Ordre républicain et violence d’Etat
Sainte Soline : ultimatum du pouvoir au mouvement social
Les chiffres du coût financier pour l’Etat de la répression sauvage de la manifestation des 24 et 25 mars à Sainte Soline sont éloquents. Pas moins de 5 millions d’euros ont été dépensés pour protéger la méga bassine, un cratère rempli de gravats. La protection par une police militaire, la gendarmerie, de la méga-bassine, donc des intérêts privés – révèle au moins deux éléments à souligner :
- L’Etat ne dépense pas des millions d’euros, même pour le privé, par pur masochisme. L’Etat est au service des intérêts privés ; l’Etat ne peut pas laisser des milliers de manifestants pratiquer « la propagande par le fait » et désarmer des infrastructures vitales pour les intérêts de ceux et celles auquel il obéit.
- Ce qui s’est passé à Sainte Soline ne concerne pas uniquement la bataille pour l’eau ou la répression contre les luttes écologistes. L’ultra-violence sécuritaire à Sainte-Soline est un message adressé à l’ensemble des travailleurs, et notamment des travailleurs militants. Ce message est simple : « On peut, si on veut, vous tuer ».
C’est ainsi à Sainte Soline, dans le tranquille département des deux Sèvres que l’Etat capitaliste a fait démonstration de la puissance qu’il est prêt à engager pour continuer à exercer son pouvoir. En plein mouvement social contre l’allongement du temps de travail, l’État fait la démonstration de sa puissance : voilà ce qui peut se passer lorsqu’on s’attaque au pouvoir du capital.
A ce propos, parler uniquement de « violences policières » à Sainte Soline est une erreur : cela pourrait laisser croire que les capitaines de la gendarmerie sur place se sont un peu « emballés » ou ont été dépassés. Non. L’offensive de la gendarmerie était prévue, ordonnée, financée. L’Etat a acheté les quads, les grenades, les lbd les boucliers, les uniformes, a repéré le terrain, a acheminé les hommes et les femmes sur place… Il n’y a eu aucun débordement ; ce qui était prévu a eu lieu.
A Sainte Soline, l’Etat n’a pas frappé pas directement le mouvement ouvrier organisé – qui au fil de l’histoire a fait écrire dans la loi quelques droits à la contestation, dont le droit de grève – , mais, soyons-en convaincu, le message de Sainte-Soline s’adresse aussi (si ce n’est principalement) à l’ensemble du mouvement social.
Les images des charges, tirs, blessures, des corps meurtris nous indignent ou nous mettent en colère mais elles font aussi peur, et mettent en garde tous ceux qui manifestent : « voilà ce que nous, l’Etat, sommes capable de faire, voilà ce que nos lois nous autorisent et, si ce n’est pas suffisant nous passeront par-dessus. Les meurtriers demeureront impunis, quand ils ne seront pas blanchis, tandis que les victimes, mortes, vivantes ou dans le coma, seront salis sur toutes les ondes médiatiques ».
Soulignons à ce propos ce qu’un journaliste a qualifié de « trumpisation » de l’information. Là où les images (les quads de la gendarmerie), le son (le relevé téléphonique de la conversation des manifestants avec le SAMU entravé par les forces de l’ordre), les relais (la LDH, Mediapart, Le Monde, des organisations et médias peu suspect de complaisance politique avec Les Soulèvements de la Terre) sont explicites, la vérité est manipulée, quand un ministre de l’Intérieur ne ment pas, plusieurs fois sur différents sujets très précis, en direct à la télévision.
L’Etat rappelle à tous et toutes qu’il est prêt à tuer – littéralement – pour défendre les intérêts du patronat. Face à cette réalité, parler de respect des institutions républicaines parait être une mauvaise blague : comment pouvoir encore dire que les institutions de l’Etat capitaliste peuvent protéger le prolétariat, ou même répondre à minima à ses besoins vitaux?
Pour ceux et celles qui défendent le capital et ses intérêts, le cache sexe républicain marche encore. Pour ceux et celles qui ont intérêt au changement mais qui sont aujourd’hui du côté de la réaction, l’habit républicain est confortable, car il permet d’être aveugle a ses propres contradiction.
Les ambitions de l’Etat capitalistes ne nous protègent pas, ne nous défendent pas : l’État capitaliste maintient les profits, maintient l’ordre établi où la majorité travaille pour quelques-uns.
L’Etat et ses institutions agissent aujourd’hui selon leur nature même ; pas avec une violence exceptionnelle, simplement avec la violence qui leur permet de maintenir un rapport de force en leur faveur. Nous l’avons vécu en 2018-2019 quand les Gilets jaunes ont été massacrés par des policiers et gendarmes devenus un des derniers remparts d’un pouvoir bunkerisé.
N’ayons aucun doute : quand Macron parle d’ordre républicain et de nouvelles brigades de maintien de l’ordre, ce dont il parle c’est d’une mise au pas d’une société encore trop rebelle et pas assez obéissante. Les exactions de la Brav M, qui à elles seules justifient la démission immédiate du ministre de l’Intérieur, les 200 blessés de Sainte Soline, les deux camarades entre la vie et la mort : ce n’est que le début.
Tout est lié. Sainte-Soline est la première mise à jour du régime. Ne les laissons pas aller au bout. Pour cela, nous avons la masse et la force de la grève. Car, et le mouvement actuel l’a démontré, sans les travailleurs, le pays s’arrête.
Gagner sur les retraites, sur les salaires, sur le droit à une vie/retraite digne, c’est aussi gagner contre la violence d’Etat, la rendre inutile car obsolète face à des grèves qui paralysent le pays entier et des manifestations massives et offensives. Mais pour cela, nous avons besoin de la confédéralisation et d’un sursaut collectif de l’ensemble du monde du travail.
Soyons-en également convaincu : le pouvoir a peur de nous, de notre force, de notre détermination et de notre abnégation. Isolés les uns des autres, nous perdrons. Unis, ils ne pourront pas nous arrêter.