L’Espoir est dans nos luttes
Le puissant mouvement social contre la réforme des retraites a acté le retour en force du monde du travail. Bien que nous n’ayons pas été en mesure d’imposer à Macron et au patronat une défaite, la mobilisation aura permis de mettre en lumière :
- Le refus, massif et surtout ultra majoritaire, de la réforme des retraites au sein de la population (70%) et notamment des travailleurs (96% des actifs).
- Le caractère ultra-minoritaire d’un pouvoir, élu avec moins de 17% du corps électoral au premier tour de l’élection présidentielle, sans majorité parlementaire, qui gouverne à coup de décrets et tord la Constitution pour arriver à ses fins.
- La capacité, malgré tout, de la CGT et de ses organisations à organiser la lutte. Et surtout d’incarner auprès des travailleurs, le rôle du principal Syndicat et Opposant à Macron.
A contrario, comment comprendre la victoire du gouvernement alors que le rapport de force, sur le papier, semblait, au minimum, « prometteur » ?
Nous avons écrit à plusieurs reprises durant les derniers mois qu’une victoire contre le gouvernement était envisageable si, et seulement si, un sursaut de combativité et de détermination était décidé par la CGT, et l’intersyndicale. Ce sursaut ne pouvait, ne peut toujours, se réaliser sans :
- La mise en place d’une stratégie de lutte – discutée et partagée par l’ensemble des secteurs professionnels – reposant sur un processus de généralisation et de reconduction de la grève, selon des modalités définies par ces secteurs, pour ancrer le rapport de force dans le « réel », perturber et paralyser l’économie et tout le pays.
- L’extension des revendications, notamment sur les salaires en lien avec l’inflation galopante et des libertés syndicales et politiques attaquées par Macron et son gouvernement pour le compte du patronat.
- La mise en avant d’un contre-projet, comme celui de la CGT et du retour aux 60 ans d’âge minimum légal de départ à la retraite, 55 ans pour les métiers pénibles. La défense des régimes pionniers.
- L’organisation concrète de la lutte, dans l’unité d’action, par la Confédération CGT. Et donc un travail d’impulsion, difficile et ingrat mais nécessaire et vital.
- La reconstruction, patiente mais accélérée, de nos outils syndicaux, fédéraux comme interpro, notamment les Unions locales et le rôle fondamental du comité confédéral national (CCN) de la CGT. Nous devons impérativement et surtout collectivement répondre aux difficultés rencontrées par nos organisations syndicales qui n’ont pas été en capacité ou en volonté d’élargir les revendications et/ou de mettre en place les conditions pour engager une activité CGT autonome, notamment en dehors des dates esseulées de mobilisations et du seul prisme revendicatif des 64 ans, des choix stratégiques et revendicatifs de l’intersyndicale.
Bien entendu, il ne s’agit pas ici de taire les faiblesses structurelles et conjoncturelles du syndicalisme en général, de la CGT en particulier. Pêle-mêle : des déserts syndicaux en progression, la répression systémique de nos organisations CGT par le triptyque Etat-Patrons-Politiciens, l’explosion des prix qui étrangle des millions de familles populaires et ouvrières, la casse/sape par les directions confédérales d’une stratégie de grève reconductible coordonnée lancée par défaut par plusieurs fédérations CGT…
Et maintenant ? Ni illusions ni démoralisation : la lutte !
Disons-le tout net, nous estimons très négatif le phénomène de « déni » de la réalité par un certain nombre de dirigeants, voire de militants, quant à l’issue non-victorieuse de la séquence. Nous craignons qu’un discours qui balaye d’un revers de la main les difficultés et erreurs qui nous ont amené à la défaite ne permette de ne pas faire de bilan de la stratégie de l’intersyndicale, et surtout propage, dès l’été, un sentiment de résignation et de fatalisme qui viendra grever nos efforts à court, moyen et long termes.
D’ailleurs, il convient à ce titre de souligner et rappeler la constance avec laquelle certaines organisations syndicales, y compris CGT, ont, dès le 19 janvier, refusé de discuter et creuser l’hypothèse stratégique – avancée par plusieurs fédérations CGT – des grèves reconductibles coordonnées, donc générales, considérant quelque part que « tout étant perdu d’avance, autant ne pas s’épuiser ». Et ce sont (souvent) les mêmes qui viennent nous dire que « non, la mobilisation a été exemplaire, circulez »…
Pourtant… Prenons l’exemple de la CGT Commerce et Services : la fédération CGT de ces secteurs a appelé à la grève reconductible contre la réforme des retraites en faisant le lien avec la bataille des salaires dans ces professions particulièrement précaires. Si la grève contre la réforme n’a sans doute pas pris à un niveau suffisant, c’est bien cet état d’esprit combatif et pugnace qui a infusé dans tout le secteur et, a entrainé de nouvelles mobilisations pour les salaires dans plusieurs grands groupes comme à Disney ou Verbaudet et aujourd’hui à Grand Frais.
A ce titre, ce sont bien ces sujets des bas salaires et de la précarité qui sont mis en lumière depuis deux mois. Ne pas joindre les revendications et refuser de les lier/articuler comme l’a décidé l’intersyndicale est révélateur des choix et décisions de cette « instance » que certains voudraient maintenir, uniquement pour le principe tandis que nos contenus revendicatifs et idéologiques disparaissent et que les stratégies et modalités d’actions demeurent indiscutables et indiscutés.
Le gouvernement s’est déjà engagé à une nouvelle tranche de réduction des « dépenses publiques ». Plus de 10 milliards d’économie sont ainsi envisagées dès la rentrée en septembre. Voilà, avec la question omniprésente et centrale du cout de la vie, notre ligne d’horizon.
Les grèves, notamment reconductibles engagées ça et là, pour des augmentations de salaire, et la montée en puissance de la revendication autour du rétablissement de l’échelle mobile des salaires indexés sur l’inflation, nous montre le chemin revendicatif à suivre. Avec bien sur l’idée qu’il est temps d’arrêter les luttes purement défensives et économistes : nous avons besoin d’une stratégie offensive et politique, sur tous les sujets, et qui pose la question de la propriété privée des moyens de production et qui prône la rupture avec le capitalisme et la fin de l’exploitation de l’homme par l’homme. Aux militantes et militants de la CGT de mener leur double besogne, personne ne le fera à leur place, redonnons à notre outil syndical sa raison d’être.
Plus que jamais, l’Espoir est dans nos luttes !