Le « déconfinement » approche à petits pas, même si en réalité des millions de travailleurs n’ont jamais cessé de travailler, directement dans l’entreprise ou en télétravail. Il y a urgence à déconfiner nos outils syndicaux, à reprendre la rue, à l’image de nos camarades du CHU de Toulouse. Nous avons besoin d’un syndicalisme confédéral offensif qui ne soit plus passif, mais actif.
À quelques jours du 11 mai, quelques réflexions sur la situation :
Un déconfinement économique sans déconfinement politique est inimaginable. Pourtant, nous y sommes déjà, l’Etat d’urgence sanitaire ayant été décrété jusqu’au 24 juillet. Tandis que les possédants accélèrent leurs offensives et lancent des ballons d’essais, via l’Institut Montaigne, pour supprimer nos congés et nous faire travailler plus longtemps, nos droits et libertés sont maintenus sous une chappe de plomb, avec le blanc-seing de la majorité des parlementaires.
Une passivité générale a été imposée à notre peuple et à notre classe par le pouvoir qui a su jouer sur un habile mélange de peur, de moralisation, d’infantilisation et de répression policière brutale. Macron aurait cependant tort de ne pas se méfier de l’eau qui dort.
Depuis le début de la crise, les scandales s’accumulent. Entre l’amateurisme criminel du gouvernement le plus illégitime de la 5e République, le scandale des masques, des tests et des respirateurs médicaux, la cupidité des grands groupes industriels et de la grande distribution, l’extension d’un Etat d’urgence interdisant le droit de réunion et de manifestation, la violation des libertés fondamentales et du secret médical individuel, la liste est longue et continue de s’allonger de jour en jour.
Des millions de Français basculent ou basculeront dans la précarité, la faim, la misère. On voudrait nous présenter cette situation comme « logique » et « inévitable ». Rien n’est plus faux. Ce sont les choix politiques et économiques de la classe au pouvoir qui imposent cet état de fait.
« Manif gestes barrières » du 11 Mai : le grand retour de la lutte dans la rue ?
Déjà, se font entendre des appels à la grève et à la manifestation à partir du 11 Mai. C’est notamment le cas à Toulouse où les syndicats CGT et Sud appellent le personnel hospitalier à manifester à 14 h. Le mot d’ordre de la manifestation est on ne peut plus clair : « #VousNeConfinerezPasNotreColère ». Les syndicats affirment également : « Ni la direction, ni le gouvernement n’ont l’intention de satisfaire les revendications des hospitalier.e.s ».
Reprenant l’exemple de la manifestation « gestes barrières » qui s’est déroulée au CHS du Vinatier à Lyon le 21 avril 2020, les syndicats ont ainsi à leur tour lancé l’opération « Manif gestes barrières » avec le message d’espoir « On peut le faire ! ».
Localement, la CGT exige des masques FFP2 ou FFP3 non périmés ou dégradés pour tous les hospitaliers, l’annulation du COPERMO sur le CHU de Toulouse, l’arrêt du recours aux contrats précaires dans leurs secteurs, les entrées médicalisées de tous les hôpitaux avec questionnaire sur les symptômes, la prise de température, la fourniture d’un masque et de gel, la gratuité des transports publics pour les hospitaliers, la prime de 1500 euros épidémie pour tous les hospitaliers du CHU ajoutée à la prime de service, etc.
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Les syndicats portent également des revendications à l’échelle du pays : la revalorisation des carrières d’au moins 300 euros net supplémentaires mensuels pour tous les hospitaliers et travailleurs sociaux ou aides à domicile, l’embauche immédiate de 100 000 professionnels supplémentaires, une réouverture des 50 000 lits fermés depuis l’arrivée de Macron à l’Elysée, une annulation pure et simple de la dette des hôpitaux, un rétablissement ou la mise en place de la retraite à 55 ans pour tous les personnels des établissements de soin, etc.
L’intelligence collective au service de la lutte : il y a urgence à relancer notre machine CGT toute entière
Le déconfinement a lieu et va sans doute s’accélérer durant le mois de Mai. Il y a donc urgence à un déconfinement syndical immédiat. Il ne fait d’ailleurs aucun doute que la plupart des UL et des UD rouvriront physiquement leurs portes lorsque les masques seront arrivés. C’est même déjà le cas dans certains endroits.
Mais, quel message peut donc bien vouloir envoyer Philippe Martinez lorsqu’il explique à Ouest France, « non, la CGT ne reprend pas [ses activités] » tant que les masques commandés par la Confédération ne sont pas livrés ? Non seulement cette déclaration ne prend pas en compte l’activité déjà effectuée par des syndicats de site pour protéger les salariés face à la maladie et contre le patron, mais elle envoie surtout un message inacceptable de passivité et d’appel à l’inertie.
Nous l’avions écrit pour le 1er Mai, nous le répétons ici : le « jour d’après » c’est maintenant. Les grandes et doctes phrases sur les « lendemains qui chantent » ne sont que poudre de perlimpinpin et rentrent et rentreront de plus en plus en contradiction avec les aspirations profondes et immédiates de pans énormes de la population.
Conditionnés à un « après-confinement », ces phrases creuses témoignent en réalité de l’acceptation de la passivité comme un impératif présenté comme malheureux mais nécessaire. C’est un piège dans lequel les syndicats et les partis politiques se sont eux-mêmes enfermés lorsqu’ils ont accepté de ne débattre uniquement que du caractère sanitaire d’une crise dont on voyait bien qu’elle dépassait de loin ce simple cadre.
L’intelligence collective, tant en période de crise qu’en période « normale », est pourtant une réalité. C’est d’ailleurs cette force de la classe ouvrière qui a permis, entre autres, au syndicat de classe PAME en Grèce, à la CGTP au Portugal, au DISK en Turquie, au KASBI en Indonésie, de maintenir leurs activés durant la crise, de maintenir leurs démonstrations du 1er Mai tout en les adaptant à la situation nouvelle et d’envoyer des messages de combativité à l’ensemble des travailleurs.
Le déconfinement syndical peut être lié à des questions matérielles (masques et gel notamment), mais il s’agit avant tout d’une question de volonté politique. Nous avons plus que jamais besoin d’un syndicalisme confédéral offensif et articulé autour de propositions revendicatives concrètes et de mots d’ordre clairs (droit de retrait généralisé, appel à la grève) qui ont cruellement fait défaut, à l’échelle du pays, durant ce confinement forcé.
Nous ne gagnerons rien si nous ne conditionnons pas le déconfinement économique au déconfinement politique et la fin de l’Etat d’urgence, si nous ne conditionnons pas le déconfinement à la protection sanitaire maximale (masques gratuits notamment) et à la protection sociale de l’ensemble des travailleurs.
Nous ne gagnerons rien si nous ne mettons pas en avant des propositions revendicatives claires et les moyens concrets pour y parvenir : le droit de retrait, la grève, la manifestation.