Inondations en Espagne : Sólo el pueblo salva al pueblo !
Avec 217 personnes mortes et 89 disparues les inondations sur le littoral méditerranéen qui ont eu lieu la semaine dernière resteront dans les mémoires comme une des pires catastrophes dites « naturelles » des dernières décennies en Europe.
La « goutte froide » est un phénomène naturel récurrent en automne sur les contours de la Méditerranée. Cependant les phénomènes climatiques ne deviennent des catastrophes que lorsqu’ils se confrontent aux créations humaines, aux infrastructures, à l’organisation de la société, au cycle de vie rythmé par les déplacements, etc. Et ceux-ci sont construits à l’image du capital comme on subit quotidiennement.
C’est bien plus ces derniers qui expliquent le bilan horrifiant plutôt que les centaines de litres tombés du 29 au 30 octobre dernier sur la province de Valence.
Plus de 30 % des immeubles endommagés par les inondations ont été construits durant la bulle spéculative dans le secteur immobilier qui a déclenché la très dure crise capitaliste de 2008 en Espagne. Le secteur de l’immobilier étant à l’époque dégageant des immenses profits pour les promoteurs, aucun critère autre que la rentabilité maximale n’a présidé le développement urbain de la périphérie de Valence catastrophée. Le développement urbain y a été fulgurant ces dernières 20 années. Il était pourtant solidement établi que la zone était inondable. Dans un secteur où la « goutte froide » est récurrente et très intense il n’était qu’une question de temps de se retrouver avec des centaines de familles travailleuses endeuillées. Les profits des promoteurs emportent des vies.
Les gouvernements national et régional étaient au courant de l’ampleur des précipitations à venir dès le matin du 29 octobre. Cependant aucune directive n’a été donnée pour protéger les travailleurs et travailleuses de la région qui ont été obligés par leurs employeurs de rester sur leurs postes jusqu’à la fin de la journée de travail. Une photo d’un camion de livraison de l’enseigne de grande distribution Mercadona roulant sous un mètre d’eau est ainsi devenue emblématique de la tragédie. Le soir venu, après la journée de travail, ont eu lieu les bouchons quotidiens dans les rues et les routes. L’enfer arriverait à son comble lorsque le soir arrivé, en rentrant du boulot, les travailleurs et travailleuses coincés verraient le niveau de l’eau monter sous leurs pieds sans aucune échappatoire. Des dizaines parmi elles et eux périront dans les bouchons. Les administrations et les entreprises sont responsables des morts.
Malgré l’ampleur des dégâts dans les bureaux des administrations centrale et régionale la tâche principale des gouvernants a été de sauver les meubles et tirer un profit politique. L’inaction et les accusations croisées entre gouvernement régional (PP, droite) et le gouvernement national (PSOE, gauche) a été la seule réponse donnée par les gestionnaires, sous fond de manque criminel de moyens humains et techniques pour réparer les dommages et sauver les personnes en danger. Le gouvernement régional valencien avait supprimé en 2023 l’Unité d’Urgences de la Région de Valence, dont la prérogative était d’assurer la coordination entre services d’urgence en cas de catastrophe, sous prétexte de coupes budgétaires. Du côté du gouvernement central, le refus d’intervention sans sollicitation des autorités régionales a provoqué l’entassement d’unités militaires et civiles sur les communes limitrophes, en attendant un appel du gouvernement régional qui n’arriverait que trop tard.
Devant l’absence de l’État et la perfidie de ses dirigeants, à Valence c’est le peuple qui a sauvé le peuple. Dès le 30 octobre au petit matin des milliers de volontaires traversaient les ponts sur le fleuve Turia débordé pour venir en aide aux dizaines de milliers de victimes. Charriant nourriture, eau, vêtements, outils, avec la seule force de leurs mains et la seule motivation que la fraternité, ils ont approvisionné les quartiers ravagés, ils ont pompé l’eau des maisons, ils ont dégagé les rues, ils ont apporté la chaleur aux victimes. Les organisations du peuple, y compris les syndicats qui ont appelé et coordonné leurs militants pour venir en aide, se sont démontrés bien plus efficaces que les happenings des philanthropes voulant laver leur image et que les grandes prérogatives des dirigeants. Lorsque ces derniers se sont déplacés en visite officiel aux quartiers inondés, la population leur a fait savoir que leurs actes les rendent indésirables et autant le président du gouvernement, que le président de région, que le roi et chef de l’État, ont été accueillis par les huées et les jets de boue au point de devoir quitter les lieux face au rejet de la population. L’exemple valencien illustre à la perfection que les travailleurs et travailleuses ne peuvent compter que sur leurs propres forces pour surmonter les difficultés, qu’elles soient exceptionnelles ou quotidiennes.
Oui, ces catastrophes sont évitables. Oui, il y a des coupables. Et oui, la CGT est pour nous toutes et tous un cadre propice pour construire un futur où l’impact des « catastrophes » sera minimisé. Face à une situation de catastrophe, les entreprises et administrations doivent fermer et les déplacements doivent être limités. Qu’avons-nous à faire de profits dont on ne voit pas la couleur ! Puis dans le plus long terme, il est nécessaire de refuser l’anarchie de la production et la gestion capitaliste, prédatrice de l’environnement et indifférents aux vies humaines. Instaurer par la lutte la planification démocratique de la production, de la distribution, du développement humain, nous donnera une chance de comptabiliser l’épanouissement de chacun et la préservation de l’environnement ainsi que d’opposer des outils efficaces à des phénomènes naturels inévitables. Et là encore, nous ne comptons que sur nos forces.
À Valence comme ailleurs, seul le peuple sauve le peuple !