La psychose et la peur n’ont jamais éradiqué une pandémie, mais elles ont déjà mis des peuples à genoux. Les discours volontairement anxiogènes, incohérents, schizophrènes et ambigus du gouvernement, du patronat et des médias ont réussi à faire accepter au plus grand nombre un confinement, qui à défaut de protéger réellement les travailleurs, est avant tout d’ordre politique.
Les craintes d’une partie considérable de la population vis-à-vis de la maladie sont réelles et légitimes, tout comme la défiance, elle aussi légitime, vis-à-vis du gouvernement. Il faut prendre ces ressentis en compte pour élever le débat et déceler les actions à mener et les mesures à prendre.
Nous avons le droit, voire même l’obligation, de résister et désobéir politiquement aux injonctions morales du gouvernement, et, d’une partie de l’opinion publique, tout en prenant en compte le ressenti d’une large partie de la population et en encourageant la libération de la parole, notamment dans les boîtes au sein desquelles les ouvriers et ouvrières se sentent en danger et exigent la fermeture.
Dans une telle période, nous avons le devoir de réfléchir et de ne pas prendre pour parole d’Evangile les discours gouvernementaux quand bien même ces derniers se couvriraient d’un pseudo discours scientifique et qu’on aurait tort de penser imperméable aux controverses, polémiques et orientations de classe.
La priorité absolue : déconfiner nos cerveaux
Quel est le rôle premier des syndicalistes, sinon celui de défendre nos intérêts de classe ? Or, comment maintenir l’activité de nos organisations lorsque la psychose individuelle et collective s’instille jusque dans nos cerveaux sans pour autant que la guerre sociale ne soit « suspendue » ?
Premièrement, la crise sanitaire a de loin dépassé les capacités de gestion du pouvoir et ce dernier réagit, ou plutôt communique, en fonction de l’évolution conjoncturelle de la situation au lieu de prendre des mesures de court, moyen et long terme.
Dans le même temps, nous ne pouvons que constater le décalage énorme entre d’un côté les discours cataclysmiques sur les effets réels, supposés ou inventés de la pandémie et de l’autre côté l’absence de mobilisation réelle de l’Etat.
Deuxièmement, s’il n’y a pas de « complot » gouvernemental ou patronal, il y a toutefois des effets d’aubaine que le pouvoir n’a pas hésité à saisir pour restreindre nos libertés et conquêtes sociales, tout en nous assignant à résidence et en tentant de museler l’opposition sociale.
Troisièmement, le confinement économique réel n’a jamais eu lieu. Des millions de travailleurs ont été contraints de continuer à travailler, souvent la peur au ventre, soit dans les secteurs dit « essentiels » soit dans les autres secteurs.
Quatrièmement, le confinement économique a entrainé des disparités de situations qui font craindre aujourd’hui l’irruption d’incompréhensions et de divisions entre travailleurs totalement et partiellement confinés, entre des travailleurs qui sortent déjà « dehors » (mais subissent comme les autres les effets « généraux » du confinement) et les travailleurs en télétravail ou en chômage partiel.
Cinquièmement, le confinement est avant tout politique. Nous ne devons plus accepter la peur individuelle et collective comme seul angle de réflexion et d’action. Nous devons refuser les « conditions » (ou le contrat tacite) du confinement et la gestion catastrophique de la crise sanitaire par le gouvernement le plus illégitime d’une « démocratie » à bout de souffle.
Le « jour d’après » c’est « maintenant »
Le jour d’après s’envisage maintenant, tout simplement parce que des travailleurs ont déjà « repris » le travail, voire même, ne se sont jamais arrêtés. En effet, l’idée selon laquelle le temps serait comme « suspendu » est fausse ! Si l’économie ralentit, il n’y a aucune trêve dans l’attaque générale menée contre nos droits et libertés.
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Les luttes défensives menées par les salariés et la CGT pour fermer les entreprises qui mettent les travailleurs en danger sont légitimes, mais restent, pour le moment, isolées les unes des autres.
Pour préparer réellement un retour en force organisé, coordonné, confédéralisé du mouvement social, c’est bien dès maintenant qu’il faut relever la tête, ensemble, et de manière confédérale et non éparpillée par la force des choses, ou plutôt par la faiblesse de notre Confédération.
C’est maintenant qu’il faut déchirer le contrat de confinement et non pas « après » le 11 mai. La gestion sanitaire, politique, sociale et économique du gouvernement doit être dénoncée et contrée en prenant en compte l’ensemble des mesures sociales et économiques et non pas uniquement avec l’aspect sanitaire.
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Nos organisations portent un projet de société CGT qui répond non seulement aux besoins immédiats, mais aussi à l’aspiration populaire à la transformation sociale de notre pays. Si nous aurions dû mettre ce plan CGT en action immédiatement après les premiers discours de Macron, il est maintenant tant de secouer la muselière, de montrer les crocs et de dire publiquement qu’une autre gestion de crise est possible, maintenant et tout de suite.
Quelques premières suggestions pour « déconfiner » le 1er mai
Les incitations morales à « rester chez soi » doivent aujourd’hui être rangées au placard. Non pas par idéalisme ou inconscience mais tout simplement parce que cet auto-contrôle social est aujourd’hui hors sol vis-à-vis de la réalité vécue par des millions de travailleurs qui n’ont pas le « choix ».
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« C’est la faute à l’épidémie. C’est pour le bien de tous ! », nous disent nos gouvernants, la bouche en cœur, pour nous obliger à trimer jusqu’à 12h par jour, tout en interdisant nos luttes et rassemblements. Pourtant, où est l’épidémie, où est le bien de tous quand nous sommes des dizaines, des centaines dans les ateliers, les magasins, bientôt les écoles, sur ordre des patrons… ?
Dans ce contexte, nous ne pouvons pas accepter de célébrer le 1er Mai enfermés chez nous. Cette désobéissance doit être collective pour réellement fonctionner et ne peut donc que nécessairement s’articuler autour de nos organisations CGT.
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Pourquoi ne pourrions-nous pas, avec nos syndicats d’entreprise ou de services, avec nos Unions locales, avec nos Unions départementales, organiser devant chaque boîte, devant chaque hôtel de ville, des rassemblements qui, par la force des choses, ne seront pas massifs ? Qu’avons-nous à perdre si nous faisons autant attention lors de ces rassemblements que lorsque nous allons travailler ou acheter des produits alimentaires au supermarché ?
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Pourquoi ces rassemblements, qui de facto, n’atteindront pas la centaine de manifestants par rassemblement, ne pourraient-ils pas être organisé et se tenir ? Quand bien même nous prendrions des amendes, ne peut-on pas envisager des « caisses de déconfinement » pour alimenter la solidarité et ne pas forcer ceux ou celles qui ne le désirent pas à sortir dehors ?
Nous nous organiserons le 1er mai pour déconfiner nos cerveaux, percer le mur de la peur, montrer publiquement notre désobéissance, contribuer à relever le moral de la classe ouvrière devant la crise sanitaire, politique, économique et sociale.