Ani – Agirc Arcco : la signature CGT est le « choix du pire »
Le groupe indépendant (et centriste) Liot à l’Assemblée nationale a affirmé le 7 novembre avoir obtenu du gouvernement la « renonciation définitive » à une ponction dans le régime de retraite Agirc-Arrco en échange de son abstention lors du vote du projet de loi de finances de fin de gestion.
Cette « renonciation » s’apparente en réalité à un « faux recul » du gouvernement. Pour mémoire, le gouvernement agite depuis plusieurs mois la menace de ponctionner entre 1 et 3 milliards d’euros dans les caisses du régime de retraite Agirc-Arrco. Piloté par les syndicats et le patronat, ce régime de retraite distribue des pesions à 13 millions de retraités. Excédentaire de 5 milliards d’euros l’an dernier, ce régime de retraite est aussi assis sur de colossales réserves qui atteignaient 68 milliards d’euros au 31 décembre 2022.
Si le pouvoir (et les banques et assurances privées) lorgnent (et continueront de lorgner) sur ce « magot », le premier chantage a fonctionné : la CGT a signé l’accord un pistolet sur la tempe, sous la menace de la ponction du régime de retraite.
Preuve que céder à un maître chanteur n’est jamais bon : un second chantage pointe déjà le bout de son nez. Ainsi, peu après la signature de l’accord par les syndicats et les organisations patronales (à l’exception de la Confédération des petites et moyennes entreprises (CPME) et de l’Union des entreprises de proximité (U2P), le ministre délégué aux comptes publics, a, « en même temps », affirmé que le gouvernement n’avait plus l’intention, « à ce stade », d’imposer une participation financière à l’Agirc-Arrco mais que cette décision était conditionnée à l’ouverture de discussions entre syndicats et patronat pour aider à la revalorisation de certaines pensions.
Le Medef n’a d’ailleurs pas tardé à répondre positivement au gouvernement et, pour preuve de sa démarche constructive (défense de rire) invoqué… l’accord national interprofessionnel (ANI) que le patronat et les syndicats, CGT compris, ont conclu, le 5 octobre, à propos de la caisse de retraite complémentaire du privé.
Des voix critiques s’élèvent dans la CGT contre la signature de l’accord
Des organisations de la CGT se sont indignées de cet accord, à l’image de l’Union confédérale des retraités, de la FNIC CGT, ou encore de l’UL CGT de Saint-Herblain, en Loire-Atlantique.
« On ne peut tourner la page sans s’interroger sur les difficultés à comprendre le changement de stratégie, sous l’impulsion de bureau confédéral, alors tous les écrits et prises de positions de la délégation démontrent que le contenu de cet accord ne répond pas aux revendications défendues par la CGT et bien souvent en accord avec les autres organisations syndicales », explique ainsi l’UCR CGT dans une lettre adressée au Bureau confédéral CGT.
« Ce qui est le plus important avec cet accord, dans la continuité des accords précédents et de l’accord de base de 2017, c’est la politique d’abaissement du taux de rendement de la retraite pour les générations futures, dès 2024. » explique l’UCR CGT, ajoutant : « Pour la première fois, cet accord va se traduire par un taux de rendement en dessous de 5 %, alors qu’il se situe à 7,43 % en 2021. Cette chute touchera encore plus les cadres, les poussant vers la capitalisation, comme le revendique le Medef. »
« L’Agirc-Arrco, caisse de retraite complémentaire, est le « cheval de Troie » d’une vision du patronat et du gouvernement qui vise à imposer un système de retraite à points, comme avec la tentative de réforme en 2019 que la CGT a combattue et a réussi à imposer son retrait. Passage nécessaire pour ouvrir à la capitalisation comme le suggère le COR « pour ceux qui peuvent ». », affirme encore l’Union Confédérale des Retraités CGT.
Dans un communiqué, la Fédération nationale des Industries chimiques CGT a également déclaré se « désolidariser totalement » de la signature de l’accord par la direction confédérale de la CGT. La FNIC CGT juge cet accord « contraire aux intérêts immédiats et à long terme des retraités comme des actifs » et note : « c’est la seconde fois cette année après avoir validé l’ANI sur les ATMP, que la CGT engage sa signature sur un accord que nous considérons comme rétrograde ».
Pour la FNIC CGT, cette décision est « le choix du pire ». « Le prétexte invoqué est qu’avec un accord unanime, le gouvernement n’osera pas ponctionner les réserves de l’AGIRC-ARRCO. », relève la FNIC CGT qui pointe du doigt les illusions entretenues et rappelle comment « les gouvernements, celui-ci comme les précédents, ont su tirer parti de la validation par la CGT, de certains accords pour entraver l’activité syndicale, comme celui de 2008 sur la représentativité, que la FNIC-CGT avait aussi dénoncé. »
La Fédération « réaffirme que l’ANI AGIRC-ARRCO signé en 2023 ne répond en rien aux besoins et attentes des salariés, que la réforme des retraites mise en place en septembre est toujours inacceptable. » « Dans ces conditions, notre Fédération continuera à appeler ses syndicats à se battre pour un retour à la retraite à 60 ans après 37,5 ans de cotisations, pour une anticipation au départ à 55 ans pour les métiers pénibles, pour un taux de remplacement à 75 % quel que soit l’emploi occupé, et pour une indexation des pensions sur les salaires. » poursuit et rappelle encore la FNIC CGT.
La FNIC CGT tire ainsi un « bilan très négatif » du contenu de l’accord. « Le texte, qui a débouché des discussions, n’est pas moins régressif que les précédents, que la CGT avait alors refusé de signer » explique la Fédération avant de lister
– « le nouveau texte entérine le cumul emploi-retraite.
– La baisse du taux de remplacement des retraites complémentaires se poursuit, entre une valeur d’achat du point qui augmente et une valeur de liquidation qui ne suit pas.
– Le pouvoir d’achat des retraités continue de baisser avec une revalorisation à + 4,9 %, bien inférieure à l’inflation officielle.
– Pas de nouveau mécanisme de solidarité pour les petites pensions liées aux carrières hachées.
– Seul point positif : la fin de la décote de 10 %, mais sans effet rétroactif sur celles et ceux ayant déjà liquidé leur retraite. »
Les signatures des accords rétrogrades par la CGT et surtout l’absence de mobilisation confédérale pour engager la bataille des salaires à l’échelle nationale (par exemple avec la revendication « universelle » de l’indexation des salaire/pensions/allocations sur l’inflation) posent de très sérieux questionnements quant à la stratégie de la direction confédérale, quelques mois après le 53e Congrès de la CGT et la défaite du mouvement social contre ce même pouvoir qui écrase nos droits et pratique le chantage permanent comme mode de gouvernance.