Tout reprendre
Après plusieurs mois de mobilisation et manifestations massives, puis l’entrée en grèves reconductibles en mars de plusieurs secteurs à l’appel de fédérations CGT, le mouvement contre la réforme des retraites se prolonge malgré la promulgation de la loi par Macron à la mi-avril.
Avec un 1er Mai très massif et déterminé, 300 initiatives – 2,5 millions de manifestants, preuve est faite que la colère non seulement ne retombe pas, mais se prolonge dans le temps et peut/doit étendre son champ revendicatif : vie chère, libertés, réponse aux besoins.
Malgré une opinion publique vent debout contre la réforme dans son écrasante majorité, 93% des actifs, 70% des Français, et la très forte perturbation sociale, politique et économique du pays, le pouvoir ne cède pas.
Une large majorité des travailleurs « avec nous », n’a pas suivi les mots d’ordre de grève. Beaucoup a été écrit sur « l’inflation » qui empêcherait les uns et les autres de faire grève. Tirons-en la conséquence la plus logique : la vie chère est un, sinon « le » sujet du moment, avec les retraites.
D’ailleurs, il y a quelques mois, la grève reconductible des ouvriers du pétrole pour les salaires à l’automne dernier avait, du fait du large écho de la lutte et des tentatives de généralisation des grèves pour les salaires, prouvé cette réalité. Ne pas lier les revendications serait suicidaire pour le mouvement social et sa nécessaire extension.
A l’heure où nous écrivons, si la perturbation systématique des initiatives gouvernementales et présidentielle est pertinente, on ne saurait trop s’attarder sur les « casserolades » qui déjà semblent passé de mode et traduisaient déjà la perte en intensité du mouvement.
Nous préférons suggérer de reprendre en main, améliorer et amplifier ce qui a fait, pendant plusieurs mois, la force du mouvement, et a été animée par des organisations CGT et syndicalistes CGT, et explique la vivacité encore présente de la mobilisation ; quelques exemples : les manifestations offensives, les grèves reconductible notamment dans les ports et docks, les industries pétrolières, chimiques, électriques et gazières, les chemins de fer, les actions des « Robins des bois » de l’énergie, les contre-attaques ouvrières aux réquisitions policières dans les raffineries ou chez les éboueurs parisiens, les opérations « villes mortes « et « ports morts », etc…
Ce qui a manqué, jusqu’à présent, c’est l’impulsion confédérale CGT – puisque seule la CGT est en capacité et volonté de réaliser l’effort d’organisation-action de riposte générale face à l’attaque globale. Cette impulsion ne fait pas tout ; c’est à l’ensemble des syndicats, syndiqués et travailleurs de déborder et bloquer les profits sur la durée pour disloquer les flux économique, épuiser les stocks, désespérer le patronat et le faire céder.
On le voit bien dans la dernière séquence, si certaines fédérations CGT ont appelé à la grève reconductible dans leurs champs professionnel, partout le même constat s’impose, les difficultés de mobilisation des salariés – pourtant acquis à la cause – témoignent d’au moins 4 problèmes : les faiblesses de nos organisations syndicales, la stratégie catastrophique de l’intersyndicale, le refus de l’intersyndicale d’appeler à la grève reconductible et d’élargir le spectre des revendications, le manque dramatique d’impulsion confédérale CGT.
A ces problématiques s’ajoute également la nécessité de diffuser et populariser, à l’aide notamment des exemples cités plus haut, la grève comme moyen d’action concrète et directe pour gagner face à chaque patron, au patronat en général, au gouvernement. Nul ne doute que les prochaines grandes grèves pour les salaires se nourriront de ces expériences pour étendre et porter encore plus haut les revendications ouvrières.
Nous devons avoir les yeux grands ouverts dans la séquence présente. La décision des syndicats, CGT compris, de rencontrer le gouvernement le 16 et 17 mai, est, au mieux, une erreur. Désireux d’assurer le service après-vente de sa contre-réforme des retraites et de prouver que le contact avec les « partenaire sociaux » (SIC) n’est pas totalement rompu, le gouvernement ouvre des négociations sur des sujets déconnectés des attentes des travailleuses et des travailleurs. La seule porte de sortie de cette séquence sociale doit être celle de la négociation à partir des revendications légitimes de celles et ceux qui créent les richesses : l’augmentation générale des salaires, la réduction du temps de travail et la baisse de l’âge de départ à la retraite pour toutes et tous.
Dans la même veine, on trouve la date de mobilisation intersyndicale placée le 6 juin, liée avec le vote au parlement de la proposition d’abrogation de la loi par le groupe centriste LIOT. Des forces politiques agissent dans un sens, soit. La CGT, et la classe ouvrière, mène sa politique et ses actions en autonomie. D’ailleurs, qui arguerait qu’un climat social « brûlant » ne serait pas de nature à influer sur le cours des votes et les choix des uns et des autres ?
Nous devons, d’autant plus, être à la hauteur de la brutalité du pouvoir qui brutalise le pays, brise nos grèves, massacre des militants écologistes à Sainte Soline, menace la LDH, laisse l’extrême-droite terroriser… Ce pouvoir, prendra la fin du mouvement pour sa victoire et poursuivra sa politique.
Tout reprendre
Comme nous l’écrivions plus haut : le mouvement a gagné en actions et inventivité. Certaines organisations CGT, comme la FNIC CGT ou encore la FNME CGT appellent à poursuivre la grève et les actions. Certaines Union départementales, comme dans les Bouches-du-Rhône ou dans le Nord, ou parfois des Unions locales, ont (re)consistué des collectifs militants qui parviennent à mettre en place des actions de blocage – a minima de perturbation – de l’économie.
Si la Confédération CGT et l’intersyndicale souhaitent poursuivre la lutte, alors il faut placer celle-ci à la hauteur de l’enjeu. Si la date du 6 juin doit permettre aux organisations CGT de base – syndicats et UL – de reconstituer et rassembler leur force, notamment en accueillant les nouvelles et les nouveaux adhérents et en réunissant l’ensemble de leurs syndiqués, il faut davantage de perspectives et de lisibilité. Préparer le 6 juin doit passer par des dates confédérales CGT et l’impulsion Confédérale de grèves et manifestations avec une extension des revendications : inflation, retraite, libertés. Il s’agit de mettre en marche l’ensemble des organisations confédérées, dans cette perspective l’implication des Fédérations et Unions départementales au sein du CCN est primordiale
Toutes les initiatives sont bonnes à prendre, et reprendre.
Bien entendu, sur chacun des sujets, nous nous devons d’être à la hauteur : ce n’est plus le rejet des 64 ans ou la simple défense des régimes spéciaux, mais bien un autre choix de société, notamment avec la retraite à 60 ans, 55 ans pour les métiers pénibles. A taux plein et sans minimum requis d’annuités. De même, nous voulons l’augmentation générale des salaires, pensions, allocations, ET le rétablissement de l’échelle mobile des salaires indexés sur l’inflation.
Enfin, la grave crise démocratique dans laquelle la France se trouve le démontre : il nous faut, plus que jamais, plus de démocratie, partout et tout le temps, sur tous les sujets, y compris et en premier lieu économique.
Pour tout leur reprendre, il faut reprendre en mains nos destins et revendications, nos outils et pratiques de luttes.