher le Pouvoir. L’absence de majorité stable à l’Assemblée a entrainé la chute d’un premier gouvernement, censuré par les députés sur le budget 2025 en décembre 2024. Le second gouvernement, également macroniste, dirigé par François Bayrou a été nommé et tend à élargir son socle aux socialistes et aux réformistes qui jettent leurs propres programmes à la poubelle, s’érigent en personnalités responsables et entendent négocier le prix des chaines, à l’unisson d’ailleurs avec certains syndicats, au premier rang desquels on trouve bien évidemment la CFDT.              

Sur fond de crise économique majeure, avec des centaines de milliers d’emplois dans l’industrie en jeu, la Macronie, en bout de course, compte « quoi qu’il en coûte », se maintenir au pouvoir et poursuivre la même politique. Les budgets 2025 présentés par les premiers ministres Barnier puis Bayrou, illustrent particulièrement cet état de fait.    

A noter que le président, s’appuyant sur les « traditions et coutumes politiques » qui l’arrangent, intervient de manière décisive sur la politique étrangère française. Soit disant « domaines réservés » au président (aucun texte de loi, aucun paragraphe dans la Constitution ne valide cela), les affaires étrangères et militaires se retrouvent sous la coupe d’un banquier qui cherche à tout prix, malgré son illégitimité à prendre de telles décisions, et pour de pures raisons de politiques intérieures et de préservation des intérêts de la bourgeoisie et du complexe militaro-industriel, la confrontation à l’étranger.    

Ascension électorale de l’extrême-droite et climat politique nauséabond              

La situation politique très instable se fait d’une part sous l’ombre du Rassemblement national, plus fort que jamais dans les urnes et au Parlement, et d’autre part dans un contexte de multiplication des plans de licenciements, en premier lieu dans l’industrie, en particulier dans les industries chimiques, métallurgiques et dans la grande distribution.             

Le succès électoral du RN, qui engrange près de 11 millions de voix (contre 4,2 millions en 2022) et 140 députés avec leurs alliés UDR de l’ex leader des Républicains Eric Ciotti, est une donnée majeure des élections législatives de l’été 2024. L’augmentation dramatique du nombre de travailleurs ayant voté pour le Rassemblement national illustre la confusion de l’époque et le degré de désespoir qui rogne la classe ouvrière.   

Le RN oriente déjà toute la vie politique du pays. La presse, détenue par les milliardaires, se montre complaisante envers le Rassemblement national quand elle ne lui sert pas de marchepied. Elle donne un écho très fort à des faits divers sordides qui surfent sur le racisme ambiant et décomplexé,  en inonde les flux médiatiques et tend le micro à des personnalités de droite, et du centre, dont la plupart s’emploie à reprendre les éléments de langage de l’extrême-droite.  

A l’image des propos racistes de Macron, ou ceux de Bayrou sur la « submersion migratoire », le ministre de l’Intérieur, Bruno Retailleau, multiplie les oukases contre les musulmans, les « français de papier », la gauche « radicale », les objecteurs de conscience mais parle de son admiration pour le groupuscule d’extrême-droite pseudo-féministe, Némésis.        

Plus encore, l’instrumentalisation des relations franco-algériennes par un petit ministre de l’Intérieur fait écho à la gestion coloniale et au « gouvernorat spécial pour l’Algérie » des années de guerre d’indépendance. A peine nommé à Place Beauvau, Retailleau s’était aussi fait remarquer en septembre 2024 en affirmant «l’État de droit, ça n’est pas intangible, ni sacré» : tout un programme qui montre bien, au passage, la supercherie du tour de passe-passe électoral de juillet dernier et de l’efficacité du traditionnel « rempart contre l’extrême-droite ».         

Qui peut aujourd’hui prétendre qu’il existerait une différence de nature entre une droite et un centre « radicalisés » et une extrême-droite plus forte que jamais et dont les thématiques influencent et irriguent les discours des uns et des autres ?             

Cela montre bien que la droite, comme le centre, comme certains « à gauche », n’ont rien à envier à l’extrême-droite et que le « front républicain » est une supercherie qui a malheureusement été encouragée par notre Confédération CGT et la secrétaire générale de la CGT, Sophie Binet, qui s’escrime encore, malgré l’évidence, à ne pas renvoyer dos à dos la droite et le centre avec l’extrême droite, préférant opérer une distinction mensongère entre « ennemis » et « adversaires ». Nous disons, à l’inverse, que ce discours produit du désespoir et de la colère, fait monter le vote RN, décrédibilise toute la CGT et nous désarme face aux événements qui ne manqueront pas de se produire. 

Métastases françaises du génocide en Palestine

On ne saurait, au passage, faire ici l’impasse sur la période qui a suivi (et se prolonge encore) le soulèvement palestinien du 7 octobre à Gaza. La violence politique et la brutalité de la répression contre le mouvement de solidarité avec la Palestine a fait s’élever, sans aucun doute possible, le degré de conflictualité politique en France.           

L’amalgame sciemment entretenu entre antisémitisme et antisionisme, l’interdiction de fait de l’antisionisme et sa criminalisation, la calomnie et la diffamation des mouvements de gauche pro-palestiniens ont explosé, avec, entre autres conséquences, une attaque générale contre l’ensemble de la gauche, du mouvement social et de la CGT (notamment Jean-Paul Delescaut, secrétaire général de l’UD CGT du Nord et Timothée Esprit, secrétaire fédéral de la FNIC CGT).              

La mort de Jean-Marie Le Pen, début janvier 2025, a d’ailleurs été l’occasion de constater que le Pouvoir a saisi sa chance au bond. L’infâme antisémite et négationniste, fondateur avec des anciens Waffen SS du Front national, peut bénéficier, après sa mort, d’éloges de la part des autorités de l’Etat et des différentes personnalités qui, après avoir profité pendant des années du « vote utile et républicain », se retournent désormais contre la gauche dans son ensemble et prétendent, toute honte bue, qu’il existerait « un nouvel antisémitisme » ancré à gauche et bien plus dangereux que l’extrême droite.       

L’instrumentalisation de la Shoah et la proximité affichée avec le gouvernement suprémaciste d’Israël qui prétend incarner tous les juifs du monde – l’énorme mouvement juif étasunien parti des universités, de nombreuses associations juives ou de simples citoyens en Occident, et même israéliens, qui se soulèvent contre le génocide des Palestiniens, tournent au ridicule cette essentialisation fallacieuse qui n’est rien d’autre que de l’antisémitisme –, participent au confusionnisme, à la hausse de l’antisémitisme tout en crachant sur les millions de victimes de la haine nazie. Laisser le RN se faire le défenseur des juifs, c’est abdiquer sur tous les plans de l’honnêteté intellectuelle.            

Un autre exemple, récent, éclaire également la nature de la période que nous vivons, celle de la post-vérité, où les faits sont devenus des opinions. Jean-Michel Apathie, que nous n’apprécions pas politiquement, a été sanctionné par son employeur, la radio RTL, et a été la victime d’une attaque d’une rare violence sur les réseaux sociaux pour avoir affirmé que la France s’était rendue coupable en Algérie de centaines de massacres de civils, qualifiant ces atrocités de « centaines d’Oradour-sur-Glane » en référence au massacre de civils français par l’Occupant nazi.              

En réalité, ce ne sont pas des centaines, mais des milliers d’Oradour-sur-Glane qui ont été perpétrés par l’armée française dans sa répression, terroriste et d’une brutalité inouïe, de la population algérienne et des indépendantistes anticolonialistes.   

Une Gauche et des syndicats atones, désarmés et incapables d’être à la hauteur des enjeux de la période

Propulsé et imposé au nom de « l’urgence » face au Rassemblement national, le cartel des partis politiques de gauche a, de Hollande à Poutou, réuni 28% des suffrages. Dans un contexte de dramatisation excessive et d’instrumentalisation nauséabonde du vote populaire, les travailleurs ont en réalité été bâillonnés et trompés.

Alliance de bric et de broc au programme très minimal qui n’oubliait cependant pas la livraison d’armes à l’Ukraine !, le « Nouveau Front populaire » a reçu le soutien officiel et l’appel au vote de la Confédération CGT. Cet appel, émis avant même qu’un processus de décision démocratique ne soit enclenché, a écrasé toute possibilité de débats sereins et constructifs.         

 Plusieurs confédérations syndicales, et notamment notre Confédération CGT, se sont ainsi transformées en relais électoral et militant du Nouveau front populaire et de la gestion capitaliste « de gauche ». « Pas de blanc-seing », « pas de chèque en blanc » écrivait alors la Confédération CGT pour donner, sans convaincre, le change.        

En réalité, on a assisté à la poursuite de la logique de l’intersyndicale pensée et imaginée comme un lobby. Cette stratégie d’accompagnement des partis politiques, en l’absence de mobilisation sociale réelle et d’indépendance ouvrière, a produit des effets tout à fait contre-productifs, notamment en termes de délégation de pouvoir et de résignation. Rien dans la stratégie et action confédérale CGT ne laissait en effet sous-entendre une quelconque mobilisation nationale concrète et réelle, basée sur nos propres mots d’ordre. Ni avant, ni maintenant, ni après les élections. Dix mois après les élections, tout le monde peut ainsi le constater.          

A l’heure du petit jeu des « négociations responsables » menées sous la houlette du Parti socialiste et de ses alliés, chacun peut aussi constater ce à quoi a mené cet attelage contre-nature. 

Les faits ont ainsi confirmé, avec notamment le refus du Parti Socialiste de censurer le gouvernement Bayrou après le passage en force, via 49.3, du budget 2025, que l’opération NFP avait, avant tout, permis de renflouer le Parti Socialiste, héritier des années Mitterrand et Jospin, Hollande et qui a ouvert la voie à la monstruosité néo-libérale via « l’union de la gauche », qu’incarne aujourd’hui la Start up nation d’Emmanuel Macron.      

Cela ouvre d’ailleurs un autre débat, connexe à l’appel au « front républicain », au vote utile, « au vote contre le RN », à la distinction entre Macron et Le Pen, les appels à voter LREM, Darmanin, Borne, Hollande etc… Pour « battre le RN », ces appels relayés par le NFP et notre CGT sont un désastre pour notre camp. Le Peuple et les travailleurs veulent de la clarté !

« Voter utile » et « moindre mal » marchent main dans la main et aboutissent, systématiquement, à subordonner nos intérêts et nos organisations de travailleurs aux gestionnaires « de gauche » ou du « centre » du capital et à la décrédibilisation de notre parole face à la poursuite des mêmes politiques brutales anti-sociales.    

Pourtant, l’heure ne doit pas être au désarroi tant existe la probabilité que nous entrions dans une grave crise de régime dans notre pays. La perspective d’un gouvernement d’extrême-droite, à la politique anti-travailleurs violente, encore plus sécuritaire, raciste, misogyne et xénophobe, est possible.

La possibilité d’un blocage politique « permanent » avec trois blocs est toujours bien réelle et certaines idées ou désir d’autorité présidentielle totale – la Macronie n’a jamais autant aimé diriger le pays que sous l’état d’urgence sanitaire et ses conseils de défense sanitaire – que l’on pourrait croire fantaisistes pourraient devenir des scénarios plausibles.      

Les travailleurs doivent faire irruption sur la scène politique : c’est l’enjeu principal de la période

La période qui s’ouvre devant nous nécessite des organisations fortes, avec des décisions et des actes conséquents : contre la guerre, contre le militarisme, contre la misère et le capitalisme.               

Affirmons partout cette vérité : la France n’est pas divisée en trois « blocs électoraux » mais en deux classes sociales : le monde du travail et le grand patronat, qui dirige le pays et divise les travailleurs entre eux en distillant, notamment avec ses médias, le racisme et la xénophobie dans nos rangs, en montrant du doigt les plus fragiles d’entre nous comme des « assistés » sans accuser les véritables assistés du CAC 40 biberonnés d’aides publiques et exonérés de solidarité nationale.           

Des millions de travailleurs ont voté RN, c’est-à-dire CONTRE d’autres travailleurs et CONTRE leurs propres intérêts. Combattre le racisme et les stéréotypes sociaux façonnés par le Capital, « par le bas », sur les lieux de travail, passe par l’organisation des colères, l’accentuation des grèves, luttes sociales et collectives, preuves de la force des travailleurs lorsqu’ils s’unissent malgré et contre les préjugés que projettent les médias, la droite et l’extrême-droite.         

Contre la division et les manœuvres de Macron, pour le respect et la satisfaction des revendications du Peuple et des travailleurs, il faut casser le statu quo, faire sauter tous les verrous, artificiels comme institutionnels, qui permettent au Pouvoir de tricher en permanence et se maintenir, contre la volonté du Peuple, à la tête du pays. C’est au mouvement social de se lever pour balayer le patronat, Macron et tous les siens, et imposer nos revendications, immédiates comme celles qui visent, conformément à la Charte d’Amiens, à transformer notre société en profondeur.