OLIGARCHIE A LA FRANÇAISE

Certains mots dans la langue française sont chargés de sens. Prenons par exemple le cas du mot « oligarque » : si ce nom commun veut dire en langage courant « riche, multimillionnaire ou multimilliardaire », son usage semble uniquement réservé pour décrire les capitalistes russes.

Chargé de sens, ce mot correspond pourtant en tout point au portrait-robot du ministre lambda sous Macron. Comme nous l’apprennent les déclarations d’intérêts et de patrimoine du gouvernement publiées le jeudi 1er décembre, le gouvernement d’Élisabeth Borne, qui refuse d’augmenter les salaires, veut faire passer l’âge de départ à la retraite à 65 ans, écrase les droits des chômeurs, brise les grèves, compte dans ses rangs pas moins de dix-neuf ministres millionnaires.

L’Exécutif est donc encore plus fortuné que celui de 2017. Les 41 ministres détiennent un patrimoine moyen de 1,9 million d’euros, contre «seulement» 1,6 million en 2017. Ils figurent pour la quasi-totalité dans la tranche des 10% des plus riches de la population.

Faut-il s’en étonner ? Non, bien sûr. La politique est une affaire de classes sociales, la petite caste patronale qui se maintient au pouvoir sait compter sur ses pairs en politique, complices au gouvernement, à l’Assemblée nationale et ailleurs, des politiques de régression sociale menée d’un commun accord entre Medef et partis de gouvernement.

Rappelons au passage, que si ces seules déclarations de patrimoine illustrent le caractère de classe de la Macronie, elles ne sont que quantité négligeable au regard des richesses détenues par les capitalistes au sommet de l’échelle sociale. Ainsi, par exemple, la fortune d’un Bernard Arnault s’élève à quelques 149 milliards d’euros. Autre exemple, la famille Hermès dispose de 78 milliards de trésorerie « familiale ». C’est dire si l’argent « magique » est bien réel. Tout le monde sait que ces richesses sont produites par les travailleurs. Tout le monde sait qu’une fois empochée par les patrons, cet argent ne sert plus au bien commun et à la réponse aux besoins de la population.

La pandémie a accéléré cette inégalité de classe : les riches sont toujours plus riches, et les pauvres toujours plus pauvres. Et, si cela ne suffisait pas, les politiques agressives contre le peuple et les travailleurs se multiplient, en parallèle des mensonges d’Etat sur les « fraudeurs » du RSA, ou les privés d’emploi. Les condamnations pour fraude sociale ont augmenté de 440% entre 2004 et 2017 alors que les condamnations pour fraude fiscale ont baissé de 40% au cours de la même période.

Ces oligarques à la française n’ont qu’une seule boussole : celle du profit et du calcul risque-bénéfice. Ils jugent, à l’heure actuelle, pouvoir continuer à nous faire payer encore et encore. Ce sont les mêmes individus qui, d’un côté maintiennent et augmentent les subventions publiques à des entreprises déjà gavés de notre argent, et de l’autre expliquent benoitement qu’il va falloir s’habituer à des coupures de courant dans la 5e puissance mondiale.

Pourtant, ils sont aussi responsables, à l’image du chaos organisé à l’Hôpital public pour mieux le dépecer et le vendre, de la casse continuelle, non seulement du service public de l’énergie, mais aussi des choix irrationnels qui ont conduit à délaisser pendant des années, voire des décennies, notre parc nucléaire, sans parler du choix politique de la désindustrialisation et délocalisations de nos industries.

Pour les faire payer, au sens propre comme au sens figuré, nous avons besoin d’élever le rapport de force dans le pays, et remettre en cause l’ordre social dominant dans son ensemble. Ainsi, il convient, pour être cohérent et logique, de mettre en avant ce qui fait la singularité de la CGT dans le paysage syndical français, mais aussi européen, voire mondial : la double-besogne.

Ainsi, et comme rappelé dans la Contribution aux débats du 53e congrès de la CGT : « Pour un syndicalisme de classe et de masse, nous situons notre activité sur base de la double besogne. Cela impose d’œuvrer au quotidien dans l’amélioration de la vie des travailleurs (temps de travail, salaires, conditions de travail, etc.) et dans le même temps, de lier cette lutte, à l’émancipation générale des travailleurs et travailleuses, par l’expropriation des capitalistes.

Dans une CGT à la hauteur des enjeux face à un système qui broie les vies, la perspective d’expropriation du capitalisme n’est pas un objectif lointain qui doit être caché derrière les revendications quotidiennes. Au contraire, chaque militant de la CGT, doit lier les objectifs immédiats de l’amélioration de la vie des travailleurs, à celui du changement de société. L’un ne va pas sans l’autre.

Le rôle de chaque militant ou organisation CGT dans la lutte quotidienne des travailleurs, c’est leur faire prendre conscience que chaque conquis reste fragile tant que le pouvoir reste dans les mains du capital. Chaque lutte, que ce soit sur des revendications d’amélioration d’un vestiaire ou pour une élévation du salaire, doit s’inscrire dans une perspective de changement de société, et faire progresser la conscience politique des travailleurs en lutte. Tout syndicat se revendiquant et agissant de lutte de classes doit partir des réalités vécues par les travailleurs, de leurs aspirations, pour élaborer un cahier revendicatif qui amène à la remise en cause du capitalisme. »