LIBERTÉS SYNDICALES : RENDRE COUP POUR COUP

Surveillance généralisée, intimidations verbale et physique, remise en cause du droit de grève, sanctions disciplinaires et salariales, répressions syndicales… le patronat et ses supplétifs au gouvernement comme dans les territoires s’accordent pour remettre en cause nos libertés syndicales et nos droits.

La surveillance globale dans l’entreprise. Dans leurs luttes les travailleurs et les travailleuses font face à une violence, patronale et policière, de plus en plus aiguë. Cette violence n’est pas toujours déclenchée pour briser un mouvement, parfois elle est utilisée à titre préventive. L’exemple le plus emblématique reste la filiale française d’Ikea qui a été condamnée avec l’un de ses anciens PDG à un million d’euros d’amende et à de la prison avec sursis en juin 2021, suite à une action juridique de la Fédération CGT du Commerce, pour avoir espionné plusieurs centaines de salariés pendant des années. Cette affaire avait révélé les pratiques mafieuses des patrons d’Ikea France qui s’étaient illégalement renseignés sur les antécédents judiciaires, le train de vie ou le patrimoine de ses salariées via une société “en conseil des affaires” Eirpace, qui aurait pioché ces données confidentielles dans des fichiers de police.

Si de nombreuses entreprises n’ont pas les moyens nécessaires pour mettre en place un tel réseau de surveillance des travailleuses et des travailleurs, notamment celles et ceux qui sont syndiqués, le recourt à la vidéosurveillance des locaux par les employeurs n’est pas sans danger. Ainsi de nombreuses élues et de nombreux élus se font littéralement épier par les patrons et leurs larbins sur leur lieu de travail. À titre d’exemple, dans un supermarché Leclerc, la direction reproche à une militante syndicaliste, par ailleurs élue, de prendre des pauses trop longues. Ces pauses, depuis le poste de travail jusqu’à la machine à café, ont été minutées par le patron à l’aide des caméras (bien qu’il prétende le contraire) et retirées sur la paie de l’élue. Un autre exemple : les caméras-espions dans les locaux de la CGT Energie Paris. Dans les années à venir il est certain que la lutte contre le recourt patronal à la vidéosurveillance va devenir un enjeu majeur de défense des libertés syndicales sur tous les lieux de travail.

Cette fuite en avant est largement cautionnée par le gouvernement qui fait de même. Ainsi la loi dite de « Sécurité globale » a largement renforcé les prérogatives des forces de l’ordre, notamment par le recourt aux drones ou aux caméras piétons. La mise en place de la vidéosurveillance dite « algorithmique » (VSA) à Marseille, à Nîmes, à Toulouse ou encore dans le réseau RATP, illustre le changement d’échelle et entraîne la criminalisation de comportements jusqu’alors anodins ou presque. En dehors de tout contrôle démocratique et citoyen, mais avec l’appui de la CNIL et de l’État, la VSA semble en passe de se déployer sur l’ensemble du territoire. Les industriels de la sécurité numérique se frottent les mains tandis que nos libertés sont plus que jamais sous surveillance…

Une remise en cause inédite du droit de grève. Là encore, en pleine mobilisation des retraites, c’est l’État via ses réquisitions, notamment contre des ouvriers du pétrole, qui légitime la casse du droit de grève. Ainsi le Tribunal de Rouen a donné raison le 6 avril dernier à la FNIC CGT qui avait déposé un référé contre des réquisition à la raffinerie TotalEnergies de Normandie. Si l’État a été condamné, l’important pour lui était bien à ce moment d’endiguer les pénuries de carburants en Île-de-France et dans les aéroports. Seules, les puissantes mobilisations locales impulsées par la CGT, avec l’interpro, pour défendre les travailleurs et s’opposer, « par tous moyens », aux réquisitions, ont démontré que partout où c’était possible, les travailleurs répondraient coup pour coup.

Si cette remise en cause du droit de grève concerne de grosses entreprises, derniers bastions ouvriers où la CGT est très implantée et plus à même de défendre nos libertés, elle touche aussi de plus petite structure. Ainsi à Mâcon (Saône-et-Loire), les travailleurs et travailleuses du laboratoire Synlab ont reçu en mars dernier un avertissement alors qu’ils et qu’elles usaient de leur droit de grève. Comme l’État, cette direction use d’arguments fallacieux pour briser la grève en inventant ici de toute pièce une prévenance individuelle de 24h pour chaque gréviste. Malgré plusieurs rassemblements interprofessionnels devant l’entreprise et l’intervention de l’inspection du travail, le patronat – en roue libre – préfère une condamnation aux prud’hommes que voir des travailleuses et des travailleurs relever la tête. Autres exemples : les multiplications des réquisitions d’ouvriers du pétrole (notamment au dépôt pétrolier de Fos et à la raffinerie Total Normandie ou les raffineries d’Exxon) pour briser les grèves.

La brutalisation de l’action syndicale. Les travailleuses de Verbaudet ont fait face à un exemple typique d’une répression policière aux ordres du patronat. Le lundi 15 mai, deux militants proches de la CGT sont placés en garde à vue pendant plus de 24h pour avoir prétendument « bloqué des marchandises » sur le piquet de Vertbaudet. Le lendemain au petit matin, les forces de l’ordre s’en prennent violemment aux grévistes présents sur le piquet, l’une d’entre a d’ailleurs dû faire un séjour à l’hôpital. Le soir, un délégué syndical CGT du groupe est kidnappé devant chez lui dans une voiture par des individus prétendument policiers. Il est frappé, gazé, volé puis jeté d’un véhicule. Cette expédition punitive est une tentative d’intimidation pour faire taire la CGT et les travailleurs en lutte, faire peur, faire mal pour casser le mouvement. C’est le même mécanisme qui a été utilisé pour briser la grève exemplaire des éboueurs parisiens. Le 16 mars la police a mené une charge des plus violentes contre les travailleurs du dépôt de Pizzorno en grève depuis le 8 mars à Vitry en les gazant et en les agressant, eux et leurs soutiens CGT devant le dépôt de Pizzorno à Vitry, Avec le soutien explicite du gouvernement, la direction de Pizzorno a voulu casser la grève en faisant monter sur Paris des employés de la région de Toulon afin de remplacer les grévistes, au mépris du droit de grève. Ils n’ont aucune honte, et aucune considération pour les travailleurs et les travailleuses.

C’est une constante : plus les luttes s’amplifient, plus le patronat essaie de serrer la vis. Cela se voit dans le Commerce, à Carrefour ou Action, dans l’Energie, notamment à RTE, ou encore dans les industries chimiques. Ce dernier secteur a été particulièrement mobilisé pendant la mobilisation des retraites et avant au moment de la grande grève des raffineries Total et ExxonMobil à l’automne 2022 ou la grève de près d’un mois mené à Sanofi. Pour prévenir toute nouvelle grève le patronat cherche à casser le collectif de travail et briser les syndicalistes. C’est cette stratégie que le groupe japonais Toray, spécialisé dans les fibres de carbone, a décidé de mettre en place en s’attaquant frontalement à la CGT. D’abord en assignant en justice Timothée Esprit, responsable du syndicat CGT, membre de la direction fédérale FNIC et secrétaire général de l’Union locale CGT de Mourenx, puis en mettant en place des procédures de licenciements contre des militants reconnus de la CGT. Pour la FNIC CGT, « la direction de Toray veut faire régner la terreur. » La stratégie de la terreur n’est pas le monopole du secteur privé. Manu Roux, Assistant d’éducation (AED) au Lycée Victor Hugo de Marseille, secrétaire général de l’Union locale CGT de Marseille centre et membre de la direction de l’UD CGT 13, a été licencié ce jeudi 25 mai par le proviseur de l’établissement. Le véritable motif de cette décision est sa détermination sans faille à défendre ses collègues et obtenir de nouveaux droits pour les AED tout en dénonçant les propos racistes et sexistes tenus par le chef d’établissement. Alors que la société capitaliste assigne les travailleurs et les travailleuses au silence et à la corvéabilité, défendre celles et ceux qui se dressent est un devoir pour tout la CGT. 

L’expulsion de la CGT de ses locaux. Châteauroux (Indre), Montauban (Tarn et Garonne), Montluçon (Allier),… la liste des Unions locales et départementales CGT menacées d’expulsion ou expulsées de ses locaux est longue. Depuis 1945, de nombreuses Union locales et départementales de la CGT sont logées à titre gracieux au titre de l’implication active de la CGT dans la résistance face à l’occupant nazi et dans la Libération du pays pendant que le patronat se vautrait dans la collaboration.

La mairie de Montauban, avec l’accord de la justice, veut l’expulsion de l’ensemble des syndicats CGT du Tarn et Garonne de leurs locaux. Le jugement va jusqu’à libérer la mairie de son obligation de relogement tel que prévue dans la loi. Hormis sous le gouvernement de Vichy, cette situation est inédite dans l’histoire du mouvement social, les syndicats CGT se retrouveraient à la rue le 1er avril sans moyens pour se reloger alors que la CGT est la 1ère organisation syndicale du département. Les travailleurs seraient les premières victimes et le patronat les grands vainqueurs de cette attaque sans précédent.

Face à ces offensives patronales : rendre coup pour coup. La journée de défense des libertés syndicales du jeudi 1er juin – à l’appel de la CGT – et ses suites feront vivre la solidarité de classe de l’ensemble des organisations confédérées.  Sur cette thématique en particiluer il s’agit aussi de refaire confédération et de reprendre une lutte offensive pour faire respecter nos droits, nos libertés, nos décisions.

Le code du travail doit redevenir non dérogeable ; le socle de droits interprofessionnels pour tous les salariés du privé. Dans la fonction publique, le statut général des fonctionnaires doit demeurer un socle progressiste qui repose sur les principes d’égalité, d’indépendance et de responsabilité. Le principe de faveur doit être rétabli et constitutionnalisé pour le code du travail et les conventions collectives. Les accords de niveau inférieur doivent donc respecter les clauses des accords de niveau supérieur ou les améliorer. La protection du salarié doit être renforcée, en instaurant la nullité de tous les licenciements illicites, en créant un recours pour suspendre toute mesure de sanction, modification ou rupture du contrat, en créant un droit d’être assisté par un représentant d’une organisation syndicale à propos de toute sanction ou modification des conditions de travail ou d’emploi.

Les droits n’ont d’existence que s’ils peuvent être imposés : il faut une justice gratuite, rapide, accessible et impartiale, avec le pouvoir pour le Conseil de Prud’hommes d’ordonner la réintégration du salarié ou le maintien du contrat. L’élection des Conseillers Prud’hommes au suffrage universel doit être rétablie. La liberté syndicale est un droit fondamental et toutes les atteintes patronales : la discrimination, la répression, entraves ou intimidations, doivent être poursuivies et sanctionnées. L’ensemble des syndiqués doit bénéficier d’heures syndicales afin de pouvoir débattre et s’informer. Les représentants doivent disposer de temps et de moyens pour mener leurs activités.

Chaque travailleur doit pouvoir s’exprimer sur son travail et participer, par l’intermédiaire de ses représentants, à la détermination collective des conditions de travail ainsi qu’à la gestion de son entreprise. Pour cela, il faut instaurer un droit d’expression des salariés qui doivent disposer d’un crédit d’heures pour échanger sur leur travail avec leurs représentants, à travers des conseils d’ateliers ou de services. Les représentants des salariés doivent pouvoir intervenir sur tout projet afin d’apporter d’autres choix plus respectueux de l’emploi, de l’économie, de la vie locale et faire des propositions pour le devenir de l’entreprise et la pérennité de l’activité.

Seule l’action collective et concertée des organisations CGT mettra un terme à l’impunité patronale. Sur l’ensemble de ces dossiers aussi, l’implication de toutes les organisations confédérées, du CCN, de la CEC et du Bureau Confédéral est essentielle.