A Emmaüs, la grève et la solidarité contre l’esclavage
Dans le Nord, la grève exemplaire des travailleurs sans papiers d’Emmaüs fait tache d’huile. En début de semaine les compagnons grévistes de la Halte Saint-Jean à Saint-André-lez-Lille, en grève depuis près de deux mois, ont ainsi été rejoints par une quarantaine d’autres compagnons de l’antenne Emmaüs de Grande-Synthe, eux aussi en situation irrégulière, et désormais en grève illimitée.
Fers de lance de la mobilisation, les compagnons en grève de la Halte Saint Jean dénoncent des conditions indignes de travail et de vie. Un gréviste relève, au micro, face aux soutiens lors d’une grande manifestation en solidarité et à l’appel de l’UD CGT 59 : « On travaille 40 heures par semaine (…) c’est du travail dissimulé. On ne gagne que 150 euros par mois ». La très mal nommée « économie sociale et solidaire » a accouché d’un monstre : l’exploitation (re)devenue esclavage.
Malgré l’évidence et l’accumulation de preuves et témoignages de faits relevant donc d’une forme particulièrement sournoise d’esclavage, la direction de cette antenne locale d’Emmaüs continue de nier la réalité, et s’enfonce un peu plus chaque jour dans le mensonge. Pourtant, c’est bien l’évidence de la situation qui a forcé l’Etat à annoncer une enquête préliminaire pour « traite d’êtres humains et travail dissimulé », ouverte en mai par le parquet de Lille. Même instinct de survie chez Emmaüs France qui souhaite lancer un audit externe pour gagner du temps et se dépêtrer d’une image locale et nationale de plus en plus négative.
Exploités parmi les exploités, les travailleurs sans papiers ont dit non à un système associatif para-patronal qui broie les individus au bénéfice de petits chefs. C’est un combat pour la dignité et le respect qui se double d’une lutte pour obtenir la régularisation de l’ensemble des travailleurs sans papiers, comme l’exige l’UD CGT 59.
Dans son intervention pour le Comité Sans Papiers 59, Said Bouamama a également rappelé les difficultés organisée par les différents gouvernements successifs pour rendre intenable voire impossible les régularisations de sans-papiers, même quand ces derniers recevaient un salaire et payaient leurs impôts en France. Après avoir rappelé le caractère politique et économique de la surexploitation de travailleurs sans papiers, exclus des droits politiques et sociaux, Said Bouamama a caractérisé la situation vécue par les travailleurs, expliquant : « ça n’est rien d’autre que la réinvention, au 21e siècle, de règles et pratiques esclavagistes. […] Ces salariés, par peur de perdre leur logement, sont contraints de travailler 40 heures par semaine, pour 150 euros en fin de mois ».
« Ce qui est en jeu, c’est de comprendre que si nous laissons ces pratiques se mettre en place, c’est l’ensemble des travailleurs de ce pays qui seront tirés par le bas. […] Soutenir les Sans-papiers, c’est soutenir l’ensemble des travailleurs ».
Cette grève est donc aussi un combat pour l’unité de la classe ouvrière. Comme le rappelait un dirigeant de l’UD CGT 59 au cours de la manifestation : « les compagnons sont des travailleurs, point. C’est pourquoi les soutenir, depuis le début et jusqu’à la victoire, est une évidence pour l’Union départementales des syndicats CGT du Nord et pour l’ensemble de la CGT ». « Cette lutte organisée s’inscrit au cœur des résistances contre le capitalisme, mais aussi contre l’impérialisme, contre le colonialisme ».
A Vertbaudet, Emmaüs, ou encore Valdunes, la lutte des classes s’amplifie dans le Nord. Dans ce département, comme ailleurs, le rôle de la CGT est bien de défendre, côte à côte et avec les travailleurs, les intérêts de l’ensemble de la classe ouvrière, riche de sa pluralité et dont l’unité doit être recherchée, conservée et revendiquée.