ÉDUCATION : GRÈVES ET LUTTES CONTRE LA REFORME DE LA VOIE PRO

ÉDUCATION : GRÈVES ET LUTTES CONTRE LA REFORME DE LA VOIE PRO

ANALYSE : Attal recycle la réforme ratée du lycée général en voie professionnelle

Les quatre années d’application de la réforme Blanquer du lycée général et technologique ont considérablement dégradé les conditions de travail des personnels et d’étude des élèves. En cause – notamment – la remise en cause du calendrier du baccalauréat avec des épreuves en Mars, qui a engendré un fort taux d’absentéisme des élèves. Si le gouvernement est revenu sur cet aspect de sa réforme en décalant les épreuves de Mars à Juin, son extension à la voie professionnelle n’est nullement remise en cause…  

La CGT appelle à la grève dans l’éducation nationale le 12 décembre contre le projet de réforme de la voie professionnelle.

La désorganisation de l’année de Terminale Bac pro à la rentrée 2024. Lors de réunions bilatérales avec les organisations syndicales auxquelles la CGT a refusé de participer, Carole Grandjean – ministre déléguée chargée de l’enseignement et de la formation professionnels – a précisé les modalités de mise en œuvre de la réforme Macron du lycée professionnel.

https://unitecgt.fr/bulldoze-lycee-pro/?fbclid=IwAR2cIMJ9r2m0oz_K0lrSJh2XycfrZGriu1JfJJSB4H9aBMW9cONf0lh4hC8

L’année de Terminale est ainsi divisée en trois grandes séquences. Pendant la première, de Septembre à Mars, tous les élèves sont au lycée. Au cours de cette première période, les élèves doivent passer l’ensemble des contrôles en cours de formation (CCF) de l’enseignement général, épreuves comptant pour l’obtention du baccalauréat. Ces CCF sont réalisés par les enseignantes et enseignants en charge de la classe. Dans les faits, tout le monde se doute que le mois de Mars sera dévolu à l’organisation de ces CCF, d’autant plus qu’à cette même période les élèves seront amenés à passer les épreuves nationales de Français, Histoire-Géographie et d’Économie-Droit ou Gestion. On retrouve donc pleinement la logique qui a conduit à la dégradation des conditions d’étude des élèves de la voie générale et technologique. La même recette va certainement produire les mêmes effets : une démobilisation générale des élèves à l’issue de cette période.

À partir de Mai, les lycéennes et lycéens de la voie professionnelle partiront six semaines en stage, pudiquement renommé : période de formation en milieu professionnel (PFMP). Les établissements se voient imposer un calendrier de PFMP, indépendamment de leurs filières et des spécificités des métiers préparés et donc de l’activité réelle des milieux professionnels au mois de Mai. Ainsi dans le même temps que le gouvernement promeut l’entreprise comme un lieu privilégié d’apprentissage, il dégrade fortement les conditions d’accueil des élèves dans le milieu professionnel, alors qu’il est déjà particulièrement compliqué, sur le terrain, de trouver des lieux de stage pour l’ensemble des élèves. Mais pas d’inquiétudes, pour le gouvernement si ses idées sont bonnes (SIC) c’est qu’elles sont forcément applicables. Toutes critiques relèvent alors d’un manque de compréhension ou de l’inertie tant décriée du « Mammouth ».

À l’issue de ces six semaines de PFMP, les élèves passent leurs CCF d’enseignement professionnel et les épreuves nationales associées à ces enseignements. Autrement dit, après une coupure des cours de presque deux mois, les élèves passeront – sans aucune préparation encadrée par leurs professeurs – les épreuves avec les plus gros coefficients pour l’obtention de leur diplôme. C’est aussi logique que de faire passer aux élèves de la voie générale et technologique leurs épreuves de spécialité au mois de Septembre. Mais là encore pas d’inquiétudes, en Absurdistan les fous sont rois.

Enfin, au cours d’une dernière période dite de « diversification », les élèves qui se seront engagés dans une poursuite d’études reviendront dans les lycées suivre des cours de « compétences psycho-sociales », « consolidation » ou de « savoirs méthodologiques ». Les élèves qui se seront engagés dans une insertion professionnelle retourneront en PFMP jusqu’au mois de Juillet au cours duquel sera organisé les épreuves de Prévention, Santé, Environnement (PSE) et l’orale de chef d’œuvre. Ainsi, pour les élèves qui auront fait le « choix » (SIC) de retourner en PFMP, ils passeront ces épreuves après une interruption de plus de 10 semaines de cours. Mais là encore le gouvernement a anticipé : en PFMP, les élèves auront à développer leurs compétences « psycho-sociales » et seront donc prêts à passer l’épreuve de PSE. Il est vrai que dans les entreprises françaises, où 654 travailleuses et travailleurs ont perdu la vie en 2022 (un nombre presque équivalent au nombre d’homicides) selon le rapport de l’Assurance maladie, les enjeux de prévention et de santé sont particulièrement aigus. N’évoquons-pas là des choses qui fâchent, le gouvernement l’annone : « l’entreprise est un lieu merveilleux » où les élèves – comme celles et ceux qui y travaillent – sont épanouis et développent chaque jour, dans la joie de la production, de nouvelles « compétences »…

La réforme de 2019 de la voie professionnelle s’est traduite par une baisse des heures d’enseignement disciplinaire. En CAP, les élèves ont perdu 207 heures de formation sur les deux ans, soit l’équivalent de plus de 6 semaines de cours. Ce sont les disciplines relevant de l’enseignement général qui ont été les plus impactées – notamment le Français et les Mathématiques – en voyant leur volume horaire divisé par deux. Même constat sur le cursus Bac Pro, entre 296 heures et 380 heures selon les spécialités soit l’équivalent de plus de 8 à plus de 11 semaines de cours. Là encore ce sont les  disciplines relevant de l’enseignement général qui ont été les plus impactées : le volume du bloc Français, Histoire-Géographie est par exemple divisé par deux en Terminale. Macron entend ainsi poursuivre cette œuvre en supprimant un semestre supplémentaire de cours aux élèves.

Le recours aux « savoirs fondamentaux » pour continuer à déréglementer. La ministre déléguée à l’enseignement et de la formation professionnels a également les préciser les modalités de mise en œuvre de la deuxième mesure de la réforme Macron : « permettre des enseignements aux savoirs fondamentaux ». Le gouvernement entend ainsi augmenter le volume horaire de l’accompagnement personnalisé des élèves en fonction de leurs résultats aux épreuves nationales d’entrée au lycée. Or, il ne s’agit en aucune façon d’augmenter les moyens octroyés aux établissements, dans l’idéologie macronienne le service public peut faire mieux avec moins. L’« accès aux savoirs fondamentaux » sera donc financé par la suppression de la « co-intervention » dispositif phare qui avait justifié la réforme Blanquer de 2019. Attention, le gouvernement n’entend pas pour autant faire le bilan de cette réforme catastrophique. Au final, les grands perdants seront – une nouvelle fois – les élèves de Seconde et de Première puisqu’elles et ils perdront une heure d’enseignement professionnel en plus chaque semaine.

Avec le développement de nouveaux cours de « compétences psycho-sociales », de « consolidation » des savoirs fondamentaux ou de « savoirs méthodologiques » en Terminale comme en Seconde et en Première, nous assistons donc à une baisse catastrophique des heures disciplinaire et réglementées, c’est-à-dire régies par des programmes nationaux, et à l’augmentation disproportionnée d’heures inter ou pluri ou transdisciplinaires sans programmation nationale dont la mise en œuvre relève de l’autonomie des établissements soumise à l’appréciation des directions locales. Bien évidemment ces baisses d’heures se traduisent dans les faits par une baisse du niveau des élèves qui d’une part n’atteignent pas les exigences attendues et sont refusés au moment de l’examen, d’autre part c’est une attaque contre le niveau de conscience des futures travailleuses et travailleurs.

La casse du statut des PLP et le co-pilotage de la voie pro par France Travail. La mise en œuvre concrète de ces annonces n’est pas encore clairement définies. Carole Grandjean a ainsi programmé une seconde série de rencontre dès la rentrée de Novembre. Toutefois, il apparaît clairement que pour mettre en œuvre ces annonces, le gouvernement entend remettre en cause le statut des professeurs de lycée professionnel (PLP). Comme dans le reste de la Fonction publique le risque est la mise en place de l’annualisation du service d’enseignement. Si les PLP sont menacés par cette énième contre-réforme, elle menace l’avenir même de la voie professionnel sous statut scolaire, celui de ses établissements et donc de l’ensemble des personnels qui y exercent : AED, CPE, AESH, personnels de santé et de service social, personnels administratifs.

La suppression des heures d’enseignement dédiées à la co-intervention en Terminale Bac Pro pour rémunérer des intervenants extérieurs venus du « monde de l’entreprise » est révélatrice du projet macroniste à plus long terme pour le lycée professionnel. De même, Carole Grandjean a indiqué vouloir faire de l’accompagnement personnalisé en Terminal le support du dispositif « Avenir Pro », en partie cogéré par Pôle Emploi futur France Travail. La remise en route au printemps dernier de la contre-réforme de la voie professionnelle a coïncidé avec celle de France-Travail. Dans les deux projets des points de convergence sont notables. Ainsi, la mise en place des « Bureaux des entreprises » dans chaque établissement scolaire de l’enseignement professionnel relève du même champ de compétences associées aux Comités France-Travail locaux, notamment en ce qui concerne la réflexion sur « les évolutions de l’offre de formation ». Aussi, il n’est pas impensable d’imaginer un pilotage local de la carte des formations décidé par France-Travail. À terme, c’est la mise en place d’un pilotage de la voie professionnelle publique par le Ministère du Travail et ses services déconcentrés qui est visé. De même, la mise en place ou la généralisation de nouveaux dispositifs à travers le Pacte – comme « Tous droits ouverts », « Ambition emploi », « AvenirPro », – associent toujours plus les lycées professionnels aux entreprises et France-Travail. 

Tout leur reprendre. À l’autonome 2022, notamment lors des journées de grève du 18 octobre et du 17 novembre, les travailleuses et travailleurs des Lycées professionnels se sont largement mobilisés. Toutefois force est de constater que cette mobilisation n’a pas permis de faire échec aux projets macronistes.

https://unitecgt.fr/mobilisations-reforme-lycee-pro/?fbclid=IwAR2-CMBG59zfNWy3xMsVLveD4EUQ6QzDsD69QMbKv6lULvv8wGBx_Cf-olc

Si les organisations syndicales doivent se rencontrer à la rentrée de Novembre, le gouvernement a d’ores et déjà annoncé vouloir aller très vite : les décrets et circulaires afférentes à ces annonces seront présentées au Conseil supérieur de l’éducation (CSE) de mi-décembre.

Il y a donc nécessité de construire très vite une mobilisation puissante sur des bases offensives et surtout interprofessionnels, en liant les luttes des différentes catégories de personnels entre elles d’une part, en liant la lutte de la contre-réforme de la voie professionnelle à celle de France Travail d’autre part. La lutte pour la défense du statut des PLP rejoint celle contre la fusion des corps d’AED et d’AESH et pour la titularisation de ces personnels et plus globalement de toutes et de tous les contractuels. Les luttes des agentes et des agents de Pôle-emploi, des Missions locales, de Cap-emploi pour le maintien et le développement de leur outil de travail, rejoint celle des travailleuses et travailleurs des lycées professionnels.

De façon plus générale, il s’agit de mener la double besogne et de proposer aux travailleuses et aux travailleurs des lycées professionnels un autre projet d’école et de société. Macron et son gouvernement, aux ordres du patronat, ne concédera rien. Au-delà de ne rien leur lâcher, il s’agit de tout leur reprendre.