Ci-dessous l’intervention d’Ali Algul, Délégué Syndical Central CGT Carrefour Hypers. Nous remercions vivement le camarade pour son texte qui permet au plus grand nombre de se faire une idée de la violence sociale du management, des manœuvres et méthodes du patronat dans la grande distribution, notamment de la mise en place puis généralisation de la location-gérance (LG) à Carrefour.
Comment Alexandre Bompard a mis en place un plan social déguisé depuis son arrivée à la tête du groupe Carrefour en 2018 ?
Choisi par les actionnaires pour remplacer Georges Plassat, Bompard devait rapidement mettre en place le projet dit de « redressement du groupe », un plan financier visant le démembrement du groupe pour faciliter la vente des magasins.
La finalité de ce projet imposée par les actionnaires était de réduire les coûts pour augmenter les dividendes. En quatre ans, Bompard devait mettre en place une stratégie pour y arriver, et dès qu’il s’est installé à son poste il a commencé à mettre à exécution son plan par:
- des suppressions massives des postes
- des plans de productivité dans les magasins qui ont considérablement dégradé les conditions du travail des milliers de salariés, comme le projet TOP (pour lequel Carrefour a été condamné)
- une diminution significative des investissements
En quatre ans, le bilan social de ce projet de transformation de Bompard s’est d’abord traduit par une baisse massive des effectifs. En effet, il y avait 114 265 salariés en France lors de l’arrivée d’Alexandre Bompard, et aujourd’hui nous sommes moins de 85 000 salariés.
Reconduit cette année par le conseil d’administration des actionnaires à son poste de PDG du groupe pour les trois années à venir, Bompard accélère son plan de démantèlement du groupe.
Le 8 novembre 2022, le PDG a présenté son nouveau plan stratégique pour les 4 années à venir. Le plan prévoit :
- Une nouvelle réduction d’effectifs sur les sièges
- La poursuite du passage des magasins en franchise et location-gérance
- Plan de réduction des coûts de 4 milliards d’euros à l’horizon 2026
Le projet de la mise en location gérance (LG) n’est pas d’autre chose qu’un plan social déguisé. Car la LG permet la suppression de postes au sein du groupe Carrefour via le transfert des contrats.
Cette stratégie est purement financière, car elle permet également au groupe de générer une économie de rente via le versement d’une redevance. Le groupe a ainsi encaissé :
– 258 000 000 € en 2018
– 280 000 000 € en 2019
– 329 000 000 € en 2020
Cette stratégie court-termiste, comme c’est le cas pour la plupart des grands groupes du CAC 40 d’uniquement satisfaire la voracité des actionnaires en augmentant les dividendes, met pourtant en péril :
- la souveraineté alimentaire du pays, car Carrefour est l’acteur majeur du marché alimentaire du pays. Souvenons-nous qu’Alexandre Bompard, en pleine période de pandémie du COVID en mars 2020 disait, en s’adressant aux salariés de Carrefour : « Vous n’êtes plus seulement Carrefour, vous êtes le service public de l’alimentation »
2) l’emploi, car Carrefour est le premier employeur privé du pays ;
3) La santé physique et mentale de milliers de salariés impactée directement ou indirectement par la suppression de postes, la dégradation des conditions de travail, des salaires au rabais.
Ce projet, voué à démanteler la totalité des parcs des Hypers et des Market pour ne garder que les centrales d’achats et la logistique et n’avoir que pour seul but le profit. Carrefour abandonne son activité principale, pour s’orienter vers une activité purement financière.
Pourtant quand on analyse la situation économique du groupe, on constate qu’il n’y a aucune raison pour que le groupe abandonne son activité principale, c’est à dire la grande distribution. Regardons ces quelques chiffres pour comprendre:
▪ En 2020 Carrefour réalise ses meilleurs résultats depuis 20 ans de +7,8 %, soit 78 milliards d’euros
▪ En 2021, le groupe affiche une solide performance avec un CA en progression de + 11,2 % et une progression de + 4,1 % sur les profits
▪ En 2022 forte progression du chiffre d’affaire avec 7,6 % et 1,21 milliards d’euros de bénéfices
▪ En 223 Carrefour a distribué 450 millions d’euros de dividendes à ses actionnaires et 800 millions d’euros rachat de ses propres action.-
Pour la CGT, ce projet de Location-Gérance est un outil juridique offert par les gouvernements libéraux pour contourner les règles de licenciement économique. En clair c’est un « plan social déguisé ».
Pour notre organisation, seule la lutte engagée d’une manière déterminée par l’ensemble des organisations syndicales avec les salariés pourra stopper ces projets de destruction sociale et humain.