Argentine, guerre sociale « à la  tronçonneuse » contre le peuple

Argentine, guerre sociale « à la  tronçonneuse » contre le peuple

Tour de vis sécuritaire et grand bond en arrière ultra-libéral en Argentine. Le nouveau président, Javier Milei, veut « tronçonner » les droits du peuple argentin. Ce chef d’Etat d’extrême droite, élu en novembre, va abroger ou modifier par décret des centaines de normes, dont celles sur les loyers, les privatisations et le droit du travail.

Parmi les lois abrogées figurent notamment les lois entravant la privatisation d’entreprises publiques comme la compagnie aérienne Aerolinas Argentinas ou le groupe pétrolier YPF. Javier Milei, incarnation argentine parfaite du binôme français Macron-Le Pen, a annoncé une « modernisation du droit du travail », et une longue série d’autres mesures de dérégulation dans les secteurs du tourisme, de la santé, d’Internet, du transport aérien, de la pharmacie, de la viticulture ou encore du commerce.

Le président argentin avait déjà annoncé, le 12 décembre, une première série de mesures d’austérité, notamment une dévaluation choc de plus de 50 % du peso, et la réduction à partir de janvier des subventions aux transports et à l’énergie.

Deux jours plus tard, le gouvernement annonçait une offensive inédite contre le droit de manifestation, notamment contre les piquetes, des coupures d’axes routiers, une forme courante de protestation sociale.

Outre un appel systématique à déloger les manifestants par les forces sécuritaires et une répression financière contre les organisateurs, désormais, les manifestants coupant une rue ou une route verront leurs allocations suspendues. Les Argentins sans emploi ou travailleurs précaires, composant les 40 % de la population vivant dans la pauvreté, sont ainsi ciblés.

Ces mesures visent, à minima, intimider la population alors que le choc ultra-libéral est engagé dans le pays, et à maxima briser d’avance l’esprit de résistance du peuple argentin. D’autant que plus de 250 000 travailleurs se retrouveront sans emploi dès fin 2023, et que les prix des produits de nécessité explosent à un niveau inédit.

La guerre menée par la caste argentine contre son propre peuple prend ainsi des dimensions qui se complètent : écraser les droits des travailleurs, imposer un grand bond en arrière social et prétendre, par la force policière, brute et physique, doublée de la main de fer de la Justice, écraser physiquement et psychiquement les organisations sociales, les travailleurs et les citoyens argentins.

Lors de sa campagne présidentielle, Javier Milei a brandi, à plusieurs reprises, une tronçonneuse, symbole des coupes budgétaires brutales. Le nouveau président entend réduire les dépenses publiques de 15% du PIB et en finir avec « cette aberration appelée justice sociale, synonyme de déficit budgétaire ». 

Son élection en novembre 2023 a été rendue uniquement possible par la jonction et le pacte avec des forces dites « traditionnelles » (comprendre une partie radicalisée de la caste au pouvoir en Argentine – la comparaison avec la France est frappante) avec le « produit Milei », un phénomène médiatique et partiellement fabriqué par le même Etat profond argentin prétendument combattu par cet anticommuniste notoire, chantre de la dictature argentine et négationniste des crimes commis contre des dizaines de milliers de syndicalistes et militants de gauche. 

A l’image de son accession au pouvoir, la mise en place des mesures de « thérapie de choc » politique, économique et social, est conditionnée par le soutien ou non que cette variante particulièrement brutale, violente, sadique d’un ultra-libéralisme très agressif et revanchard recevra de la droite et du centre du spectre politique argentin. Elle est aussi conditionnée par la capacité d’organisation, réaction et riposte sociale, y compris et en premier lieu par la grève, des organisations syndicales, associatives, sociales.

Le risque est immense que l’Argentine sombre dans un scénario terrible, à l’image des dictatures sécuritaires ultra-libérales, anticommunistes et antisyndicales, du Chili des années 1980 du dictateur Augusto Pinochet ou du Pérou de Alberto Fujimori des années 1990.

Dans un communiqué, la Fédération Syndicale Mondiale a déclaré « s’opposer et condamner fermement les politiques néofascistes du gouvernement argentin. Les mesures antipopulaires du gouvernement, parmi lesquelles la dévaluation de la monnaie, les protocoles anticonstitutionnels et un décret massif menacent à la classe ouvrière et à la justice sociale. »

La FSM « soutient les travailleurs argentins et le mouvement syndical de classe du pays, dénonçant la privatisation des entités étatiques, l’érosion des droits du travail et l’agenda néolibéral en général ». L’Internationale syndicale de classe ajoute également unir les voix de ses 105 millions de travailleurs qu’elle représente « à ceux des travailleurs d’Argentine, qui déclarent l’état d’alerte permanent contre ces actions régressives et expriment leur solidarité avec les travailleurs dans leur lutte pour la justice. »

L’Argentine est gouvernée depuis des décennies par des castes oligarchiques qui se partagent, selon les périodes y compris et notamment dictatoriales, le pouvoir économique et politique. Le pays a d’ailleurs déjà eu le malheur d’être un laboratoire ultralibéral catastrophique dans un passé très récent avec notamment la mise en coupe réglée du pays par le Fond Monétaire International et ses réformes (inefficaces) brutales, injustes et socialement criminelles.

Pour mémoire la pauvreté en Argentine a bondi en 2022 au terme d’une année d’inflation record, avec 39,2% de la population, soit plus de 18 millions de personnes en situation de pauvreté fin 2023. L’inflation quant à elle a atteint des sommets vertigineux en culminant à…140%. Il est évident que les bénéficiaires de cette spéculation chronique qui étrangle les Argentins sont les mêmes qui tireront profit des futures mesures ultra-libérales.