« Choose France » : Macron ne mènera pas la bataille de l’emploi à notre place !
Lundi 15 mai, Emmanuel Macron a – une nouvelle fois – privatisé le château de Versailles pour accueillir les patrons des plus grandes entreprises mondiales. Ce sont près de 200 chefs d’entreprises qui ont répondu à l’invitation de Macron. Cette sixième édition du sommet de l’indécence capitaliste, créé par Macron, est selon la propagande présidentielle une «chance pour les Français», destiné à «présenter et expliquer aux grandes entreprises internationales les réformes menées pour favoriser l’activité économique de notre territoire».
Le sommet « Choose France », une provocation de plus. Le lieu de l’évènement ne laisse personne indifférent. Alors que le pouvoir macroniste s’isole et se coupe toujours plus du peuple et que dans le même temps la répression policière s’intensifie, réunir en grande pompe les plus gros exploiteurs de la planète au château de Versailles, symbole de la monarchie absolue, est lourd de sens. Cette manifestation de l’opulence de la grande bourgeoisie et des laquais à sa botte est d’autant plus insupportable en cette période de forte inflation, synonyme de restriction pour l’ensemble des travailleuses et des travailleurs. Signe de la dérive autoritaire du pouvoir solitaire macroniste, dès le dimanche 14 mai plusieurs axes routiers ont été coupés et le stationnement aux abords du château interdit, le jour-même c’est la «la circulation des véhicules de toute nature» et des transports en commun qui a été empêchée. Comme toujours, la CGT – notamment le syndicat des Cheminots de Versailles – a toutefois permis à près de 500 travailleuses et travailleurs de se faire entendre en organisant un défilé dans le centre-ville de Versailles.
Au cours de ce sommet, un « record » de 13 milliards d’euros d’investissement a été annoncé par Macron. Plusieurs projets ont ainsi été mis en avant, notamment celui de l’implantation d’une usine (Holosolis) de production de panneaux photovoltaïques à Sarreguemines (Moselle), d’une usine (ProLogium) de production de batteries électriques et d’une usine (XTC/Orano) de production de batterie lithium à Dunkerque (Nord). Au total, depuis 2017, ce sont près « 6 910 projets d’investissements étrangers en France » et « 182 900 emplois maintenus ou créés ». Mais derrière ces annonces, c’est l’arbre qui cache la forêt. Pour favoriser l’installation de ces entreprises, l’Etat prend en charge la construction de sites dits « clés en main », comme par exemple lorsqu’il s’agit de réhabiliter une friche industrielle. Les patrons peuvent ainsi obtenir des installations entièrement payées par l’État, c’est-à-dire par les impôts des travailleuses et des travailleurs. L’Élysée ne donne aucune estimation du montant des aides et avantages fiscaux octroyés à ces grandes féodalités capitalistes.
Dans cette compétition mondialisée que les Etats – au service des monopoles financiarisés – se livrent pour capter ces investissements, les travailleurs et les travailleuses n’ont rien à gagner. Cette compétition amène à justifier la casse des conquis sociaux, les cadeaux fiscaux accordés au patronat et à tirer les rémunérations vers le bas. Ainsi, le cabinet Ernst & Young s’inquiète des « tensions politiques et sociales [qui] ont pu conduire les dirigeants internationaux à s’interroger sur la capacité du gouvernement à poursuivre les réformes permettant d’améliorer la compétitivité, réduire la dette et le déficit commercial, soutenir l’investissement « made in France », mais également investir dans les infrastructures de santé et d’éducation. ». Par ailleurs, ce même cabinet précise que « l’Hexagone demeure encore loin du compte sur l’emploi, puisque les emplois apportés par les projets diminuent de 15% entre 2021 et 2022. ».
« Choose France », sommet émergé d’une politique de l’emploi sans iceberg. Le bilan de la politique macroniste de l’emploi – comme ses perspectives – ne peut se réduire aux paillettes d’une journée passée au château de Versailles. Le bilan de la politique de réindustrialisation de Macron c’est la fermeture de plus 1 000 entreprises dans le secteur industriel au premier trimestre 2023, un chiffre en augmentation de 177 % depuis le second trimestre 2020. Tous secteurs d’activités confondus, ce sont plus 40 000 entreprises qui ont cessé leur activité entre janvier 2022 et janvier 2023, contre moins 30 000 entre janvier 2021 et janvier 2022. Autant dire que le faste de la réception versaillaise tranche avec le bilan réel de la politique macroniste.
D’autant plus que les perspectives d’emploi en France n’annoncent pas des lendemains qui chantent pour les travailleuses et les travailleurs. Selon la Dares, ce sont près de 381 000 emplois qui devraient être supprimés dans le secteur administratif et au moins 40 000 dans l’industrie. Le déplacement présidentiel du 12 mai dernier dans le Nord, sur le site d’Aluminium Dunkerque, est emblématique de la situation actuelle. Alors que Macron annonçait en grandes pompes, la création de plusieurs centaines d’emplois dans la région, les ouvriers de l’usine de Valdunes où 330 emplois sont menacés suite au retraite de l’investisseur chinois MA Steel, n’ont pas eu l’honneur d’un passage présidentiel.
Pour juger la politique de Macron en terme d’emploi il est également nécessaire d’en voir la disponibilité, tant en quantité qu’en qualité. Selon l’INSEE, au premier trimestre 2023, le nombre de chômeurs au sens du BIT diminue de 7 000 par rapport au trimestre précédent, s’établissant à 2,2 millions de personnes. Toutefois, l’INSEE note également qu’au premier trimestre 2023, près de 1,2 millions de travailleuses et de travailleurs sont en situation de sous-emploi en France (hors Mayotte). Ce chiffre, certainement sous-évalué, montre bien que les emplois occupés sont de plus en plus précaires. Ce phénomène touche particulièrement les femmes travailleuses qui sont près d’une sur quatre à occuper un travail à temps partiel. Rappelons également que seulement 52,4 % des 15-64 ans sont en emploi alors que plus d’un jeune sur dix de 15 à 29 ans est n’est ni emploi ni en formation. Cet écart entre la part des travailleuses et des travailleurs au chômage et celles et ceux qui ne sont pas en emploi, qui sont donc privés d’emploi, vient de la non prise en compte par les statistiques du chômage de l’ensemble des situations de privation d’emploi. Le travail forcé des allocatrices et allocataires du RSA n’arrangera rien à cette situation.
Choisir la politique industrielle qui répond aux besoins de la population. Nous vivons dans un monde largement urbanisé, où le développement des forces productives amène une spécialisation du travail. Dans ces conditions, l’industrie est nécessaire pour répondre aux besoins, mais pas l’industrie à la sauce capitaliste, qui exploite sans vergogne les ressources naturelles et le travail humain. L’industrie structure le territoire au moins autant que les services publics, par le développement des infrastructures nécessaires à son activité et par l’emploi industriel, lui-même générateur de nombreux emplois induits dans les services, les commerces et les services publics.
Il est des biens communs et des grands secteurs économiques qu’il est politiquement justifié de soustraire au marché, et notamment : les banques, les transports, l’énergie, les laboratoires pharmaceutiques, les grands secteurs industriels. Les choix opérés pour ces secteurs doivent être démocratiques et répondre aux besoins du plus grand nombre et non maximiser les profits. Pour ces secteurs, il faut créer de vastes secteurs publics en se réappropriant, collectivement, les gigantesques monopoles capitalistes, et mettre en place une économie non concurrentielle mais planifié pour répondre aux besoins et intérêts collectifs et communs, donc.
L’État doit prononcer un moratoire sur toutes fermetures de sites et toutes suppressions d’emplois, la mise sous tutelle publique de l’industrie permettant à la France de maîtriser et développer sa production. C’est par la planification que peuvent être atteints les objectifs de progrès en matière de réponses aux besoins sociaux et environnementaux.
Nous n’avons pas besoin de gaspillage d’argent public dans des grands projets inutiles (Sainte Soline, les mégabassines) taillés sur mesure pour engraisser les multinationales du béton.
Il faut inscrire les productions dans une gigantesque relance globale de l’industrie s’appuyant sur une série de grands projets à l’échelle nationale (logements, infrastructures routières, construction d’établissements de santé, scolaires, culturels, etc…) pour répondre aux besoins.