LE BULLDOZER EN MARCHE CONTRE LE LYCÉE PRO

Casse du Lycée professionnel : le bulldozer en marche !

Emmanuel Macron a annoncé à Saintes une nouvelle version – à peine modifiée – de sa réforme de la voie professionnelle largement repoussé à l’automne par les travailleuses et travailleurs des lycées pro.

>>> Casse de l’emploi et fermetures de section. Dès la rentrée 2023 ce sont plus de 2 500 places qui seront fermées, l’objectif affiché par Macron est de fermer 100 % des sections jugées « non- insérantes », essentiellement dans le commerce, les services et les industries chimiques. Cette projection de fermeture des sections suit celle de la casse de l’emploi décidée par le patronat.

Dans sa projection « Les Métiers en 2030 » la DARES anticipe la destruction de près de 168 000 emplois dans les services administratifs, 34 000 emplois dans la métallurgie ou encore 28 000 dans le secteur du caoutchouc et du plastique.

Plaçant l’objectif de rentabilité du patronat au-dessus de la réponse aux besoins de la population, Macron et son gouvernement font le choix d’accompagner, par leur politique, la casse de l’outil industriel français.

Pour les jeunes de la voie professionnelle, ce strict adéquationnisme entre « besoins » en main d’œuvre du patronat et formations dispensées par les établissements scolaires va renforcer le sentiment d’une orientation subie en voie professionnelle. Pour les travailleuses et travailleurs du lycée professionnel, c’est un vaste plan de suppression d’emploi qui est annoncé.

>>> Un lycée professionnel « rouage » de France-Travail. La remise en route de la contre-
réforme de la voie professionnelle coïncide avec celle de France-Travail. Dans les deux projets des points de convergence sont notables. Ainsi, la mise en place des « Bureaux des entreprises » dans chaque établissement scolaire de l’enseignement professionnel relève du même champ de compétences associées aux Comités France-Travail locaux, notamment en ce qui concerne la réflexion sur « les évolutions de l’offre de formation ». Aussi, il n’est pas impensable d’imaginer un pilotage local de la carte des formations décidé par France-Travail.

À terme, c’est la mise en place d’un pilotage de la voie professionnelle publique par le Ministère du Travail et ses services déconcentrés qui est visé.

De même la mise en place ou la généralisation de nouveaux dispositifs – comme « Tous droits
ouverts », « Ambition emploi », « AvenirPro », – associent toujours plus les lycées professionnels aux entreprises et France-Travail. Enfin, les logiques de l’« entreprise-formatrice » pour les jeunes comme celle de l’« entreprise-insérante » pour les allocatrices et allocataires du RSA, relèvent d’une même mystification du rôle de l’entreprise en société capitaliste. Dans cette société, le patronat n’a pas vocation à former la jeunesse ou à insérer des privés d’emploi mais à les exploiter.

Pour les jeunes de la voie professionnelle, la « gratification » de leur période de formation en milieu professionnel : 1,4€ de l’heure en seconde, 2,1€ de l’heure en première et 2,8€ de l’heure en terminale est indigne et ne vise qu’à préparer la jeunesse à accepter les pires conditions de travail, notamment celles du travail gratuit que souhaite imposer le gouvernement aux allocatrices et allocataires du RSA. Pour les travailleuses et travailleurs du lycée professionnel, il s’agit de les mettre en concurrence entre eux d’une part, avec des prestataires extérieurs venant du monde de l’entreprise et de France-Travail d’autre part.

>>> La fin programmée des diplômes et de la reconnaissance des qualifications. Macron
souhaite pouvoir moduler le nombre de période de formation en milieu professionnel au profil de chaque élève. Aussi, il existe un danger réel de voir proposer dans les lycées professionnels un enseignement modulaire allant de pair avec la réécriture de tous les programmes d’enseignement professionnel et des diplômes qui leurs sont associés en blocs de compétences. Le gouvernement prévoit ainsi de « moderniser » 50 diplômes en 2024 et 100 en 2025. Le risque est de voir à terme se multiplier des attestations partielles de validation d’un diplôme non reconnues au sein du répertoire national des compétences professionnelles (RNCP) et des grilles de salaire des conventions collectives.

De plus, cette organisation interroge la place des enseignements généraux de la voie professionnelle qui ont été déjà très largement amoindrie par la loi dite de « transformation de la voie professionnelle ». Par exemple, les élèves de bac pro ont perdu un tiers de leurs cours de Français et d’Histoire-Géographie, les élèves de CAP près de deux tiers. De même, les exigences des enseignements techniques ont été revues à la baisse, tout contenu théorique ayant quasiment disparu et les heures fondues.

Pour les jeunes de la voie professionnelle, cette remise en cause des diplômes nationaux voit le risque d’une individualisation de la reconnaissance des qualifications octroyées par le diplôme voir sa disparition. Pour les travailleuses et travailleurs du lycée professionnel c’est la perte du sens de leur métier.

>>> « Il faut tout reprendre ». La défense de la voie professionnelle sous statut scolaire n’est pas déconnectée des luttes actuelles. Défendre les diplômes de la voie professionnelle, c’est défendre la reconnaissance des qualifications et l’ensemble de nos droits collectifs. Défendre une carte des formations ambitieuse, c’est défendre l’emploi et le développement industriel.

Derrière les contre-réformes des retraites, de l’assurance chômage, du RSA, du lycée professionnel, le gouvernement veut imposer des choix des sociétés qui ne répondent pas aux besoins de la population ni aux enjeux de notre temps. Les travailleuses et les travailleurs doivent imposer par leur mobilisation d’autres choix. L’appel à la grève le 30 mai par la CGT Educ’action et la grève interprofessionnelle du 6 juin doit permettre l’élévation généralisée du rapport de force construit avec les mobilisations précédentes.