Pinochet, Piñera, Macron, même combat : la grève politique de masse au Chili, un exemple à suivre en France ?

La grève générale est reconduite au Chili pour la troisième journée consécutive. Les syndicats et les mouvements sociaux ne faiblissent pas face au pouvoir et proposent une véritable transformation sociale du pays. Cégétistes, militants, non-organisés, quelles leçons pouvons-nous tirer des événements au Chili ?

Les deux journées de grève générale des 23 et 24 octobre au Chili et des manifestations monstres dans les principales villes du pays ont été un succès. La Centrale Unitaire des Travailleurs et les autres structures syndicales et mouvements sociaux unis dans la coalition “Unité sociale” appellent à une nouvelle journée de grève générale le 25 octobre.

On ne peut qu’être frappé par la ressemblance entre le « modèle » chilien d’Augusto Pinochet et le projet ultralibéral de Macron et de La République en Marche. Si la comparaison de Macron avec Pinochet pourra apparaitre comme « excessive » aux yeux de certains, une chose est sure : c’est bien la même matrice ultralibérale, autoritaire et sécuritaire qui s’applique dans les deux cas.

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Au Chili comme en France, la question des retraites, et plus largement du choix de société, est au centre de la contestation. Alors que les organisations de la CGT préparent la riposte sociale de grande ampleur contre le projet de réformes des retraites, ne pourrait-on pas s’inspirer des revendications et des moyens d’actions de nos frères et sœurs du Chili ?

Le contenu revendicatif et politique des grèves générales des 23 et 24 octobre au Chili

Durant la dictature Pinochet, le Chili a été le laboratoire expérimental des néoconservateurs et néolibéraux américains. Sous l’égide de Milton Friedman et de ses « Chicago boys », le pays a été littéralement mis en vente : les services basiques ont été privatisés savoir la santé, l’eau, l’éducation, la sécurité sociale. Les alternances gouvernementales gauche-droit n’ont jamais remis en cause ce pacte anti-social imposé par la force.

Arrêtons-nous un instant sur la déclaration du 22 octobre de la coalition « Unité sociale » animée par la Centrale Unitaire des Travailleurs. Voici les revendications traduites en français :

  • “Abrogation immédiate de l’état d’urgence et retour des militaires dans leurs unités et leurs casernes.
  • Nous exigeons que les parlementaires du Sénat et de la Chambre des députés s’engagent dès maintenant dans une grève législative et que, par conséquent, pendant l’état d’urgence, aucun projet de loi ou ratification de traités internationaux ne soit réalisés.
  • Nous exigeons le retrait de tous les projets de loi qui violent les droits sociaux, économiques et culturels du peuple chilien : pensions, réforme fiscale, […]
  • La définition et la mise en œuvre d’un ensemble de mesures économiques d’urgence dans le domaine des droits sociaux pour les travailleurs du Chili autour des questions contenues dans notre déclaration fondatrice d’Unité sociale.
  • Nous proposons d’avancer devant une Assemblée constituante nationale afin qu’elle élabore de manière participative un nouveau cadre structurel de la société chilienne, ouvrant ainsi la voie à un nouveau modèle de développement national, qui met fin au modèle néolibéral injuste et abusif actuel.
  • La démission du président Sebastian Piñera

 

Quelles leçons en tirer pour la France ?

Que constatons-nous à partir des revendications chiliennes ? Les syndicats, et principalement la CUT, s’engagent dans le rapport de force avec le pouvoir en promouvant non seulement le retrait des militaires, mais également l’abolition de toutes les mesures antipopulaires.

Surtout, les syndicats mettent en avant un projet de véritable transformation sociale. En jetant à bas le consensus et le pacte « antisocial » hérités de la dictature, en mettant en avant une revendication claire en faveur d’un nouveau pacte social fondé sur les besoins basiques de la population et non sur les appétits insatiables des monopoles capitalistes, les forces sociales chiliennes ouvrent un nouveau chapitre dans l’histoire du mouvement ouvrier de leur pays.

Enfin, l’appel à la convocation d’une Assemblée constituante nationale vient boucler la boucle, et témoigne de la possibilité – sinon de la nécessité – pour le syndicat, qu’il soient chilien, français, grec ou autre, de mettre en avant leur rôle dans la transformation sociale et politique du pays.

De la même manière que la CGT a participé activement à l’élaboration, puis à la mise en place de la Sécurité sociale et du programme du Conseil National de la Résistance, ne peut-on pas penser qu’il y a matière pour la CGT aujourd’hui de mettre en avant son ambition de transformation sociale, et révolutionnaire, du pays ?

En France comme au Chili, c’est projet contre projet, classe contre classe

La destruction méthodique des conquêtes sociales arrachées au patronat à la Libération, et l’accélération de la casse de nos systèmes solidaires de protections sociales (notamment l’Assurance-chômage et l’Assurance-retraites) nous incitent à réfléchir, non seulement aux moyens d’actions de la classe ouvrière, mais également au projet que nous portons face à celui défendu par Macron et son système.

🔴Des #syndicats #CGT appellent à une #mobilisation générale en prenant appui sur l’appel à la #grève illimitée de la #RATP.https://t.co/pNEMLDIEHG pic.twitter.com/2wyFKoDO3Y
— Unité CGT (@UniteCGT) October 15, 2019

La réforme des retraites de Macron, qui vise à instaurer le même modèle ultralibéral individualiste et par capitalisation que celui en vigueur au Chili, doit être combattue avec la même fermeté qui anime à l’heure actuelle nos camarades de classe chiliens. Ce choix est un choix de société, de classe.

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Rappelons-nous nos propres textes historiques : « Dans l’œuvre revendicatrice quotidienne, le syndicalisme poursuit la coordination des efforts ouvriers, l’accroissement du mieux-être des travailleurs par la réalisation d’améliorations immédiates, telles que la diminution des heures de travail, l’augmentation des salaires, etc.

Mais cette besogne n’est qu’un côté de l’œuvre du syndicalisme ; il prépare l’émancipation intégrale, qui ne peut se réaliser que par l’expropriation capitaliste ; il préconise comme moyen d’action la grève générale et il considère que le syndicat, aujourd’hui groupement de résistance, sera, dans l’avenir, le groupement de production et de répartition, base de réorganisation sociale. » (Charte d’Amiens).

Les combats défensifs ne suffisent plus, et la CGT a sans doute tout intérêt à poser la question non seulement du « prix du pain », mais également à formuler des réponses et propositions claires. Il est sans doute plus que temps de repasser à l’offensive et de mettre en avant notre projet face à celui des patrons.

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