Crise des réfugiés : le PAME dénonce le nationalisme et la xénophobie, et prône la solidarité de classe

George Perros, président du secrétariat exécutif du PAME, a répondu aux questions du journal tuc en ligne SoL à propos des mouvements de réfugiés provoqués par l’intervention de l’armée turques en Syrie et l’ouverture des frontières entre l’UE et la Turquie par le gouvernement AKP qui utilise les migrants comme un moyen de pression et de négociation avec l’Union européenne.

Georges Perros s’est exprimé sur la répression en Grèce, la promotion du nationalisme, et les positions et propositions du PAME et de la classe ouvrière grecque. Selon le dirigeant syndicaliste grec, l’UE, l’OTAN et le gouvernement grec soutiennent l’intervention impérialiste de la bourgeoisie turque en Syrie.

La construction de nouveaux camps de réfugiés dans les îles de la mer Égée la semaine dernière a déclenché des manifestations. Quelle est la position du PAME sur la construction de ces nouveaux camps, et comment évaluez-vous les réactions de la population à ce sujet ?

En Grèce, l’actuel gouvernement [de droite] a tenté d’approfondir l’accord conjoint UE-Turquie sur les réfugiés, qui a été signé par le précédent gouvernement [de gauche] SYRIZA. Cette nouvelle étape s’est matérialisée autour de la construction de nouveaux « camps de concentration » permanents pour les réfugiés- migrants, ce qui permettrait de transformer définitivement la Grèce en un vaste « entrepôt » de personnes, sans pour autant permettre [aux réfugiés] de se déplacer vers leur pays de destination finale. De cette façon, ils divisent les familles, les font souffrir et survivre dans des conditions misérables, tandis que dans le même temps, ils alourdissent la situation des habitants des îles car il n’y a pas d’infrastructures.

Les gouvernements grecs [successifs] tentent de cacher leurs responsabilités dans le soutien accordées aux politiques et interventions impérialistes UE-OTAN qui provoquent l’exil de millions de personnes. Avec leurs mesures qui répriment et piègent les réfugiés, ils encouragent le nationalisme, le racisme et la xénophobie.

Les mobilisations massives contre les « camps de concentration » et en faveur de la libération des réfugiés prisonniers sur les îles, ont démontré ces derniers jours le pouvoir de la mobilisation populaire. Ces mobilisations montrent que la seule solution pour les peuples et pour les réfugiés est de lutter contre la politique des organisations impérialistes et des gouvernements bourgeois qui jettent les réfugiés dans la misère et attaquent les populations locales.

Notre position et nos revendications :

  • Suppression du règlement de Dublin et de l’accord conjoint UE-Turquie
  • Fermeture de tous les camps de concentration de réfugiés [également appelés « hot spots »] dans les îles de la mer Égée, aucune création de nouveaux camps, « fermés » ou « ouverts. »
  • Libération immédiate des réfugiés prisonniers sur les îles, et mise en place de procédures accélérées pour leur permettre d’atteindre leur pays de destination.
  • Organisation par l’UE et l’ONU des procédures d’asile à l’intérieur de la Turquie et aux frontières turques avec la Grèce et la Syrie, organisation par l’UE et l’ONU des déplacements des réfugiés jusqu’à leur pays de destination. Cette mesure peut soutenir le droit des réfugiés à la protection en vertu des conventions internationales.

Le gouvernement grec utilise des méthodes musclées pour réprimer les réfugiés et les demandeurs d’asile à la frontière tandis que les forces FRONTEX de l’UE sont désormais impliquées. A quoi vous attendez vous dans les prochains jours, et selon vous, à quoi mèneront toutes ces mesures ?

À la suite du règlement de Dublin, le gouvernement grec s’est engagé à faire de notre pays une prison de l’UE dans laquelle seraient enfermés les réfugiés. Dans le même temps, la présence de FRONTEX à la frontière grecque signifie que des troupes étrangères seront également présentes sur notre territoire. C’est une évolution dangereuse qui peut entraîner de plus grandes menaces, alors même que sur le terrain, Frontex ne jouera aucun rôle dans la résolution de la question des réfugiés, comme cela a déjà été démontré par la présence précédente de l’OTAN-FRONTEX en mer Égée. La situation deviendra en réalité plus complexe.

Ces mesures entraîneront un problème plus grave en Grèce. [Entre autres,] la légalisation des positions et actes réactionnaires ainsi que des forces et des mentalités d’extrême droite, un soutien beaucoup plus actif aux interventions impérialistes dans la région, de l’UE et de l’OTAN, mais aussi de la bourgeoisie turque. Dans le même temps, la répression s’intensifiera tandis que l’on assistera à une détérioration de la situation des habitants des îles.

Le plus inquiétant est que l’UE, l’OTAN et le gouvernement grec soutiennent l’intervention impérialiste de la bourgeoisie turque en Syrie. Lors d’un récent sommet des ambassadeurs de l’OTAN, le Premier ministre grec a donné son feu vert à l’invasion [de la Syrie] par le gouvernement d’Erdogan en échange de la mise en œuvre de l’accord conjoint UE-Turquie. Autrement dit, [les gouvernants grecs] acceptent l’attitude agressive de la bourgeoisie turque au détriment des droits souverains d’autres pays. Ils acceptent la violation des traités relatifs aux frontières. Les conséquences [de ces politiques] seront à nouveau payées par le peuple syrien, turc et grec.

Depuis sa fondation, le PAME lutte contre les attaques visant à diviser la classe ouvrière. Quel est le sentiment général des travailleurs de Grèce, en particulier ceux des îles et des régions frontalières à l’égard des réfugiés, face aux récents développements ?

Le PAME, les syndicats de classe, mais aussi des milliers de travailleurs dans toute la Grèce, – malgré la crise qui dure depuis dix ans et les conséquences des politiques anti-populaires – ont été et continueront d’être fermement du côté des réfugiés et des immigrants. En ciblant les réfugiés et les migrants, qui sont les victimes de leurs politiques, les gouvernements grecs et d’autres forces politiques bourgeoises, avec l’aide des médias, tentent de cacher leurs propres responsabilités, à la fois en ce qui concerne la misère du peuple grec, mais aussi en ce qui concerne le soutien aux interventions OTAN-UE et aux opérations impérialistes. Surtout, le gouvernement essaie de [faire accepter] sa politique inhumaine et dangereuse [vis-à-vis des réfugiés] en parlant « d’invasion » et en utilisant des arguments nationalistes et xénophobes.

Les syndicats de classe en Grèce répondent par une action et une mobilisation de masse sur tous les lieux de travail. Nous informons les travailleurs, nous formulons une réponse et nous nous mobilisons contre la politique du gouvernement qui cible les réfugiés mais prépare également une loi contre l’organisation des travailleurs, contre les manifestations et les luttes des travailleurs, qu’ils soient grecs ou migrants. Le retrait des forces de police anti-émeute hors des îles, (obtenu par la lutte et le tollé général suscité par la décision gouvernementale) et les obstacles rencontrés par le gouvernement dans la mise en œuvre de ses plans, sont un premier et important succès du soulèvement populaire à Lesbos et à Chios. La lutte doit maintenant s’intensifier contre le gouvernement qui, bien qu’il soit acculé et forcé de manœuvrer, souhaite poursuivre ses objectifs d’encagement [des migrants] et de construction de nouvelles structures fermées sur les îles.

Quels types d’actions de solidarité avez-vous organisé pour les réfugiés ? Compte tenu du discours nationaliste et répressif du gouvernement, comment ces actions ont-elles été perçues ? Avez-vous été confronté à la répression au cours de ces actions ?

Au cours des dernières années, le PAME et les syndicats ont pris une multitude d’initiatives et d’actions de solidarité. Nous avons développé un vaste réseau de solidarité, d’assistance matérielle aux réfugiés. Malgré les difficultés financières des travailleurs grecs, les syndicats ont remis des vêtements, des médicaments, de la nourriture, des livres et des jouets aux camps de réfugiés. Les syndicats ont continué de visiter les camps et ont poursuivi l’organisation de rassemblements et de manifestations [pour obliger] les agences et les ministères à améliorer les conditions de logements, de soins de santé et de traitement des demandes des réfugiés. Les syndicats ont également exprimé leur solidarité en organisant des événements culturels, des actions communes, des célébrations.

A cause de cette solidarité, le PAME a toujours été la cible des gouvernements, des patrons et des fascistes. Outre les attaques meurtrières des nazis de l’Aube dorée, la répression contre la mobilisation populaire dans les îles a été une nouvelle illustration de cette politique. Les arrestations de syndicalistes, de militants, d’étudiants etc… prouvent que la politique anti-ouvrière des gouvernements bourgeois est une attaque aussi bien dirigée contre les locaux que contre les migrants.

Enfin, et alors qu’on assiste à des provocations et des tentatives pour accroître l’hostilité entre les peuples de Grèce et de Turquie, avez-vous un message à adresser à la classe ouvrière turque ?

Les bourgeoisies de Grèce et de Turquie, avec leurs gouvernements et leurs médias [respectifs], cultivent le nationalisme et l’hostilité entre les peuples, tout en organisant une grande réunion d’hommes d’affaires à Thessalonique, en Grèce, pour développer leurs relations économiques. Rien que cela prouve à quel point ils sont tous hypocrites lorsqu’ils parlent d’ « unité nationale ».

Les entreprises des deux pays collaborent contre les travailleurs, réduisent nos salaires, nous licencient et nous conduisent à la pauvreté. Dans le même temps, les gouvernements de la Grèce et de la Turquie participent conjointement aux interventions de l’OTAN et de l’impérialisme, privatisent les services sociaux, attaquent et emprisonnent les travailleurs qui revendiquent leurs droits.

La classe ouvrière grecque est née et a grandi avec les mêmes difficultés et espoirs que les travailleurs turcs. L’ouvrier grec n’est pas opposé à l’ouvrier turc. Au contraire, nous avons un adversaire commun, le capitalisme qui, pour le profit des patrons, nous détruit et nous prive de notre vie et de notre avenir, donne naissance aux guerres impérialistes, à la pauvreté et aux réfugiés.

[Travailleurs de Grèce et de Turquie], nous sommes unis dans la lutte pour un monde sans exploitation parce que nous sommes unis par notre combat commun pour le pain, le travail, la paix et la prospérité, pour que nos enfants vivent dans un monde meilleur, sans pauvreté, sans guerres et sans réfugiés.

Le PAME, les syndicats de classe grecs, lanceront bientôt de nouvelles initiatives d’amitié et de solidarité avec les travailleurs et le peuple turcs, contre le nationalisme et les plans dangereux des impérialistes.

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