NIGER : NOS SOLDATS DOIVENT RENTRER EN FRANCE

Niger : nos soldats doivent rentrer en France

Quelques chiffres sur le Niger : la moitié des 25 millions d’habitants à moins de 15 ans ; la moitié de la population active vit sous le seuil de pauvreté. Pourtant, les sous-sols du Niger sont riches en uranium, du pétrole a été découvert en grande quantité dans l’est du pays et des mines d’or se sont révélées abondantes par endroit dans le centre du pays.

Exploités par des compagnies étrangères, en majorité françaises, mais aussi américaines, canadiennes et chinoises, ces ressources sont pillées dans le cadre d’une économie de prédation. Une preuve parmi mille : les chemins de fer, vecteurs de transports et progrès, sont inexistants au Niger. Jamais l’impérialisme français n’a investi, le moindre sou dans le développement du pays.

Le coup d’Etat mené fin juillet 2023 au Niger par des militaires a brutalement rebattu les cartes dans la région. Nouvel épisode dans l’accélération de la débandade française en Afrique occidentale, ce coup de force de l’armée a, une nouvelle fois, pris les « observateurs » par surprise. Pourtant, « à qui veut voir », les signes du rejet de plus en plus déterminé et offensif contre la présence politico-militaire française, à l’instar de la situation malienne, burkinabé ou centrafricaine, étaient visibles.

Les nouvelles autorités nigériennes, face à un Etat français habitué à ne jamais rien concédé, ont décidé de remettre en cause les accords de défense qui lient le pays à l’impérialisme français et tiennent un discours hostile à l’ancienne puissance coloniale qui trouve un écho légitime dans la population. Ce reflux, historique, de l’impérialisme français, chassé de son pré carré bicentenaire dans cette partie du monde, induit une nouvelle situation en Afrique, avec aussi un risque de guerre régionale. Et, sans doute un durcissement supplémentaire de la violence patronale en France. 

Menace d’intervention militaire et recompositions politiques régionales

Depuis le coup d’Etat, l’alliance régionale Cédéao, sous leadership nigérian, a haussé le ton, de manière relativement inédite, soutenue en ce sens par les stratégies françaises et américaines. Le regroupement d’Etats ouest-africains a donné un ultimatum au nouveau pouvoir nigérien, lui intimant, sous menace d’intervention militaire, de rétablir le précédent chef d’Etat. Cette violation manifeste de la souveraineté a immédiatement été dénoncée par les autorités du Mali et du Burkina Fasso qui font bloc avec Niamey et ont indiqué se placer en état de guerre en cas d’opération militaire contre le Niger.

L’armée nigériane est celle qui a le plus de capacité dans la région, avec des avions de chasse et des drones, mais si le pays est un poids lourds économique dans la région, un impérialisme régional influent, le pouvoir nigérian est en butte à des mouvements séparatistes et religieux, ainsi que les groupes djihadistes, dont les terroristes de Boko Haram.  D’autres pays membres pourraient décider d’envoyer des troupes, comme le Sénégal, la Côte d’Ivoire, le Bénin ou encore le Ghana. Mais le prix politique à payer pourrait freiner les ardeurs « démocratiques » de ces Etats dont on ne saurait souligner, à minima, le caractère autoritaire et oligarchique.

Par ailleurs, et sans doute faut-il y lire une raison de la posture guerrière initiale du président nigérian, une énorme colère sociale gronde au Nigéria, avec des menaces de grèves et de manifestations à l’échelle nationale. L’explosion de l’inflation, alimentée par des mesures gouvernementales, a pris à la gorge  un pays où près de la moitié de la population vit dans l’extrême pauvreté. M. Tinubu a par ailleurs été élu dans un scrutin contesté par ses deux principaux opposants.

Enfin, des experts ont rappelé que les liens sont forts entre les deux armées, nigériane et nigérienne, notamment par la présence majoritaire de Haoussas, une ethnie présente à travers le Sahel.

Tous ces élément ont sans doute joué un rôle majeur dans le recul en rase campagne durant le mois d’aout de la CEDEAO et de ses éléments les plus va-t’en-guerre, au grand damne de la France qui poussait de toute son influence pour une confrontation militaire.

Enfin, bien évidemment, c’est le soutien du peuple nigérien, et notamment de ses organisations sociales, en particulier les syndicats nigériens, aux nouvelles autorités et à sa « feuille de route » qualifié en Occident de « néo-souverainiste » qui a été, et est toujours, l’élément fondamental qui explique la résistance et la résilience des Nigériens face à l’extra-ordinaire pression (locale, régionale, internationale) auxquels ils ont été confrontés.

Ni guerre ni sanctions contre le peuple du Niger : troupes françaises hors d’Afrique !

Chassé tour à tour de Centrafrique, du Mali, du Burkina par des régimes d’officiers, pour certain issus du rang, l’intervention militaire est un échec sécuritaire total. Quand le bilan de cette désastreuse opération sera-t-il mené ?

Depuis la prise de pouvoir du général Tiani le 26 juillet au Niger, toutes les opérations antiterroristes menées par les Français, qui sont placés sous le commandement de l’état-major nigérien, sont suspendues. Plus de dix ans après le début de la guerre déclenchée au nord du Mali, et l’échec sécuritaire de la stratégie militaire française – qui est un des véritables non-dits qui expliquent pourtant le débâcle français dans la région, chassé par des nouveaux pouvoirs militaires qui ont, paradoxe, été formés « à l’école française ».

Le Niger est le plus important des pays d’Afrique en effectifs français (environ 5 650 hommes déployés sur l’ensemble du continent) aux côtés de Djibouti, où sont également présents près de 1 500 hommes. Près de 1 500 militaires sont ainsi basés au Niger, essentiellement sur la base aérienne de Niamey, 1 000 hommes sont également déployés au Tchad voisin.

Les Etats-Unis, dont environ 1 000 militaires sont déployés au Niger dans une base militaire géante de drones, ont également « suspendu » les activités de coopération militaire mais leur départ n’est pas envisagé.

La présence militaire française se resserre, en parallèle des reflux de l’influence économique française dans la région notamment face aux impérialismes turcs, marocains et chinois, et pourrait connaitre, du moins en Afrique de l’Ouest, son dernier acte.

Rappelons qu’un tiers de l’uranium utilisé en France provient du Niger. En 2021 et 2022, le Niger représentait près d’un quart de l’uranium importé par toute l’Union Européenne selon Le Monde. Selon un rapport de l’ONG OXFAM, le Niger représente donc 30% de l’importation d’uranium mais seulement 7% des versements. Contradiction impérialiste, qui s’ajoute à l’exemple des chemins de fer, Seulement 13% des Nigériens ont accès à l’électricité et dépendent du voisin nigérian qui sert, comme c’est le cas actuellement, de ce levier pour exercer un chantage par le blocus sur un peuple entier.

Le développement inégal imposé depuis des décennies, pendant et après la colonisation, au peuple nigérien par l’impérialisme français au travers d’Orano et des groupes d’affaires économiques et doublé par une présence militaire imposante, doit cesser. Les décisions de Niamey au regard de ses alliances régionales ou internationales doivent être respectés tout comme le départ de l’actuel ambassadeur français (rejeté par le pouvoir nigérien qui l’accuse d’ingérence) doit être acté. La volonté du peuple nigérien doit être respectée.

Les soldats français doivent rentrer en France. Nous ne voulons pas de sanctions injustes contre le peuple nigérien. Nous dénonçons la « vengeance » de Paris contre les artistes burkinabés, maliens, nigériens. Nous ne voulons pas que soit menée, au nom du peuple français, une ingérence au Niger. Nous voulons une politique de paix fraternelle avec l’ensemble des peuples de la région. Nous ne pouvons que soutenir la lutte des peuples pour la souveraineté effective et contre le remplacement de l’impérialisme français par un autre impérialisme tout aussi dangereux.