Massacre social et écologique à Yara en Loire-Atlantique
Le groupe industriel norvégien Tara a annoncé un « plan de transformation » de son usine fertilisants chimiques (classée Seveso) de Montoir, en Loire-Atlantique et prépare la suppression de 139 des 171 emplois du site. La CGT est vent debout contre ce carnage social et la destruction du potentiel industriel du pays.
Officiellement, le groupe souhaite mener « un projet de transformation et de modernisation » de son installation classée site Seveso seuil haut « en terminal d’importation et en unité de pointe de mélange et d’imprégnation d’engrais sur mesure ».
Le site industriel produit de 600 000 tonnes d’engrais par an et la direction du groupe est épinglée depuis des années par la direction régionale de l’environnement, de l’aménagement et du logement (Dreal). La mauvaise qualité des eaux industrielles et des eaux pluviales et un record de poussières rejetées dans l’atmosphère en 2020 sont particulièrement mis en avant.
La presse rappelle d’ailleurs que le parquet de Saint-Nazaire a ouvert en 2020 une information judiciaire visant Yara pour « exploitation non conforme d’une installation avec atteinte grave à la santé ou à la sécurité des personnes ou dégradation substantielle de la faune, la flore, la qualité de l’air, du sol ou de l’air ».
Les autorités attendent toujours également « des justifications » sur les travaux de renforcement de la salle de contrôle vis-à-vis des risques toxiques, d’incendie et d’explosion, chantier mené en 2022 pour répondre à un arrêté de mise en demeure émis quatre ans plus tôt.
Secoué par des élus locaux et des associations de riverains qui pressaient pour une fermeture administrative de l’usine, le groupe a donc préféré rayer le site du paysage, et sacrifier la quasi-totalité des emplois.
Indignation de la CGT et perspectives de luttes pour l’emploi
Vent debout contre cet « énième fermeture d’un site de production opéré par Yara sur le territoire français », le syndicat CGT de l’usine relève que Yara justifie sa décision par une dégradation depuis des années du marché d’engrais sur le territoire français. Pourtant, le syndicat rappelle que Yara envisage de « maintenir et amplifier une plateforme logistique pour notamment « réceptionner des navires d’engrais produits sur d’autres sites Yara à l’étranger et donc de poursuivre son juteux business en France ».
« Nous ne sommes pas dupes. Yara ne souhaite et n’a jamais souhaité mettre en conformité réglementaire le site de Montoir. Une fois de plus, une fois de trop, une multinationale s’exonère de son rôle économique et social de son bassin d’implantation », dénonce la CGT qui tance : « A l’heure des enjeux environnementaux qui ne sont pas à dissocier du social, cette situation n’est-elle pas paradoxale ? ».
Pour les syndicalistes CGT du site, les salariés refusent toute fatalité, et une « réelle transformation de ce site est possible, préservant tous les emplois Yara, ainsi que les emplois des entreprises extérieures. ». « Depuis des années nos demandes de mises aux normes et d’investissement pour adapter notre outil de travail n’ont pas eu l’écho attendu auprès de nos dirigeants locaux et nationaux. Pourtant le maintien d’une activité transformée sur notre site est indispensable, tant du point de vue de enjeux sociaux et environnementaux que du point de vue de la souveraineté agricole », poursuivent-ils.
La fermeture de l’usine, les licenciements et le massacre social (ainsi que ses effets domino sur le bassin industriel) « appauvrit tout le territoire. ». « Et si le risque technologique est diminué, il n’en sera pas moins inexistant en raison des stockages d’engrais maintenus sur le site. », remarque encore la CGT.
Arracher l’industrie aux griffes du privé
Le cas Yara est-il isolé ? 22 ans après l’explosion meurtrière de l’usine d’engrais chimiques AZF à Toulouse, 4 ans après l’incendie de l’usine de Lubrizol près de Rouen, les mêmes causes provoquent les mêmes effets. Le problème ce n’est pas l’azote ou le nitrate, c’est le patron. Le manque d’investissement, les mauvaises conditions de travail, la toute-puissance des directions en col blanc qui se savent intouchables, provoquent la mise à mal de l’environnement et de l’Humain, en premier lieu les travailleurs concernés.
A Yara comme ailleurs, c’est bien le refus de l’employeur de mettre aux normes les installations, le refus de rogner sur la marge de profit pour assurer l’existence même des machines, qui est la cause unique du massacre social et écologique. Comme ailleurs, c’est le groupe industriel qui décide, seul, du calendrier. Populations comme salariés se retrouvent démunis face à ces géants de l’industrie qui vampirisent les usines et ceux qui y travaillent. L’absence de réponses adéquates des géants industriels nourrissent en retour une psychose taillée sur mesure pour diviser les salariés et les habitants.
A ce propos, soulignons que les produits dangereux, ici les engrais, continueront d’être produits et importés par Yara en France. Fabriqués dans des pays aux normes environnementales et sociales souvent moins exigeantes (et donc moins coûteuses), ces usines polluent également le quotidien de ces travailleurs et de ces populations entières à l’étranger. Le problème de l’industrie polluante n’est donc pas « où » mais « comment » (et pour « quoi » et au bénéfice de « qui »).
A l’image des travailleurs du nucléaire, les ouvriers des industries chimiques travaillent sur et avec des produits dangereux et au potentiel dévastateur mais aussi créateur. Ces secteurs doivent répondre aux besoins des populations et être placés sous le contrôle des travailleurs, des organisations syndicales et des usagers. Les industries ne peuvent demeurer sous le contrôle du secteur privé et d’individus aussi peu scrupuleux et uniquement tournés vers la satisfaction de leurs propres petits intérêts. Le cas Yara le démontre clairement une nouvelle fois.