RÉGRESSION SOCIALE : DÉCRYPTAGE DE LA CONVENTION COLLECTIVE DE LA MÉTALLURGIE

RÉGRESSION SOCIALE : DÉCRYPTAGE DE LA CONVENTION COLLECTIVE DE LA MÉTALLURGIE

La nouvelle convention collective de la métallurgie, signée en février 2022 par la CFDT, la CFE-CGC et FO, entre en vigueur, pour l’essentiel, le 1er janvier 2024. Selon le patronat de la métallurgie, organisé dans l’UIMM, « c’est la première fois qu’une branche décide de modifier l’intégralité de son paysage conventionnel. »

Cette petite phrase illustre l’euphorie à l’œuvre chez les industriels. Dans les cartons depuis au moins 2016, la nouvelle convention collective va bouleverser le secteur de la métallurgie. Cet accord de branche, que la CGT n’a pas signé, concerne 1,6 million de salariés et 42.000 entreprises et va unifier plus de 70 conventions appliquées jusqu’alors dans les différentes spécialités du secteur.

Pour l’UIMM, la nouvelle convention collective permettra une « profonde simplification qui va permettre aux entreprises de gagner en compétitivité. » On connait la chanson…  A contrario, pour la Fédération des Travailleurs des Métaux CGT (FTM-CGT), ce texte « n’est qu’une boîte à outils au profit des employeurs, dans laquelle ils viendront faire leur marché pour améliorer la compétitivité financière des entreprises et les dividendes des actionnaires. »

Classification, organisation du travail/temps de travail, rémunérations… la nouvelle convention de la métallurgie laisse en effet peu de doutes quant à l’immense régression sociale qui va s’abattre sur l’ensemble des métallurgistes de France.

Pour la FTM CGT,  « l’absence de visibilité sur le déroulement de carrière et le risque pour les salariés d’avoir une classification en dents de scie durant la carrière sont évidents ». A rebours des nouvelles mesures contenues dans la convention, la CGT martèle que  « la classification doit servir à classer les salariés et non pas les postes de travail » et rappelle ses propositions refusées par l’UIMM, à savoir « un système à double entrée : l’une au regard des diplômes, l’autre en lien avec les savoirs et savoir-faire, avec la seule volonté de mettre le salarié au centre du dispositif de la classification. »

« La nouvelle convention collective impose pour tous les salariés, une augmentation du temps de travail et de la flexibilisation « no limit », pour soi-disant « l’amélioration de la compétitivité des entreprises face à la concurrence mondiale », rappelle encore la FTM CGT qui pointe également du doigt l’absence de dispositif de départ anticipé à la retraite pour les métiers pénibles.

La remise en cause des 35 heures, avec l’explosion des heures supplémentaires, s’accompagne en effet de l’augmentation de la durée maximale hebdomadaire, de la réduction des garanties collectives relatives au temps de déplacement et son indemnisation, la non-prise en compte du temps d’habillage et de déshabillage comme du temps de travail effectif, l’extension des heures de nuit.

Même « réajustée » par un avenant signée par trois organisations syndicales, la nouvelle grille salariale, qui démarre désormais  à 1808 euro brut reste anormalement basse, à peine 41 euros bruts au dessus du SMIC de janvier 2024. La CGT dénonce cette situation et rappelle sa revendication d’un début de grille à 2000 euros qui pourrait s’articuler avec une réduction du temps de travail à 32 heures par semaine.

Le big bang que représente la nouvelle convention est à prendre à la hauteur de l’enjeu qu’il représente. Il s’agit d’une illustration grandeur nature, dans un des secteurs industriels industrialisant majeurs de notre économie, des offensives brutales du patronat contre le monde du travail.

Dans un sens ou dans un autre, en faveur du patronat ou de la classe ouvrière, ce qu’il se passe dans la métallurgie influence et détermine les rapports de force dans d’autres secteurs économiques du pays. A ce titre-là, nous sommes tous, avec les métallurgistes en première ligne, concernés par cette régression sociale sans précédent. Les grèves qui se multiplient dans ce secteur, à l’image de la grève engagée le 4 décembre par les ArcelorMittal (sur Dunkerque et ailleurs) sont liées, d’une manière ou d’une autre, au rejet collectif de cette nouvelle convention collective.

La nouvelle convention de la métallurgie est à mettre en lien avec les modifications en cours dans les secteurs industriels. Un exemple particulièrement marquant : les annonces des majors des métaux, notamment des constructeurs et équipementiers automobiles autour des moteurs électriques qui induisent des suppressions massives de postes de travail ; au bas mot, 30 000 emplois doivent être liquidés par le patronat d’ici à 2030.

Précisons, les stratégies fluctuantes et contradictoires des gouvernements, main dans la main avec le patronat, au sujet de la réindustrialisation du pays ont servi avant tout à :

  • Engraisser (avec l’argent du contribuable) année après années les grands groupes à coup d’aides directes ou indirectes. Encourager le détricotage des droits conquis dans les secteurs industriels, en jouant notamment sur le chantage permanent à l’emploi et à la délocalisation
  • Casser les grands centres ouvriers, éclater la production, laisser les majors du secteur user et abuser de la sous-traitance et du nivellement des salaires et des conditions de travail par le bas
  • Manipuler et faire pression sur les populations au nom d’une « transition écologique » vidée de son sens et qui, en régime capitaliste déterminé par la recherche insatiable et inlassable du profit, ne peut être jamais autre chose que la poursuite de la surexploitation (repeinte en vert) de l’Homme et de la Planète jusqu’au dernier travailleur, jusqu’à la dernière ressource naturelle.

Nous n’avons pas à subir une régression sociale inhumaine sous prétexte de la « crise ». L’industrie doit être, avant tout, au service des besoins de la population. Captées et accaparées par une poignée de parasites, les immenses richesses produites par les travailleurs de la métallurgie doivent revenir aux mains du peuple. Les travailleurs, sans lesquels notre pays s’effondrerait, ne méritent pas une vie de misère et de travail pénible. Au contraire, ils et elles doivent disposer de conventions collectives de qualité et, prendre la place des actionnaires et du patronat dans la direction et la gestion des secteurs industriels.

Comme le rappelait d’ailleurs la Contribution aux débats du 53e Congrès de la CGT, « la reconquête industrielle ne peut se faire sans salarié. La réappropriation collective des moyens de production, à l’inverse du « dialogue social » stérile, c’est la mise en place de droits citoyens et d’espaces de démocratie au sein de chaque entreprise, pour peser au réel sur les choix d’organisation du travail et pour décider des investissements. Des conseils d’ateliers et de services doivent décider du « comment » produire. Et les représentants des travailleurs et travailleuses, ainsi que les collectivités, doivent disposer de droits effectifs permettant de stopper tout projet, en particulier d’investissements, nocifs aux intérêts collectifs. »

« Il est des biens communs et des grands secteurs économiques qu’il est politiquement justifié de soustraire au marché, et notamment : les banques, les transports, l’énergie, les laboratoires pharmaceutiques, les grands secteurs industriels.. Les choix opérés pour ces secteurs doivent être démocratiques et répondre aux besoins du plus grand nombre et non maximiser les profits. Pour ces secteurs, il faut créer par expropriation, de vastes secteurs publics qui reforment des monopoles, sous une économie planifiée donc non concurrentielle, toute dérive bureaucratique d’un Etat centralisateur étant rendue impossible par la réappropriation vu au paragraphe précédent. », ajoutait encore la Contribution.