Les 4 premiers enseignements de la gestion de la pandémie et de la crise du capitalisme

Une crise multifactorielle a éclaté depuis le début de l’année 2020, le coronavirus est un élément déclencheur de ces crises à effet domino. Les récentes annonces du gouvernement, en réponse à l’épidémie, cherchent à entretenir l’idée que le pouvoir fait tout ce qu’il peut pour lutter contre une pandémie qui a des implications visibles pour la santé et l’économie du pays.

La situation entraine en réalité une chape de plomb morale qui voudrait que l’on ne discute ni ne conteste pas (tout en acceptant la gravité de la situation) les mesures « exceptionnelles » prises pour « sauver l’économie ».

Décryptons ensemble les premières et principales leçons de la crise multifactorielle que nous traversons.

Au nom de la pandémie, on nous demande de payer la crise du capitalisme

A l’épidémie du coronavirus, cause de la paralysie de la chaîne logistique à l’échelle mondiale, s’est ajouté un choc pétrolier, conséquence d’une guerre de production et de prix entre la Russie et l’Arabie saoudite. Les krachs boursiers et la panique financière de la semaine dernière se sont ainsi déclenchées dans un contexte de crise conjoncturelle doublée d’un climat anxiogène général et propice à des manipulations de masse.

Cette situation crée une multiplication d’effets d’aubaine pour les capitalistes. Des milliers de milliards de dollars ou d’euros sont et seront déboursés et donnés sans aucune contrepartie aux entreprises, banques, groupes financiers pour « répondre à la crise » et « soutenir l’économie ».

Sur ces sommes folles, combien de centimes iront à l’amélioration de systèmes hospitaliers en souffrance et à l’agonie depuis plusieurs décennies ? Qui paiera le chômage partiel ou les licenciements ? Est-ce vraiment à l’Etat, donc au contribuable, d’assumer une crise économique maquillée en crise « uniquement » sanitaire ? Ne serait-ce pas plutôt aux grands monopoles capitalistes de payer ?

Les gouvernements au pouvoir, qui ne juraient par la sacro-sainte loi du marché, nous refont le coup de la crise financière de 2008 payée par les peuples avec un pistolet sur la tempe. Mais cette fois, ils rackettent les peuples et les classes ouvrière avec un argument-massue sanitaire et moral « non-discutable ».

Zoom sur l’état déplorable de nos installations et infrastructures hospitalières

La multiplication de messages autour du thème des « personnes vulnérables » et les remerciements bredouillées en direction des travailleurs de la santé qui alarment depuis des années sur l’état déplorable du système public de santé, masquent mal l’hypocrisie des élites. Ainsi que l’absence totale de mesures d’urgence concrètes pour construire des capacités d’accueil ou recruter davantage d’infirmiers et de médecins.

Cette réalité n’a pas empêché certains responsables politiques français de se ridiculiser en relayant une « redécouverte des services publics » par Emmanuel Macron.

Selon les statistiques du ministère de la Santé, l’hôpital a perdu 5,3 % de ses lits depuis 2013. À eux seuls, les établissements publics ont perdu 13 631 lits. L’hôpital public représente 78 % de l’ensemble des suppressions de lits, alors qu’il représente 61,5 % de la capacité totale.

Ainsi, sur les 3036 établissements de soins recensés, 17 500 lits permettant aux patients de dormir à l’hôpital ont ainsi été fermés en six ans. Entre 2017 et 2018, ce sont 4 172 lits qui ont disparu, englouti par la rigueur budgétaire, cet éternel prétexte à tout fermer, brader et privatiser.

Le secteur privé, cette fameuse « locomotive » du « virage ambulatoire » que les gouvernements successifs, de gauche comme de droite, appellent de leurs vœux depuis dix ans, a quant à elle vu ses capacités d’accueil de jours progresser de 17,1 % en cinq ans, contre seulement 2,4 % à l’hôpital public.

La vérité est donc que le véritable danger pour la population provient des carences dramatiques de notre système de santé. Ces difficultés et lacunes objectives étaient connues avant l’apparition du coronavirus et ne sont pas apparues par accident ou par magie.

La situation actuelle, les morts à venir, sont le résultat de la politique antipopulaire suivie par tous les gouvernements, conformément aux lignes directrices de l’UE pour la commercialisation et la privatisation de la santé, pour soutenir la rentabilité des groupes privés.  C’est cette politique capitaliste qui entrave et paralyse les possibilités scientifiques et technologiques immenses qui existent aujourd’hui pour répondre à tous les besoins de prévention et de prise en charge des personnes.

Gestion de foule à taille réelle, militarisation de l’espace public et crépuscule des libertés publiques

Nous ne sommes pas assez avancés dans la crise pour pourvoir déceler l’ensemble des problématiques qui vont très vite se poser. Toutefois, l’exemple de la gestion de crise en Italie doit nous interpeller. Dès maintenant, il faut absolument veiller à être vigilant sur un détricotage de nos libertés collectives et individuelles. Que se passera-t-il par exemple lorsque des ouvriers décideront de se mettre en grève pour ne pas s’exposer inutilement à une contamination ?

Le confinement total, la fermeture des établissements scolaires, des bars, des boites de nuit, etc, peuvent être nécessaires. Toutefois, comment comprendre, dans ces conditions, le maintien du premier tour des élections municipales (dont le gouvernement et l’ensemble des partis politiques sont responsables) et l’interdiction des rassemblements de plus de 100 personnes ?

Nous sommes placés par le gouvernement dans un état de « guerre » contre un mal « invisible ». De fait, il faut s’interroger sur les perspectives immenses de gestion de foule et de militarisation de l’espace public offertes par la crise à nos gouvernants. Évidemment, il ne s’agit en aucun cas d’un complot, mais bien d’effets d’aubaines.

Si des mesures d’urgences peuvent être nécessaires, seul un naïf croira que ces dispositions et le maintien de l’Ordre (au sens le plus général) ne seront pas, pour un pouvoir politique de plus en plus autoritaire, une source très importante et inspirante d’expériences pratiques à l’échelle nationale sur plus de 66 millions de Français ?

Pour les capitalistes : pas de trêve sanitaire dans l’industrie, télétravail et télésurveillance pour les autres salariés

Comment comprendre le climat, plus qu’anxiogène, distillé par les médias, les politiciens et les institutions d’un côté, et l’obligation de poursuivre le travail, soit en « s’adaptant », soit en « continuant » comme si de rien n’était ?

Largement médiatisé, l’extension du télétravail à des pans immenses de la population ne doit pas masquer deux éléments essentiels :

Premièrement, qu’en est-il de l’ouvrier qui ne peut par définition télétravailler ? Les caissières dans la grande distribution, les travailleurs du rail, les ouvriers du bâtiment, de la métallurgie, des industries chimiques, de l’agroalimentaire, sont-ils condamnés à travailler dans ce contexte rendu anxiogène au possible ?

Constatons d’ailleurs que « curieusement », les gouvernants et les entreprises ne veulent pas stopper l’économie réelle, arrêter la chaine de production industrielle, principale source du profit capitaliste. Ce rappel de « qui » produit la richesse, soulève le voile sur la réalité de l’économie.

Soulignons, par ailleurs, que l’on assiste à des actions de grèves spontanées ou préparées, des débrayages massifs dans les usines italiennes, espagnoles, françaises.

Des milliers de salariés des entreprises du secteur industriel et de distribution ont déjà invoqué leur droit de retrait, au motif que leur entreprise ne respectait pas les instructions de sécurité. En un mot, les travailleurs refusent d’être considéré comme de la viande à patron.

Deuxièmement, le télétravail dans un contexte de « confinement globalisé » via l’accès à internet, ne doit pas cacher ou masquer l’irruption brutale de l’entreprise et de l’Etat chez soi, ce qui représente une forme de contrôle et de télésurveillance.

Comment comprendre autrement les annonces des opérateurs internet affirmant vouloir réduire le débit d’accès à des plateformes de divertissements au profit du télétravail ?

Le télétravail est pour bien des travailleurs un véritable piège en ce qu’il abolit les barrières naturelles séparant le lieu de travail du lieu de vie. Beaucoup de travailleurs en feront l’amère découverte, sans doute après une première période euphorisante, dans les semaines à venir. N’oublions pas que le télétravail ne peut être réalisé qu’en cas de volontariat de salarié.

Si la lutte des classes ne s’arrête pas à cause d’un virus, la crise actuelle agit comme un profond révélateur des rapports de classes et de pouvoirs en France, et dans le monde. Nous subirons les effets de la crise et de sa gestion dans les jours, semaines, mois et années à venir. Posons-nous les bonnes questions, avançons des pistes de réflexions, et surtout, ne paniquons pas et ne baissons pas les bras.

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