Depuis plusieurs mois, la colère gronde dans les rangs des salariés de la grande distribution. Qualifiés par la presse et les politiciens de « héros » pendant le premier confinement, les travailleurs du Commerce comptent pourtant parmi les laissés pour compte, ces « premiers de corvée » indispensables au pays, payés une misère et victimes d’une escroquerie en bande organisée menée par les ministres de l’économie et du travail en personne.
La promesse frauduleuse d’une prime « Covid »
Les salariés de Monoprix que nous avons pu contacter nous ont tous expliqué la même histoire. Alors que le confinement débutait à peine en mars dernier, nombreux étaient les travailleurs à hésiter à appliquer leur droit de retrait afin d’éviter d’être contaminés par le Covid-19.
Tous se souviennent distinctement du discours de Bruno Lemaire et de Muriel Pénicaud qui avaient promis une prime de 1 000 euros aux salariés de la grande distribution qui travailleraient pendant le confinement afin de garantir l’approvisionnement des Français en produits alimentaires.
À l’époque, tout manquait : les salariés n’avaient ni gel hydroalcoolique, ni gants, ni masques, ni vitres de protection. C’est donc la boule au ventre que ces salariés sont allés tenir ce que le président Macron a appelé la « ligne de front » dans son délire mystique de « guerre » face au virus.
Si les travailleurs du Commerce pouvaient tirer de la fierté de contribuer au non-effondrement du pays, il était tout à fait normal et cohérent – comme les soignants – d’estimer avoir le droit à une prime, à défaut d’une augmentation de salaire (nécessaire dans ce secteur particulièrement touché par la précarité et les bas salaires), pour le service rendu, et au peuple, et évidemment aux gigantesques monopoles capitalistes.
Rappelons que les Monoprix, Auchan, Carrefour, Leclerc et consorts ont réalisé lors de cette période des profits exceptionnels et ont engraissé les actionnaires et les patrons de la grande distribution. Le versement d’une prime aux travailleurs du Commerce était non seulement du « bon sens », mais il s’agissait également et surtout d’une forme de justice.
Monoprix ou une certaine idée de l’indécence
Or, qu’a fait Monoprix ? À l’image des autres géants de la distribution, le groupe a peu communiqué et a habilement joué de la « confusion » et de l’ambiguïté de cette prime, promise par le gouvernement mais jamais officiellement confirmée par les grands groupes.
Puis, la situation sanitaire a évolué. Au moment du déconfinement, c’est donc des salariés abasourdis qui vont découvrir l’ampleur de l’arnaque : les primes seront calculées au prorata du temps de présence et seuls les employés présents en temps complet, sans jour d’absence, entre le 16 mars et le 10 mai pourront en bénéficier. Conséquence : l’immense majorité des salariés de Monoprix n’ont soit rien touché, soit ont vu leur primes amputées et réduites.
Des exemples particulièrement sordides de ce management scandaleux ont été dénoncés par les syndicats. C’est le cas de Zouhir, hospitalisé à cause du Covid 19 du 7 au 21 avril et qui ne touchera donc qu’une toute petite partie de la prime. D’autres salariés, également infectés par le Covid et placés en réanimation, sont également dans ce cas de figure.
Pourtant, qu’est-ce donc que 1 000 euros pour un monopole aussi puissant que Monoprix ? Le dédain et le mépris affichés envers les travailleurs ne peut traduire qu’une seule chose : il s’agit d’un choix idéologique de la part du patronat. Donner le minimum et le plus tard possible à des salariés sans lesquels pourtant rien n’aurait tourné, rien n’aurait été vendu, rien ne serait rentré dans les caisses de l’entreprise.
Après la stupeur, la colère des salariés s’organise grâce à la CGT
Nous le disions plus haut : la colère monte depuis plusieurs mois chez les salariés de la distribution, floués par l’entreprise. Au premier rang des contestataires, les militants, élus et mandatés du collectif CGT Monoprix Île-de-France ont bouleversé le rapport de force… jusqu’à sérieusement inquiéter le groupe Monoprix.
Organisant semaine après semaine des déploiements devant les Monoprix, des « Samedis de la Colère » dans toute l’Île-de-France, dénonçant l’anarque de la prime, les bas salaires, les conditions de travail indignes et le projet Socrate de « polycompétence » sans augmentation de salaire, les militants de la CGT ont redonné confiance aux salariés sur la légitimité de leurs revendications et ont montré qu’il était possible dans un secteur aussi verrouillé que la grande distribution, de casser la peur, et d’engager la riposte.
Monoprix tente la manière forte pour étouffer l’affaire : cela ne marchera pas
Au lieu de s’excuser, de négocier, et de payer aux travailleurs ce qu’ils leurs devaient, qu’ont fait les dirigeants de Monoprix ?
Ils ont tenté de discréditer la lutte de la CGT : ça n’a pas marché.
Ils ont alors tenté de bloquer – à l’aide de la police, et d’une armée de vigiles spécialement recrutés pour casser la mobilisation syndicale – les rassemblements organisés par le collectif CGT devant les magasins : ça n’a pas marché. Au lieu de répondre aux demandes des salariés (dont les vigiles) vis-à-vis du renforcement de la sécurité dans un contexte social de plus en plus tendu et de recrudescence des agressions contre les salariés, l’entreprise préfère défendre les biens et marchandises plutôt que les hommes et les femmes qui font vivre l’entreprise. *
Alors, Monoprix a sorti de son chapeau la carte de la menace et de la répression judiciaire en assignant en justice 18 élus et mandatés CGT. Mais, cela ne marchera pas non plus.
Le 26 novembre, dans une dizaine de jours, ces 18 élus et mandatés CGT comparaîtront donc devant le tribunal. Ils et elles ont besoin de notre soutien et de notre solidarité.
Le silence médiatique qui entoure cette affaire révèle par ailleurs la volonté du patronat et des politiques de ne surtout pas ébruiter l’affaire et de faire en sorte que le collectif CGT Monoprix ne puisse pas s’en relever.
Pourquoi ? Tout simplement parce que l’existence même de ce collectif pose un problème fondamental dans un secteur où le patronat a toujours veillé à corrompre et à réprimer ceux et celles qui tentent de défendre les salariés.
De quoi Monoprix est-il-le nom ?
Il y a quelques jours, Monoprix a donné une nouvelle illustration de son mépris pour les lois. Le groupe a en effet décidé d’imposer le chômage partiel à ses salariés, sans consulter les IRP ou le CSE au préalable, c’est-à-dire, en toute illégalité. La décision, appliquée dès le lundi 9 novembre, n’a en effet été discutée au CSE que plusieurs jours après l’application de ladite décision.
Pourquoi, alors même que la direction du groupe contrôle le CSE, Monoprix se place-t-elle, elle-même, presque gratuitement, dans cette situation d’illégalité ? En réalité, à force de se croire au-dessus des lois, le patronat prend ses désirs pour des réalités.
Monoprix est donc le nom d’un patronat qui se croit tout permis.
Monoprix est aussi le nom d’une classe sociale déterminée à ne rien lâcher : pas ou peu de primes, pas ou peu de délégués syndicaux, pas ou peu de reconnaissance pour ses propres travailleurs.
Ce phénomène n’est d’ailleurs pas exclusif à Monoprix. Ce groupe, comme tant d’autres, joue avec ou ignore les lois et le Code du travail quand ce dernier ne va pas dans son sens ou lorsqu’il a décidé de ne pas s’en embarrasser.
Voilà donc la réalité : le fait du patron, prince et roi dans son magasin, « prime » sur tout, sur les vies des salariés, sur les lois, sur la décence et la justice.
Or, cette situation, dénoncée par les syndicalistes depuis des années, a de nouveau éclaté au grand jour avec la crise du Covid. Si les patrons veulent que cette parenthèse, rouverte par la crise sanitaire, se referme le plus vite possible, il est trop tard ; ils se sont révélés pour ce qu’ils sont réellement : des parasites. Et ça, les travailleurs ne l’oublieront pas de sitôt.
* Ajoutons à ce sujet que les caissiers ne sont pas payés pour assurer la sécurité. La décision du groupe Monoprix de ne pas engager de vigiles, alors que dans certains magasins des clients cherchent l’affrontement avec les employés, illustre à quel point le groupe tient en estime ses propres salariés.