DU PAIN ET DES ROSES ; HISTOIRE DE LA CGT DU NORD

Nous  relayons ici la préface de Jean-Paul Delescaut, secrétaire général de l’UD CGT du Nord, au livre « Du Pain et des roses, syndicalisme de classe et transformation de la société, Histoire de la CGT du Nord »

Vous pouvez les commander par mail en envoyant votre chèque de règlement par courrier postal à l’UD 59 : 254 bld de l’usine, CS 20111 – 59030 Lille Cedex.

« Mener la lutte de classe au quotidien, dans une organisation comme la CGT, n’est pas de tout repos. Mais nous le savons toutes et tous : il n’y a pas de repos possible quand on est animés par cette volonté de combattre pour les siens (notre classe) – et au fond pour leur dignité d’humains, et par ce désir infatigable de changer de société. 

Le capitalisme, par l’absurdité et la cruauté de sa marche en avant funeste, nous oblige à prendre toutes nos responsabilités militantes, même dans les moments les plus désespérants. Même lors- qu’il semble que les combats sont perdus d’avance, qu’est-ce qui motive les militantes et militants CGT à poursuivre la lutte ? Sans doute y a-t-il des raisons qui tiennent aux individus eux-mêmes, mais au plus profond, il y a le sens de l’Histoire.

En effet, nous ne tombons pas du ciel, et les reculs idéologiques dans notre pays ces dernières décennies, accompagnés de reculs sociaux et politiques, non plus. Nous sommes les produits d’une société et en même temps, les continuateurs d’une longue histoire. C’est même le plus souvent très consciemment que, dans nos débats, nous nous référons aux grandes heures de notre CGT, et que nous travaillons à poursuivre l’ouvrage entamé il y a plus d’un siècle par les travailleuses et les travailleurs conscients et organisés de ce pays.

Mais, travaillant à cet ouvrage dans des conditions toujours plus difficiles, manquant de repos, impliqués totalement dans le combat de classe, nous n’avons que rarement le temps de nous retourner, et de mesurer la dimension historique de ce combat. À notre échelle, qui n’est pas si petite, celle de la CGT dans notre département, nous avons voulu prendre le temps d’un bilan, d’une analyse.

Les militants qui nous ont précédés ont, de la même manière qu’aujourd’hui, consacré leur existence au combat de classe, et ce sans souci aucun de postérité, désintéressés, exemplaires, déployant un courage et une volonté totalement inscrits dans le présent. Dès lors, la transmission de leurs expériences s’est faite dans le concret, on pourrait dire « de bouche à oreille », et explique la pérennité de notre organisation et surtout, de ses repères de classe. Les pièges grossiers de la collaboration de classe, du « dialogue social », mais aussi du bureaucratisme et au fond de la capitulation, dans lesquels nous pourrions être conduits, nous n’y tomberons pas. Grâce à cette expérience historique héritée de militants le plus souvent anonymes, grâce à un « instinct de classe » que la réalité de l’exploitation capitaliste entretient.

Mais il manque bien souvent que cette histoire soit écrite, qu’un objet cristallise notre héritage, et nous permette ainsi de rendre plus claire encore, la nécessité du combat de classe. Cet objet, notre Union Départementale a voulu qu’il soit entre toutes les mains, comme une arme. Cet objet, c’est ce livre que tu tiens entre les mains camarade…

Saïd Bouamama, militant infatigable et reconnu de ce combat de classe, avait toutes les qualités pour répondre à cette « commande » – une commande au sens profond du terme, car la situation de notre CGT commande en effet que nous mettions au clair notre histoire et nos fondements. Enfant de Roubaix et de sa classe ouvrière, il a milité toute sa vie dans le département. Au-delà d’un engagement concret dans la lutte de classe, Saïd a cette capacité de prolonger ce combat par ses lectures, ses recherches et au bout de cela, par ses écrits. Des écrits accessibles, débarrassés de toute forme de pédantisme bourgeois car destinés aux nôtres, à notre classe, et à son combat historique pour construire une société sans classe. Nous savons que Saïd, en travaillant sur l’histoire et le présent de notre organisation dans le département a lui-même été « transporté » par l’intensité et l’épaisseur humaine de notre histoire. Nous avons lu ce livre avec une passion et une émotion qu’il a su partager. Qu’il en soit ici fraternellement remercié.

 

C’est par un travail de recherche infatigable qu’il a su compiler les grands moments de lutte de notre classe et de son organisation syndicale, dans le département du Nord, depuis les origines jusqu’à nos jours. Y apparaissent une volonté collective et un courage extraordinaire à travers des masses anonymes de travailleuses et de travailleurs à qui nous devons les conquêtes qui nous permettent encore de vivre et lutter. Car vivre et lutter sont de fait synonymes.

Émergent de ces luttes collectives des figures militantes parfois oubliées, aux contours parfois imprécis, tant les « héros » de notre classe ont cultivé désintéressement et modestie. Et peut-être aussi parce que nous avons manqué, collectivement, au travail d’histoire – mais nous l’avons déjà dit, le temps manque lorsque c’est le présent qui nous occupe, lorsque c’est à l’avenir que nous travaillons.

Ce qui transparaît également, à travers cette histoire de notre CGT dans le département et au-delà, c’est cette lutte incessante contre les manœuvres de division, contre les opportunismes, contre tout ce qui dans notre histoire, a pu conduire au dévoiement de notre mission historique, à la trahison de nos fondements et de notre classe. De la scission de 1921 aux purges de l’avant-guerre, de la seconde scission de 1947 aux évolutions inquiétantes incarnées par la notion de « syndicalisme rassemblé » ou l’introduction d’un vocabulaire et de pratiques étrangers à notre CGT, ce livre oblige à considérer les défis auxquels notre organisation est, aujourd’hui comme hier, confrontée.

Si la société est en mutation, le capitalisme lui, ne change en rien dans sa nature et au contraire, pousse sa logique de profit meurtrière à des extrémités qui expliquent ce que les jeunes travailleurs de ce pays vivent aujourd’hui : précarité et surexploitation, dans une société déchirée par des divisions artificiellement entretenues, et dans un monde où réchauffement climatique et guerres condamnent à revenir à la question posée par Rosa Luxemburg : socialisme ou barbarie ?

Le syndicalisme de classe et de masse n’est pas un choix idéologique seul, c’est une nécessité historique. C’est à partir des expériences concrètes de militantes et militants d’aujourd’hui – des portraits pleins de chaleur et de dignité qui concluent ce livre – que cette nécessité du syndicalisme CGT est le mieux exprimée.

La CGT n’a pas vocation à se fondre dans une nébuleuse d’organisations aux préoccupations « sociétales » ou dans un « syndicalisme rassemblé ». Elle n’a pas vocation à dissoudre son caractère de classe dans l’opportunisme ou dans les errances de la petite bourgeoisie. La CGT est l’outil premier de notre classe et de ses luttes, et ce sont celles et ceux qui l’éprouvent dans le réel, sur le terrain concret de la lutte de classe, qui le disent le mieux. Et ils le disent dans ce livre. On comprend, à l’issue de notre lecture, qu’au fond, rien ne nous fera disparaître, pas même les manœuvres et les trahisons, car ce sur quoi repose notre organisation, ne peut pas disparaître. Ce qui mène à la lutte de classe, c’est la conscience de classe, et ce qui mène à la conscience de classe, c’est l’expérience concrète des travailleuses et des travailleurs engagés dans la lutte. Cette expérience, aujourd’hui comme hier douloureuse, mais qui pour les jeunes de ce début de siècle amène à se défaire très rapidement des illusions propagées par le capital et ses managers, cette expérience concrète, partagée par les masses dans leur ensemble, survivra à toutes les petites lâchetés, à tous les petits conforts, à tous les réflexes bureaucratiques, à toutes les tentations de couler la CGT dans un moule où telle qu’elle est dans les faits et à la base, elle ne peut de toute façon pas entrer.

Ce livre est à toi camarade. À toi camarade revenu du passé dans ces pages. À toi camarade d’ici et maintenant. Et surtout à toi, camarade de demain. L’avenir est entre tes mains. Notre CGT est entre tes mains. Ce livre, tiens-le bien…

Jean-Paul Delescaut

Secrétaire général de l’Union Départemental CGT du Nord »