Retour sur le blocage de la MIN de Rungis : que retenir de cette action interpro de perturbation directe de l’économie ? Nous avons pu échanger avec le secrétaire général de l’Union départementale CGT 94 à propos de cette action.
Si la grève est encore pour le moment le fait de secteurs structurants de l’économie (cheminots, traminots, raffineurs), ponctuellement rejoints par d’autres secteurs importants (éducation nationale, portuaires, dockers), l’action interpro directe sur les lieux de production et de circulation des marchandises, participe pleinement au blocage de l’économie.
Blocage du marché de Rungis : retour sur une action interpro dans le Val-de-Marne
En tout, ce sont plus de 400 personnes qui ont répondu présentes dans la nuit du jeudi 19 au vendredi 20, se rassemblant pendant plusieurs heures devant l’un des cinq péages du Marché d’intérêt national (MIN) de Rungis et empêchant les camions d’accéder à la plateforme logistique.
Plusieurs dizaines de policiers étaient également présents, empêchant les syndiqués et militants de pouvoir rentrer à l’intérieur du Marché. Rappelons-le, les policiers ont tout récemment bénéficié d’un traitement spécial de la part du gouvernement, ce dernier permettant à la police de conserver son régime spécial de retraites.
Situé à sept kilomètres de la capitale, le MIN nourrit un Français sur quatre et est le premier marché d’approvisionnement en Europe. En 2017, l’activité du Marché d’intérêt national a généré un chiffre d’affaires de 9,4 milliards d’euros, soit environ 0,3% du PIB français. Rappelons que le Crédit Agricole Assurance possède 33,4% de l’actionnariat de la Semmaris, société foncière chargée de l’exploitation du marché et de la location des murs.
A noter par ailleurs, que les fêtes de fin d’année représentent des enjeux financiers considérables pour le MIN de Rungis, qui alimente les professionnels de la restauration et de l’agro-alimentaire.
Que retenir du blocage du marché d’intérêt national de Runigs ?
Les actions de blocage et de perturbation de l’économie traduisent non seulement la radicalité ouvrière et syndicale, mais également la justesse d’une stratégie de perturbations directes de l’économie, notamment via le maillage territorial de nos UD et UL CGT.
Nous avons eu la possibilité d’échanger sur l’action de blocage de Rungis avec Cédric Quintin, secrétaire général de l’Union départementale CGT Du Val-de-Marne. Voici qu’il a nous a expliqué :
Le MIN de Rungis est un site stratégique emblématique
« Le MIN représente un symbole économique, c’est le plus grand marché du monde. Le MIN c’est un lieu où se brasse beaucoup d’argent. La stratégie de la CGT consiste aussi à peser justement sur le capital, sur l’argent. Notre visée première n’est pas de mettre en difficulté les petites et moyennes entreprises qui travaillent au MIN. Pour autant, on ne perd pas de vue que ces entreprises appartiennent à des grands groupes, et c’est sur ces derniers qu’on veut agir et peser.
Dans ce marché il y a le monde patronal, le monde financier, et on sait le rôle et la place déterminante que ces derniers jouent dans les choix politiques qui sont fait dans ce pays. On connait les liens étroits entre le patronat et la Macronie.
Le MIN c’est aussi un site stratégique, un site sensible dans le département du Val de Marne, qu’on a déjà envahi par le passé, par exemple pendant la lutte contre la loi Travail en 2016, ou pendant le mouvement des gilets jaunes, en initiative commune avec eux.
C’est sur ce symbole qu’on a voulu taper cette nuit, en complément de tout ce qui se fait [dans le mouvement contre la réforme], c’est-à-dire les grèves, au moment des temps forts, la grève reconductible dans toute une série de secteurs (les cheminots, la RATP). »
Le blocage de Rungis, une action interpro complémentaire des grèves et manifestations
« L’action sur le MIN se fait également en complément de manifestations dans les villes du département ces dernières semaines. Ainsi, entre deux temps forts, on a impulsé des manifestations territoriales qui ancrent la bataille dans les quartiers populaires, dans les entreprises du privé sur le territoire. On a tenu 6 manifestations dans plusieurs villes du département, et à chaque fois cela a permis élargir et ancrer la lutte.
L’action sur le MIN agit donc en complément de tout ça, et en même temps, cette action s’inscrit aussi dans un cadre général où on a dans le pays des blocages de raffinerie, des transports, quelques mouvements intéressants dans le secteur de la propreté et du ramassage de déchets.
Ces blocages des secteurs économiques stratégiques aident à paralyser le pays et l’économie, et c’est ça qu’on vise, pour donner de la force et de la puissance aux grèves. On est obligé de constater que les grèves et manifestations ne sont pas entendues [par le gouvernement] pour l’instant. Donc, il faut radicaliser, il faut durcir le mouvement. Ce qu’on a fait cette nuit [à Rungis] participe à cela.
Enfin, cette action est également l’envoi d’un message de colère et de détermination de notre camp, de notre classe. Dans le même temps, pour tous ceux qui sont en grève reconductible, c’était aussi l’occasion de vérifier qu’on n’était pas isolé les uns des autres. Si les niveaux de grèves dans une grande frange du salariat ne sont pas encore à la hauteur, on est bien dans un mouvement général, un mouvement interpro. »
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