Pour gagner la guerre sociale, il faut une stratégie syndicale offensive !

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« Jamais nous ne tolérerons que soit rogné un seul des avantages de la Sécurité Sociale. Nous la défendrons à en mourir et avec la dernière énergie, cette loi humaine et de progrès. »  Ambroise Croizat, militant CGT, résistant, déporté, ministre du travail à la Libération et fondateur de la Sécurité sociale.

Disons-le franchement, la mise en débat de la perspective de la grève du 5 décembre dans les syndicats CGT, la base de l’organisation, a eu un effet boule de neige, entrainant des fédérations CGT entières, comme celles des services publics, ainsi que des UD, comme celle du 95, à se positionner avec force en faveur de la grève interprofessionnelle.

Cet enchainement des communiqués et positions publiques en faveur de la mise en débat de la grève reconductible a certainement eu un effet accélérateur conduisant d’autres structures CGT, et la Confédération elle-même, à transformer la journée du 5 décembre en grève générale interprofessionnelle.

En tout état de cause, cette puissante lame de fond a permis l’affirmation, par le débat, et par les cégétistes eux-mêmes, du rôle fondamental que la CGT doit jouer dans la mobilisation sociale contre la réforme des retraites. Et c’est bien ce mandat de la base qui a conduit le secrétaire général de la CGT à dire partout sur les ondes que les Syndicats CGT devaient poser la question de la grève reconductible dans toutes les entreprises.

L’appel du CCN de la CGT donne le tempo : à partir du 5 décembre on bloque tout !

« Le CCN de la CGT appelle l’ensemble des travailleurs/travailleuses, des privés d’emplois, des retraités et la jeunesse à se mobiliser partout en France, par la grève, la mobilisation et la participation aux manifestations, le 5 décembre prochain”

La convergence des mobilisations sociales est une nécessité pour gagner sur les revendications. […] Les mobilisations et grèves du 5 décembre porteront l’exigence du rejet « en bloc » du projet gouvernemental de réforme des retraites. »

D’ici le 5 décembre, le CCN de la CGT appelle à poursuivre la construction de l‘action par la tenue d’Assemblées Générales dans les entreprises, les services publics et les administrations, pour que les salariés et agents décident, sur la base de leurs revendications, et dans l’unité, des modalités des actions, de la grève, de sa reconduction pour un mouvement qui s’inscrit dans la durée afin de gagner le progrès social. 

Il faut développer un plan de bataille CGT…

La CGT n’est pas la somme des structures additionnées les unes aux autres, mais bien le regroupement de tous les travailleurs dans une seule structure confédérée, via leurs organisations professionnelles et territoriales.

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Avec la réforme des retraites, ce qui est en jeu nous concerne tous. Ce n’est donc que tous ensemble que nous y parviendrons. Mais, cela ne suffit pas. Nous avons tous besoin d’un plan de bataille CGT, d’une stratégie CGT au service d’un projet CGT de salut de la retraite par répartition et de notre Sécurité Sociale, et non de pseudos dialogues sociaux inutiles, inefficaces et démobilisateurs.

A l’image de la lutte victorieuse menée en 2006 contre le Contrat Première Embauche (CPE), cette stratégie syndicale pourrait, par exemple, s’articuler autour d’une grève reconductible pour paralyser des secteurs structurants de l’économie (transport, pétrochimie, énergie, enseignement, propreté…), de blocages de la production, d’appels à la grève générale et aux manifestations interprofessionnelles et intergénérationnelles (avec les jeunes et les retraités) dans tout le pays, au moins deux fois par semaine, par exemple chaque mardi et samedi.

Cette stratégie offensive serait d’autant plus forte qu’elle pourrait facilement s’appuyer sur le formidable maillage territorial que représentent nos Unions départementales et nos Unions locales. Cette stratégie offensive permettrait également la jonction avec les organisations de jeunesse, les associations et les Gilets Jaunes progressistes, avec lesquels un certain nombre d’organisations de la CGT avaient déjà organisé la manifestation nationale à Paris le 27 avril dernier, regroupant 30 000 personnes.

… et faire progresser les rapports de force dans tout le pays et au sein de chaque boîte

Chacun peut comprendre qu’une pression globale effectuée sur le gouvernement et le patronat peut encourager le développement de revendications sectorielles, permettant de faire progresser à la fois de rapport de force sectoriel, et le rapport de force global.

Car au-delà de la question de la stratégie, doit se poser la question des contenus revendicatif. Nous devons éviter les pièges tendus par le gouvernement. D’abord, la tentative de réduire le 5 décembre à une bataille pour la défense des « régimes spéciaux », type SNCF ou RATP, car c’est bien l’ensemble des régimes de retraites par répartition qui est attaqué, et avant tout le régime général ! D’où l’importance de la confédéralisation, et de l’interprofessionalisation, de cette lutte.

On voit bien d’ailleurs, les tentatives de déminage du gouvernement, envers les cheminots à travers la « clause du grand-père » visant à démobiliser les cheminots, pour les empêcher d’être la locomotive d’un mouvement interprofessionnel.

Il faut aussi mettre en avant nos propositions, notre projet CGT de salut des retraites par répartition et de la Sécurité sociale intégrale, et poser, après le préalable du retrait du projet Macron/Delevoye, nos revendications CGT, comme le retour aux 60 ans maximum, la prise en compte de la pénibilité, le retour aux 37,5 annuités mais aussi la hausse des cotisations patronales, la hausse des salaires et des pensions et le plein emploi par réduction du temps de travail avec le maintien des salaires, ceci pour assurer le financement de nos caisses.

Construire la grève générale reconductible pour gagner sur TOUS les tableaux

Enfin, il faut sortir du faux débat « corporatisme vs interpro », car les revendications catégorielles nourrissent aussi la mobilisation « tous ensemble », en faisant monter le niveau de combativité dans chaque secteur. Il ne faut pas avoir peur de l’expression des revendications professionnelles, l’important c’est que notre confédération mette en avant les revendications communes sur la question des retraites, et qu’elles soient portées par chaque organisation, afin de lutter tous ensemble avec des contenus communs.

Il est évident qu’une victoire commune sur le dossier des retraites, donnera à chaque organisation professionnelle CGT l’ascendant et la dynamique pour gagner localement sur ses revendications propres !

Le CCN de la CGT rappelle d’ailleurs : « Si la loi contraint le secteur public et les services publics à la pose de préavis de grèves et/ou de déclarations préalables, il n’en est rien pour les salariés du secteur privé qui peuvent librement cesser le travail, s’organiser et participer aux manifestations. »

L’appel du CCN de la CGT conclu ainsi : « Ce combat [pour nos retraites] est celui de toutes et tous, car ce projet de réforme est l’incarnation d’un choix de société où les solidarités laissent la place au « chacun pour soi » où l’insécurité sociale l’emporterait sur notre sécurité sociale. »

La construction de la grève générale du 5 décembre et de ses suites est donc entre les mains des travailleurs du pays, actifs comme retraités, avec ou sans emplois, et à personne d’autre. C’est bien aux travailleurs de prendre conscience qu’il n’y aura pas de retour en arrière une fois la réforme des retraites promulguée. C’est à eux de se prendre en mains et de prendre en mains leur outil de lutte de classe et de masse historique pour y arriver, la Confédération Général du Travail.

C’est maintenant ou jamais !