L’état d’urgence sanitaire est réel, des dizaines de milliers de travailleurs et de travailleuses, des retraités et des privés d’emploi, ainsi que leurs enfants, sont gravement menacés par la pandémie. Seul le gouvernement a la responsabilité politique de prendre les mesures nécessaires pour freiner la propagation du virus et sauver nos vies. Deux semaines après le début du confinement, il est temps de dresser un premier bilan des annonces gouvernementales.
Au patronat qui exploite et engrange les bénéfices, la patrie reconnaissante ?
Le 17 mars, au lendemain de l’allocution du chef de l’État, Bruno Le Maire a repris la tonalité guerrière du discours présidentiel. « Il y a une guerre contre le coronavirus et aussi une guerre économique et financière. Elle doit mobiliser toutes nos forces. » Voilà comment le ministre de l’Économie entendait justifier le plan d’aide aux entreprises : la solidarité.
Ce plan d’aide comporte deux volets. D’abord, les mesures fiscales : il s’agit essentiellement de reports du paiement des impôts sur les sociétés et du paiement des cotisations patronales. Mais pour les entreprises les plus en difficulté, celles qui auraient enregistrées une baisse d’activité entre 2019 et 2020, ou qui auraient une trésorerie fragile (dettes par exemple), il s’agit d’une remise pure et simple par l’Etat de ces impôts et cotisations qui aura lieu. Rappelons encore que le chômage partiel ne coûtera rien aux entreprises puisque l’État prendra en charge 100% de l’indemnisation.
Ensuite, l’ordonnance du 25 mars, en application de la loi d’urgence du 23 mars, crée le fonds de solidarité. L’objectif de cette initiative est de permettre le versement d’une prime exceptionnelle aux très petites entreprises (moins de 10 salariés) quelle que soit leur forme juridique. Le montant de cette prime peut s’élever à 1 500 euros pour les entreprises les plus touchées.
Enfin, il y a des mesures liées au report des charges. Ainsi, les entreprises peuvent demander un échelonnement du paiement de leurs factures d’énergie, d’eau, et de leur loyer pendant toute la période de l’état d’urgence sanitaire. De même, le ministre de l’économie, Bruno Le Maire, a annoncé dans son communiqué du 24 mars, la création d’un fonds de 300 milliards d’euros afin de garantir les prêts contractés par les entreprises.
Ces mesures vont coûter au minimum 45 milliards d’euros, auxquels s’ajoutera une dépense potentielle liée au fonds de garantie des prêts. Pour les financer, l’État refuse de faire appel aux assureurs, alors qui il serait logique de se tourner vers ces entreprises puisque cette catastrophe sanitaire est comparable à une catastrophe naturelle.
Ce sont donc les contribuables, l’ensemble des travailleurs et travailleuses de ce pays, qui sont appelés au chevet des entreprises. Les attaques contre les congés payés et l’augmentation plus que brutale du la durée légale maximale du temps de travail démontrent que la volonté du gouvernement et du patronat est non seulement de faire payer la crise aux salariés, mais également d’en tirer des bénéfices à plus long terme.
La peur, la maladie et la mort pour les travailleurs
Si le gouvernement se montre généreux envers le patronat, il se montre bien plus austère envers les travailleurs.
Alors que le gouvernement prend en charge 100 % de l’indemnisation du chômage partiel, les travailleurs ne percevront pas l’intégralité de leur salaire en cas d’arrêt forcé du travail.
Alors que le gouvernement prend des mesures inédites pour assurer la sécurité financière des entreprises, les travailleurs qui ont perdu leur emploi depuis le 1er mars sont privés de toute indemnisation chômage.
Alors que le gouvernement a immédiatement annoncé un report des charges pour les entreprises, il aura fallu attendre le conseil des ministres du 25 mars pour être assuré de la prolongation de la trêve hivernale interdisant les expulsions locatives.
Le gouvernement sème la peur du lendemain chez les travailleurs et les travailleuses, en refusant par exemple d’interdire les licenciements. L’objectif est clair : forcer la classe ouvrière à accepter toutes les régressions sociales au nom de la crise sanitaire.
Si le président use et abuse d’un ton paternaliste et infantilisant envers les Français, les ministres s’activent de leurs côtés pour assurer la plus grande continuité possible des activités économiques. Ainsi, à l’encontre de toutes les recommandations des institutions de santé qui préconisent le confinement de la population, de nombreux travailleurs des secteurs non-stratégiques pour la lutte contre la pandémie sont forcés de travailler.
A titre d’exemple, alors que les commerces et les libraires ferment boutique, Amazon continue ses livraisons. Les travailleurs de la logistique risquent leur vie ainsi que celle de leur famille afin de garantir les profits du patron. Pire encore, dans plusieurs entreprises du Bâtiment, les patrons font signer aux salariés des décharges afin de se dédouaner de leurs responsabilités. Le confinement n’existe plus pour la population quand il s’agit de préserver les profits. On ne peut plus faire un jogging, mais on peut, on doit, faire preuve de « civisme » en allant risquer sa peau pour le CAC40 !
L’ensemble des mesures prises par le gouvernement ne visent donc pas, en tout cas pas exclusivement, à « gagner la guerre » contre la pandémie. Ces mesures visent surtout à protéger les capitaux privés. et à profiter de la séquence si particulière que l’on vit pour nous imposer de très graves régressions antisociales. Le seul point commun de ces mesures consiste donc en l’intensification de l’exploitation capitaliste. Aux travailleurs les coûts de la crise, au patronat les bénéfices.
Le confinement est un palliatif à la destruction de notre système de soins
Alors qu’en matière de santé, le bon sens devrait imposer des objectifs de résultats et non de moyens, et donc dimensionner les moyens pour assurer et garantir de manière systématique la santé des travailleurs et de leurs familles, que constatons-nous ?
Les morts (et les mesures de confinement pour éviter la propagation du virus) ne sont pas tant des conséquences de l’épidémie en elle-même que du désarmement du personnel de santé et de l’incapacité, structurelle comme conjoncturelle, de notre système de soins à faire face à une crise. Le système est mis à nu devant ce test grandeur nature que représente la pandémie de coronavirus.
Regardons par exemple ce qu’il se passe en Allemagne : au 2 avril, 73 522 cas de contamination à ce jour pour 872 morts. En France, nous dépassons déjà le seuil des 4 000 morts pour 57 763 cas alors que le pic de l’épidémie n’est pas encore atteint.
Si le confinement est aujourd’hui incontournable, il ne faut donc pas inverser les choses. Cet aveu (et preuve) d’impuissance politique, que Macron tente de dissimuler derrière sa rhétorique guerrière ridicule, n’est pas le fruit du hasard mais bien le résultat des politiques criminelles menées tambours battants par nos gouvernants, de gauche comme de droite depuis plusieurs décennies. Martelons encore et encore que 60 000 lits ont été supprimés depuis 30 ans tandis que le nombre d’habitants de notre pays continue de croitre et que les maladies ne disparaissent pas par magie.
Où sont ces dizaines de milliers de lits manquants ? Où sont les trains-ambulances de la SNCF mis à la ferraille ? Où sont les mesures d’urgence concrètes et chiffrées pour l’hôpital ? Les criminels qui ont détruit la santé publique n’ont même pas le réflexe politicien de pleurer des larmes de crocodile devant la situation créée sciemment par leurs politiques en faveur du marché.
Ces responsables et coupables ont, et auront des comptes à rendre. Si pour le moment nous sommes masqués, nous ne sommes pas pour autant muselés : dès maintenant, mettons-les face à leurs responsabilités, ne nous laissons pas faire, ne les laissons pas nous infantiliser.