Masqués mais pas muselés : répondons à la guerre sociale par l’arrêt général du travail et le contrôle ouvrier

Le gouvernement veut faire payer la crise économique au peuple et aux travailleurs. C’est d’ailleurs ce qu’il se passera s’il n’y pas de réponse à la hauteur de l’attaque. Chacun peut se rendre compte de la situation scandaleuse au travers de sa propre expérience ou au détour des entretiens que nous réalisons avec des syndicalistes CGT qui, sur le terrain, se confrontent aux directives voulant sacrifier la santé, et donc la vie des ouvriers.

A ce propos, la schizophrénie des mots d’ordre de nos gouvernants : « restez chez vous », « allez travailler », « n’allez pas aux enterrements de vos proches », « allez bosser » etc.. masque mal un choix de classe dans le traitement des événements et des urgences sociales, économiques et sanitaires.

La pandémie, ou la « divine surprise » des capitalistes

Le passage en force des récentes ordonnances-scélérates nous ramène au 19e siècle. Ce gouvernement nous fait chanter en prétendant pouvoir gérer la crise en échange de notre silence, soumission et confinement forcé.

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Au cours de son discours à Mulhouse, le président des riches a annoncé un énième « plan massif » pour l’hôpital. Une nouvelle fois, aucune annonce concrète et chiffré, de court et de moyen terme, n’a été évoquée. Cela n’a pas empêché Macron de dénoncer les facteurs de divisions et « celles et ceux qui voudraient fracturer le pays », tout en usant encore une fois d’une pseudo rhétorique guerrière.

Cette attaque verbale à peine voilée contre les travailleurs et leurs organisations syndicales qui se rebellent contre une « démocratie » bourgeoise en guerre contre son propre peuple ne nous fait pas peur. Au contraire, elle renforce notre détermination à combattre ce coup d’Etat social et sanitaire.

Nous le disions, et nous le répétons encore et encore, la vie d’un ouvrier ne compte pas pour la classe au pouvoir. Il n’y aura aucune union « sacrée », « nationale » avec ces bouchers.

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Les pleins pouvoirs que nos gouvernants se sont auto-accordés ne les empêchent pas, car on touche là à des aspects à la fois matériels et idéologique, de refuser de revenir sur la suppression de l’ISF tandis que le patron du Médef explique posément qu’aucune entreprise ne versera le moindre centime au fonds de solidarité.

De plus, cette situation n’empêche pas le patron des patrons de considérer comme « normal » la suppression de la cotisation patronale (ce qui sonne la fin du salaire socialisé, conformément au projet Macron de la fin du salaire brut annoncé en plein conflit des retraites) et les allégements fiscaux ainsi que les centaines de milliards d’euros d’aides supplémentaires accordées aux entreprises et payé de la poche des travailleurs !

Nous ne sommes pas en guerre contre un ennemi extérieur, notre système de soin est confronté à une pandémie virale après plusieurs décennies de délabrement organisé de l’Hôpital public. L’ennemi se trouve chez nous, dans les palais de l’Elysée, dans les quartiers généraux du patronat.

Seul le peuple sauve le peuple : les travailleurs des secteurs « essentiels » doivent diriger le pays

SI de nombreux travailleurs peuvent rester confinés et télétravailler (nous aurons l’occasion d’écrire également sur le danger que représentent à moyen terme cette télé surveillance de masse), ce n’est pas le cas d’une catégorie de travailleurs que les politiciens et les médias semblent redécouvrir : la classe ouvrière.

Cette « redécouverte » d’un secteur de la population qui d’ordinaire, ne bénéficie d’aucune couverture médiatique, est dangereuse pour la classe au pouvoir tant cela lui rappelle à quel point les capitalistes agissent et vivent comme des parasites sur le dos des travailleurs.

Ainsi, le pouvoir et ses chiens médiatiques tournent autour du pot, lorsqu’ils parlent de « sites de production » pour ne pas parler « d’usines » et lorsqu’ils parlent de secteurs « essentiels » pour ne pas dire « industrie ».

La pandémie a accentué la guerre de classe. La période que nous vivons actuellement aura donc au moins eu le mérite de déchirer le voile sur la réalité de « qui » fait tourner le pays. Si certains secteurs sont qualifiés « d’essentiels », c’est qu’ils sont indispensables. La conclusion s’impose alors d’elle-même : tout le pouvoir politique doit revenir à ceux qui sont « essentiels » et indispensables au fonctionnement du pays : la classe ouvrière

Sans ces secteurs et sans les travailleurs de la logistique, de la grande distribution, de l’agroalimentaire, de l’énergie, des industries chimiques, des transports, de la métallurgie, du bâtiment, du nettoyage, des égouts et du traitement des déchets, sans les saisonniers agricoles, bien souvent clandestins et payés sous le SMIC, sans les ouvriers (productifs, comme non productifs), sans la classe ouvrière, le pays s’effondrerait.

Posons alors la question : a-t-on besoin de ce gouvernement bourgeois illégitime – dont l’amateurisme et la capacité à saisir n’importe quel effet d’aubaine pour casser nos droits et conquis, ne sont plus à démontrer – de ce Parlement godillot, ou d’un patronat dépassé par l’ampleur de la crise et incapable de répondre à nos besoins « essentiels » ? Clairement, le pays mérite mieux que ces députés et ministres affairés à sauver leurs propres vies et surtout les taux de profit du patron.

D’une certaine manière, cette crise révèle les secteurs et la classe sociale indispensables au fonctionnement, non pas seulement de l’économie, mais bien de la société toute entière. D’ailleurs, les entretiens que nous avons réalisés avec des syndicalistes ont révélé que les travailleurs de ces secteurs étaient prêts à être en première ligne pour aider la population. Mais pas à n’importe quel prix ou n’importe comment, et certainement pas pour permettre à de richissimes patrons de conserver leurs taux de profit et leurs niveaux de vie.

Il faut changer de terrain :  c’est d’abord et avant tout dans l’entreprise et surtout l’usine, que la gestion et la planification économique politique doit se décider, se préparer et s’appliquer. Ce sont aux ouvriers que nous devons le fonctionnement de notre pays et la survie de la population. Ce sont donc à eux que nous devons confier le pouvoir politique. Qui mieux que l’ouvrier peut savoir ce qui est bon pour le pays ?

Ces questions et les réponses à apporter se posent dès maintenant et se poseront avec virulence une fois le confinement passé.

Arrêt général de la production non essentielle et contrôle ouvrier : faisons payer les patrons

Dans l’immédiat, nous sommes confrontés à une situation paradoxale : au nom de la santé de l’économie, le gouvernement fait passer 25 ordonnances-scélérates qui anéantissent nos droits et conquis sociaux, sans que nous puissions correctement y répondre à cause du confinement.

Toutefois, l’exemple italien doit nous servir de boussole. Dans ce pays gravement touché par la pandémie à cause de l’état de déliquescence du système public de santé, la classe ouvrière fait grève et débraye pour contraindre la Confindustria, le Médef italien, et son gouvernement, à arrêter la production non essentielle.

Il y aurait beaucoup à dire sur l’attitude et la mentalité de cette bourgeoisie (française comme espagnole comme italienne) qui se prélasse dans son confinement doré tout en intimant l’ordre à des ouvriers à retourner au turbin, sans dépistage, sans respect, sans prime, sans masque, sans protection face au virus.

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Nous devons prendre le capital à la gorge sur sa propre contradiction et ne surtout pas la lâcher. Si confinement il doit y avoir, alors tout doit réellement être confiné, toute la production non essentielle doit immédiatement s’arrêter, tous les ouvriers des secteurs industriels doivent bénéficier d’un statut de type nouveau et d’un droit de contrôle sur la production.

D’ores et déjà, la question de l’arrêt général de la production non-essentielle se pose. Il est réellement dramatique de penser que nous aurons à attendre de nouvelles grèves spontanées massives se déployer pour voir notre Confédération CGT courir après la colère ouvrière alors qu’une confédéralisation des luttes permettrait dès maintenant de poser la question d’une grève générale préventive, notamment pour faire abroger les ordonnances-scélérates.

Que se passera-t-il par exemple quand les travailleurs seront privés (dans les faits) du droit de retrait et demanderont à la CGT de poser des jours de grève pour pouvoir au moins se protéger malgré la perte de salaire ? Que se passera-t-il quand les médias et le gouvernement attaqueront, d’abord sournoisement puis frontalement le droit de grève ?

Sans sous-estimer ces tirs de barrage médiatique et moralisateur, il est temps d’anticiper cette grande vague de fronde sociale massive et nationale. Et de l’organiser pour la rendre puissante, cohérente, et globale.

Certains syndicats CGT appellent déjà à l’arrêt général du travail par tous les moyens possibles. C’est le cas par exemple de la FNIC CGT ou encore de la Fédération CGT des Services publics qui a déposé un préavis de grève pour l’ensemble du mois d’avril.

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Oui, nous sommes masqués, mais nous ne se sommes pas pour autant muselés. Agissons dès maintenant pour arrêter la machine non-essentielle. Agissons dès maintenant pour que les travailleurs des industries « essentielles » soient écoutés et protégés à la hauteur du service qu’ils rendent au peuple dans ces conditions dramatiques. Agissons dès maintenant pour remettre la classe ouvrière au centre de la société, au centre de la direction politique et économique.

Nous ne sommes pas de la chair à canon ou à patron. Posons la question : « Quelle classe sociale est la plus à même d’assurer notre santé et de répondre à nos besoins ? ».  Et assumons la réponse : la classe ouvrière doit être au pouvoir.

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