Un scandale « ordinaire » du capitalisme : le groupe Michelin a annoncé un résultat net de 1,73 milliards d’euros en 2019 et la revalorisation des dividendes versés aux actionnaires, et ce alors que le groupe est gavé de subventions publiques depuis des années et que Michelin n’hésite pas à fermer ses sites en France, à l’image des licenciements programmés des 619 ouvriers de l’usine de La Roche-sur-Yon.
Michelin, le géant français de pneumatiques a annoncé le lundi 10 février un chiffre d’affaires de 24,1 milliards d’euros, en hausse de 9,6 %. Le résultat net du monopole français atteint même 1,73 milliard d’euros en 2019, soit une progression de 4,2 % et ce, alors que les ventes de Michelin diminuent de 1,2% mondialement.
Le groupe, qui a décidé de fermer l’an dernier deux usines en Europe, dont celle de pneus poids lourds à La Roche-sur-Yon en Vendée (619 salariés) et le site de Bamberg en Allemagne (858 salariés), a également annoncé le versement à ses actionnaires d’un dividende de 3,85 euros par action, soit 15 centimes de plus que l’année dernière. En dix ans, le dividende Michelin aura plus que doublé.
Sur le site de la Roche-sur-Yon, l’annonce des résultats a fait réagir Anthony Guilloteau, responsable de la CGT de l’usine : « La direction n’a pas hésité pas à sacrifier ses salariés pour augmenter ses marges. Quand on voit que le PSE (plan d’accompagnement social) de La Roche, c’est 120 millions d’euros. Une goutte d’eau ramenée au chiffre d’affaires de Michelin. ».
Pour Michelin, il n’y a pas de petits profits
Alors que le groupe Michelin avait annoncé en octobre 2019 la fermeture de son usine vendéenne, le groupe avait également demandé, début février, aux 619 salariés de rembourser les pneus d’essais qui équipe leurs voitures dont 1 pneu sur 4 leur est facturé. Devant le tollé, la direction de l’entreprise avait finalement reculé.
Un avantage en nature permet en effet aux salariés de Michelin de bénéficier du montage de ces pneus dès qu’ils sont usés, Par contre, si les salariés vendent leur voiture ou s’ils quittent la société, ces pneus doivent être rachetés par les salariés à l’entreprise, à un tarif tenant compte de l’usure.
Ce coup d’épée dans l’eau a toutefois eu le « mérite » de rappeler à quel point il n’y a pas de petits profits pour les grands groupes capitalistes. Et ce, alors que les vies de familles ouvrières se retrouvent brutalement bouleversées, et que des milliers d’emplois directs et indirects sont concernés en France par la fermeture de l’usine de la Roche-sur-Yon.
Un groupe gavé de subventions publiques
Ces tentatives mesquines de gratter jusqu’au moindre centime sont d’autant plus choquantes que, selon la direction de Michelin, le groupe a bénéficié, depuis la création du le Crédit d’impôt compétitivité emploi (CICE), de 65 millions d’euros au titre de ce dispositif, dont 4,3 millions ont été consacrés au site de La Roche-sur-Yon.
Avec ce pactole, l’entreprise a investi en 2017 dans une rénovation des ateliers de cuisson à La Roche-sur-Yon, et procédé à l’achat de huit nouvelles machines d’assemblage. Avant de décréter brusquement, en février 2018, une « pause des investissements » à La Roche-sur-Yon.
Le groupe a alors opéré une vaste opération de passe-passe. Sur les 8 machines, 2 machines de finition sont parties sur le site d’Aranda en Espagne, 3 machines de confection sur le site de Zalau en Roumanie, et une machine de confection sur le site d’Olsztyn en Pologne.
Cet argent public aura donc en réalité servi à acheter des machines destinées à des usines Michelin situées à l’étranger. Evidemment, il n’est pas question pour le géant du pneumatique de rembourser le CICE de La Roche-sur-Yon. Ces millions d’euros se seront donc évaporés dans des investissements à l’étranger, et n’auront en rien contraint ou encouragé le groupe à investir en France ou à garantir la pérennité de l’emploi en Vendée.
Pour rappel, le Crédit d’impôt compétitivité emploi (CICE), créé en 2013 par le gouvernement PS, était un dispositif d’aide aux entreprises représentant 4 % de la masse salariale la première année (dans la limite de 2,5 fois le smic) et 6 % les années suivantes. Il a été transformé, en 2019, en une baisse de cotisations patronales.
Michelin : les profits avant l’emploi
Pour rappel, dès le 11 octobre, la Fédération nationale des Industries Chimiques CGT (FNIC CGT) avait réagi à l’annonce de la fermeture de la dernière usine de production de pneu poids lourds en France.
« La CGT rappelle que le groupe n’est pas en difficulté financière avec 1,7 milliards de bénéfices nets en 2018, un cash-flow à +1,27 milliard et que les résultats annoncés en juillet pour le 1er semestre sont très bons », pouvait-t-on ainsi lire.
« Michelin accuse et dénonce une concurrence agressive et déloyale venant des pays asiatiques, d’Amérique du Sud, de l’Est, alors qu’il est lui-même propriétaire de ces usines à bas coût », précisait également le communiqué, avant de poursuive : « Les doublons de productions qui ont provoqué cette surcapacité ne sont pas le fruit du hasard mais bien construite dans la logique capitaliste d’augmentation des marges avec des arrêts programmés des usines françaises. »
Et la CGT d’enfoncer le clou : « Michelin se refuse à baisser ses marges. Il suffirait que l’entreprise accepte pour répondre aux exigences sociétales qui s’imposent à Michelin comme aux autres patrons qui ont perçu des milliards d’euros d’aides publiques, de baisser ses profits pour que tous les sites puissent continuer à produire en France. »