« Le vote CGT est un vote de lutte »
Les élections professionnelles la Fonction publique ont lieu du 1er au 8 décembre 2022. Ces élections sont importantes à plus d’un titre. D’abord par l’ampleur du scrutin, puisque celles-ci concernent les trois versants de la Fonction publique, soit 5,5 millions d’agentes et d’agents. Ensuite parce qu’elles représentent un enjeu considérable en termes de représentativité, dans un contexte d’attaques et d’orientations politiques catastrophiques pour les personnels et les services publics.
Combattre la liquidation des droits collectifs des fonctionnaires pour garantir l’accès aux services publics
La loi dite de « transformation de la Fonction publique » adoptée en 2019 a entraîné un recul démocratique important pour l’ensemble des agentes et agents des trois versants de la Fonction publique et une remise en cause des principes fondateurs du statut général des fonctionnaires et plus particulièrement de la participation des fonctionnaires, par l’intermédiaire de leurs délégués siégeant dans les organismes consultatifs, à l’examen des décisions individuelles relatives à leurs carrières. Cette remise en cause du « contrôle paritaire » des carrières est à mettre en parallèle de l’autonomisation des établissements publics et de l’émergence d’une hiérarchie locale de plus en plus autoritaire. Or cette nouvelle gestion des personnels de la Fonction publique est un obstacle à la capacité des fonctionnaires d’exercer leurs missions, d’assurer la réponse aux besoins de la population. Aujourd’hui comme n’importe quelle autre organisation capitaliste, les services publics se doivent d’être rentables.
Le recourt à l’embauche de personnels contractuels, en lieu et place du recrutement – souvent de ces mêmes personnes – par voie de concours, est également l’une des conséquences directes de cette loi. Comme pour les postiers ou les cheminots, il s’agit de casser le statut qui reste un obstacle à la mise en marché de pans entiers des services publics. Or, cette contractualisation, non seulement entraîne une précarisation des personnels mais elle provoque également une pénurie de bras dans les services publics et une rupture sans précédent dans l’accès des usagers aux services publics.
La réorganisation de l’Hôpital public est un exemple flagrant de la dimension anti-démocratique de cette réforme tant pour les personnels que pour les usagers. Entre 2002 et 2022, le nombre de passages aux services des urgences en France a plus que doublé, passant de 10 à 23 millions d’entrées. Résultats du dysfonctionnement de l’ensemble de la chaîne de soi : déserts médicaux, fermetures de lits dans tous les services ou encore le retour au domicile de patients isolés, les services d’urgences sont pour beaucoup le seul moyen de se faire soigner. Toutefois cet été plus de cent vingt services, des hôpitaux de proximité aux Centres Hospitaliers Universitaires, ont dû limiter leurs activités voir les interrompre. Cette situation qui met en danger la population et en particulier celles et ceux qui souffrent de pathologies graves nécessiterait un vaste plan d’embauche. Le gouvernement, lui, préfère mettre en place « l’organisation d’un triage paramédical à l’entrée » (rapport Braun).
À l’École, de nombreuses et nombreux élèves sont privés de cours depuis la rentrée de septembre faute de personnel en nombre suffisant. Les enseignantes et enseignants ne sont plus systématiquement remplacés, même dans le premier degré. Plutôt que de répondre à ces carences, là aussi, par des emplois statutaires de personnels remplaçants, le ministère de l’éducation nationale préfère privatiser la gestion la gestion des remplaçants via le déploiement de l’application ANDJARO qui met directement en relation les personnels remplaçants avec les écoles sans passer par les services académiques traditionnellement chargés de la gestion des absences.
Dans les collectivités territoriales, la loi de transformation de la fonction publique a étendu la possibilité du recourt aux contractuels En créant le contrat de projet, la loi autorise les administrations à recruter des agents pour une mission, un projet, une opération spécifique, en contrat à durée déterminée, pour une durée de 6 ans maximum. La majorité des emplois permanents, dans toutes les catégories, sont désormais accessibles à des contractuels. Là encore il s’agit de livrer au privé, sur le dos des usagères et des usagers, des missions essentielles de services publics.
Pour la CGT, ces élections professionnelles sont l’occasion de défendre le respect et le renforcement du statut général des fonctionnaires, donc de l’accès aux services publics par l’octroi de moyens suffisants, de créations d’emplois statutaires et qualifiés partout où cela est nécessaire, de véritables déroulements de carrière, de mobilités choisies, et d’une reconnaissance de la pénibilité au travail. Occasion également de lutter contre la régionalisation et la mise en marché des services publics en défendant le principe de la gestion nationale pour tous les corps et pour tous les actes de gestion : recrutement, titularisation, discipline, quotité de travail, positions administratives, formation, avancements et promotion, affectation et mobilités (géographique, ministérielle ou directionnelle et fonctionnelle). Cette gestion nationale est la seule à même de garantir un accès équitable aux services publics sur l’ensemble du territoire.
Défendre l’accès aux services publics pour garantir les droits des usagères et des usagers
L’ensemble des politiques publiques de ces dernières décennies ont considérablement affaibli les services publics remettant en cause leur accès aux usagères et aux usagers. Au final il s’agit bien d’une remise en cause de nos droits et de nos conquis sociaux.
Le secteur de la santé et de l’action sociale fait aujourd’hui face à une stratégie systémique qui vise à extraire l’Hôpital et les établissements publics du social et du médico-social du public pour livrer au privé des parts de marché plus importantes. La dégradation des conditions de travail des agentes et des agents, des conditions d’accueil des usagères et des usagers, qui justifieront les externalisations, sert cette stratégie inique. Alors que le discours officiel du gouvernement voudrait nous faire croire qu’il tente de faire face à la « crise de l’hôpital public », les chiffres parlent d’eux-mêmes. Selon les études de la Drees, 4300 lits ont fermé en 2021 et le projet de loi de financement de la sécurité sociale n’est en rien en rupture avec ces logiques. L’objectif est clair, favoriser le développement d’un secteur privé lucratif pour celles et ceux qui en ont les moyens, et maintenir un service public minimaliste et dégradé pour celles et ceux qui ne pourront s’offrir les services du privé. La marchandisation de la santé et du médico-social n’apporte pourtant en aucune façon la satisfaction aux besoins de la population comme la démontré le « scandale Orpéa ».
Dans le secteur scolaire public, les conditions de travail des personnels et d’étude des élèves se dégradent fortement : classes surchargées, réduction du temps pédagogique, manque de moyens dans l’accompagnement des élèves (notamment celles et ceux en situation de handicap), pénurie en personnel enseignant comme non-enseignant. Cette forte dégradation favorise là aussi le recourt par les familles qui le peuvent à l’enseignement privé. La nouvelle réforme du lycée professionnel, engagée par le gouvernement, est emblématique de ces politiques : remise en cause des garanties collectives, privatisation de l’éducation nationale, soumission aux intérêts du patronat.
Dans les collectivités territoriales, les différentes réformes gouvernementales, les transferts de compétences à tout va, ont mis à mal les missions et éclaté les services. Dans toutes les collectivités, des communes aux conseils régionaux et départementaux, les problèmes rencontrés par les agents sont les mêmes : bas salaires, conditions de travail dégradées, externalisation des missions, mise à mal de notre statut. La loi 3DS (Décentralisation, Différenciation, Déconcentration, Simplification), qui permet de déléguer aux régions la gestion des routes nationales, désorganise davantage les personnels et les services. Et demain, rien n’empêchera un nouveau transfert de ces compétences vers les départements, les métropoles, les communautés d’agglomération et de communes, ou vers des entreprises privées. Déjà, dans certaines collectivités, on constate une privatisation de bon nombre de missions comme l’élagage, la signalisation, les enduits, les glissières de sécurité et l’entretien des espaces verts. Avec la loi de Transformation de la Fonction Publique (TFP), ce sont les agentes et agents qui sont menacés : en cas de transfert d’une activité vers une entreprise extérieure gérant un service public, le fonctionnaire dont l’emploi est transféré pourra être détaché d’office au sein de l’entreprise.
Le maintien de la CGT en première force syndicale dans la Fonction publique est donc déterminant pour la construction du rapport de force et le développement de luttes offensives. Il est essentiel, au-delà des élections professionnelles, que les organisations CGT se renforcent pour porter un projet général pour les services publics en rupture avec les politiques actuelles.
La question de la réponse aux besoins sociaux de la population au cœur du projet CGT pour les services publics
La fonction publique incarne auprès de la population un rôle prépondérant et irremplaçable, tant en matière de satisfaction des besoins fondamentaux que d’égalité de traitement. Si la France détient une des premières places mondiales en matière d’investissements étrangers, elle le doit notamment à la qualité de ses services publics. Les administrations publiques ont également un rôle économique direct majeur dans le soutien à un développement économique équitable et pérenne. Elles ont participé à la création de richesses à hauteur de 20 % du Produit Intérieur Brut en 2015 et à 17 % de l’investissement global la même année.
Les gouvernements successifs ont organisé une crise des finances publiques par divers moyens, principalement en asséchant les recettes par des exonérations multiples et sans efficacité économique. C’est bel et bien le capital qui coûte cher en confisquant les richesses produites par le monde du travail, avec une exigence toujours plus démesurée de rentabilité, une financiarisation, une privatisation et une marchandisation de l’ensemble des processus économiques et sociaux.
L’objectif du gouvernement, repris par plusieurs candidats à la présidentielle, c’est la suppression de centaines de milliers de postes de fonctionnaires. Les réformes successives ont peu à peu affaibli les services publics dans leur vocation fondamentale qui est de répondre aux besoins de la population sans distinction ou discrimination et donnant accès aux services, à tous et toutes, et partout.
Malgré ces affaiblissements, la période de la pandémie a montré que si le pays a pu encore fonctionner, c’est en grande partie grâce à ses services publics, largement par la prise de contrôle des personnels eux-mêmes, sur les processus, les priorités et l’organisation du travail : délaissant les statistiques, les tableaux Excel, les procédures administratives inutiles et retrouvant le sens de leur travail, les soignants ont fait du soin et non plus de la tarification à l’acte, les enseignants ont enseigné et ainsi de suite. Cet enseignement majeur de la période ne doit pas être une parenthèse enchantée, mais le socle des orientations de demain :
– Arrêter les cadeaux et avantages aux patrons qui n’ont servi à rien à part enrichir les plus riches ;
– Renationaliser tous les grands services publics : banques, énergie, chemin de fer, communication et télécommunication, grands secteurs industriels, etc.) ;
– Rétablir un statut rénové et renforcé pour plus de garanties pour les usagers ;
– Augmenter les salaires et créer des emplois statutaires, titulariser tous les contractuels sans conditions