Le 18 octobre, puis ce 17 novembre, les travailleurs de l’Education nationale se sont mobilisés contre la casse du Lycée pro. De quoi parle-t-on ?
>> Macron a annoncé une nouvelle réforme du Lycée professionnel. Cette réforme entraîne une réorganisation du temps scolaire des élèves, notamment une augmentation de 50% du volume des Périodes de Formation en Milieu Professionnel (PFMP) autrement dit des stages en entreprise.
Dans la continuité de loi dite de la « liberté de choisir son avenir professionnel », cette nouvelle réforme pulvérise le cadre national (des formations, des diplômes) garant de l’égalité entre élèves et attaquent le statut des Professeurs de Lycée Professionnel menacé par l’annualisation.
Enfin, Macron a annoncé sa volonté de fermer les filières qu’il juge non-insérantes, notamment celles du tertiaire (accueil, administratif, etc.) et d’adapter strictement les formations aux besoins du patronat
>>> Adapter l’ « offre de formation » aux besoins du patronat
En estimant qu’il y a « trop de jeunes qui sortent avec un diplôme mais pas d’emploi », Macron affirme qu’« on laisse vivre trop de filières où il n’y a quasiment pas de débouchés ». Cette logique d’adéquation absolue entre formation et besoins immédiats des entreprises situés à proximité des lycées professionnels suit une logique qui ne fait pas de la réponse aux besoins de la population un objectif de formation. Il s’agit en réalité de restreindre les possibilités d’orientation des élèves.
Si les formations proposées dans un établissement doivent répondre aux enjeux de développement du tissu industriel et économique, elles doivent également garantir l’accessibilité aux sections de la voie professionnelle tant en Certificat d’Aptitude Professionnel (CAP) qu’en Baccalauréat Professionnel.
Alors que le patronat liquide des centaines d’emploi, qu’il démantèle l’outil industriel, il est évident que nul ne peut croire qu’il soit à même de définir les besoins en formation d’un territoire. Partout, les syndicats luttent pour gagner des embauches pérennes et pour repousse les plans de licenciement. C’est aux travailleuses et aux travailleurs de décider de ce dont ils ont besoin.
La volonté du patronat est bien de reprendre la main sur les formations professionnelles. Il s’agit pour eux de définir le contenu des formations à partir de leurs exigences. De la même manière qu’il transfère la reconnaissance des qualifications du travailleur au poste de travail, il s’agit d’adapter les diplômes aux seuls besoins de l’entreprise. C’est la fin de la reconnaissance des qualifications des travailleurs et des travailleuses, c’est la mort des diplômes nationaux.
L’objectif à terme est la sortie pur et simple des Lycée professionnels du Ministère de l’Education Nationale (MEN), la nomination de Carole Grandjean, ministre déléguée de l’enseignement et de la formation professionnels, rattachée au MEN et au ministère du travail annonce la couleur. Carole Grandjean amalgame en permanence formation initiale et continue, élèves et apprentis.
>>> Le mythe de l’ « entreprise-formatrice »
Dès la rentrée 2023, le gouvernement voudrait un passage de 22 à 33 semaines de PFMP en Bac Pro et de 14 à à 21 en CAP. Les élèves n’auront quasiment plus d’heures d’atelier puisque l’entreprise les formera… Ce discours est en total contradiction avec ce qui vivent les travailleuses et les travailleurs dans les usines, les magasins et dépôts, les services. Alors que les cadences au travail augmentent, que le patronat impose aux salariés une pression de tous les instants, qui sera à même de former les élèves sur le terrain ?
Dans cette société, le patronat n’a pas vocation à former la jeunesse mais à l’exploiter. D’ailleurs les taux d’abandon des jeunes en apprentissage ou de rupture des contrats d’apprentissage est vertigineux. De même, les accidents du travail chez les apprentis sont en augmentation. La conquête d’un temps social spécifiquement destiné à la formation de la jeunesse, déconnecté des impératifs capitalistes de rentabilité, est une avancée.
Dans le cadre de cette réforme, l’enseignement général n’est évoqué qu’à l’aune de « savoirs fondamentaux » et des disciplines de français et de maths. Les autres enseignements comme l’économie-droit, les langues vivantes, ou en encore les arts appliqués et le sport feront-ils les frais d’une vision réactionnaire et utilitariste de l’enseignement ?
Le cadre national des grilles horaires disciplinaires pourrait exploser et les heures d’enseignement seraient ventilées au niveau local. Ce qui est annoncé c’est bel et bien la fin de formations cadrées nationalement et donc la fin de diplômes nationaux. D’ailleurs, si les annexes pédagogiques pour les PFMP devaient être rédigées par les entreprises, on pourrait craindre que le contenu même des enseignements et des diplômes soient décidés par les entreprises elles-mêmes.
>>> « Pas de Services public sans industries, pas d’industries sans Services publics »
La défense de la voie professionnelle sous statut scolaire n’est pas déconnectée des luttes actuelles. Défendre les diplômes de la voie professionnelle, c’est défendre la reconnaissance des qualifications. Défendre une carte des formations ambitieuse, c’est défendre l’emploi et le développement industriel.
Le 18 octobre et le 17 novembre, les personnels de l’Education nationale, en particulier celles et ceux de la voie professionnelle, étaient appelés à la grève. Pour que cette lutte dure dans le temps et s’élargisse, il essentiel de ne pas l’isoler du reste des luttes sociales. Les puissantes grèves pour les salaires dans la pétrochimie et les raffineries ont démontré que sans les travailleurs, plus rien ne fonctionne. Nos convergences sont naturelles avec tous les secteurs en lutte.
Dans le public comme dans le privé, ce dont il s’agit c’est de remettre au cœur de la lutte le combat de classe. C’est aux travailleuses et aux travailleurs de diriger l’économie, il n’y qu’elles et eux qui peuvent organiser la production pour qu’elle réponde enfin aux besoins de la population.
Dans le public comme dans le privé, ce dont il s’agit c’est de remettre au cœur de la lutte le combat de classe. C’est aux travailleuses et aux travailleurs de diriger l’économie, il n’y qu’elles et eux qui peuvent organiser la production pour qu’elle réponde enfin aux besoins de la population.