Livraison à domicile, coronavirus et patronat : un coursier à vélo témoigne

Les livreurs à vélo et les coursiers sont-ils de la chair à patron pour Uber, Deliveroo, l’Elysée ou l’Assemblée nationale ? Alors que les cas de contamination de ces travailleurs se multiplient, nous avons recueilli le témoignage d’un coursier à vélo, syndiqué à la CGT.

Peux-tu te présenter brièvement ?

Pablo, 21 ans, livreur depuis plus d’un an et demi sur Uber et Deliveroo. Militant au syndicat CGT des coursiers de Lyon.

Quelle est la situation vécue par les livreurs depuis les annonces de confinement ?

Depuis le confinement, les livreurs ont appris qu’ils devraient continuer de travailler, puisque les plateformes ont décidé de maintenir leur activité de livraison. Pourtant, la plupart des restaurants ont même fermé leurs services de livraison. La conséquence, c’est qu’on se met en danger pour très peu d’argent finalement, puisqu’il n’y a plus de travail malgré les offres des plateformes pour que les gens commandent. La plupart du temps, il s’agit d’une seule pizza, d’un seul burger, d’une seule bouteille d’alcool, etc… étant donné que les frais de livraison sont offerts.

Le gouvernement a annoncé qu’il aiderait les travailleurs au statut d’indépendant. Les conditions d’accès à cette aide sont beaucoup trop restrictives pour que les livreurs puissent y prétendre. Tant que les plateformes n’arrêteront pas totalement leur activité, ils refuseront de nous indemniser. En  plus de ça, ils semblent avoir diminué le prix des commandes depuis le confinement. Comme en Italie, le gouvernement et les plateformes risquent de continuer à contraindre les livreurs à travailler, ce malgré un confinement total.

 Les livreurs sont-ils, eux aussi, en première ligne dans cette crise sanitaire et économique ?

Malheureusement oui, dans le sens où nous nous exposons à des risques sanitaires certains. Comme je disais plus tôt, les plateformes nous forcent à travailler en profitant de notre précarité (pas de droit au chômage, revenus de plus en plus faibles, pas de sécurité de l’emploi, etc.). Tout ceci sans matériel sanitaire, étant donné qu’ils prétextent que la livraison ne présente aucun risque pour la santé des travailleurs comme des clients. Pourtant, les premiers diagnostics de coronavirus chez des livreurs nous sont remontés, et depuis plusieurs jours on voit des livreurs se plaindre de fièvre, toux, etc.

Le gouvernement a exigé que la livraison se fasse “sans contact”. La réalité est toute autre ; le restaurateur remet la commande en mains propres au livreur, le client touche le sac du livreur (qu’on ne peut pas désinfecter à chaque livraison), et le livreur quant à lui est amené à toucher interphones, poignées de porte, etc. Sans compter les scènes qui se multiplient de livreurs qui s’entassent devant les seuls restaurants ouverts. En bref, la livraison “sans contact” est une fumisterie qui permet aux plateformes de convaincre les gens de commander pendant la crise sanitaire, donc de maintenir leurs profits.

Quelles sont les revendications du syndicat face à cette situation ?

Avant le confinement, nous étions déjà en grève contre la baisse de nos rémunérations. Depuis le début de la crise sanitaire et du confinement, nous avons pour revendication principale l’arrêt immédiat des plateformes et l’indemnisation de l’ensemble des livreurs à 100% du revenu habituel. Nous avons appelé à la grève vendredi dernier ; un appel relayé par les autres syndicats CGT de coursiers, qui a été plutôt bien suivi dans toute la France.

La politique des plateformes de maintien de l’activité est criminelle : est-il besoin de rappeler aux plateformes qu’un livreur est en contact avec des dizaines de personnes chaque jour ?

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